Rahm la Clémence est un film d’un type rare en France : un conte pakistanais, un conte pour adultes ou adolescents. Il s’inspire de contes arabes, persans, indiens, et de Shakespeare…Il est difficile au final de reconnaître Mesure pour mesure du dramaturge britannique, mais la pièce fait certainement partie du tout. Cette synthèse singulière est elle-même de culture ourdoue, la langue officielle et culturelle du Pakistan. La langue ourdoue est la version musulmane de l’hindoustani, scindé au XIXème siècle entre l’ourdou pratiqué par les musulmans et le hindi par les hindous. Le hindi est la langue dominante de la moitié septentrionale de l’Inde, et l’intercompréhension demeure avec l’ourdou. Le film, à voir absolument en version originale, témoigne du caractère composite de l’ourdou, avec des emprunts massifs à l’arabe pour le vocabulaire religieux – ce qui comprend les salutations et la politesse -, au persan pour la poésie et les thèmes amoureux, à l’anglais pour le droit et les termes techniques ou militaires. Les termes ou expressions anglaises détonnent pour le public occidental puisque reprises telles quelles de la langue de Shakespeare, avec la prononciation indienne marquée, au milieu de phrases en ourdou.
Rahm la Clémence, est une curiosité et un bon moment pour le spectateur
Rahm la Clémence a donc pour principale qualité de dépayser le lecteur, de lui faire découvrir la société pakistanaise dans ce qu’elle peut avoir de meilleur aussi. Il n’y a pas que des Talibans, des politiques corrompus, etc…Pourtant, ils appartiennent aussi à la société, même s’ils sont dénoncés ici. Dans ce conte, voulu intemporel, un peu irréel, mais qui ressemble beaucoup au Pakistan d’aujourd’hui, un vieux gouverneur, las, décide de se retirer pour soigner sa santé et méditer. Le lieutenant-gouverneur, jeune ambitieux, musulman de stricte observance, très zélé et l’affichant, doit le remplacer. Comment va-t-il agir ? Il s’engage à « moraliser » la société pakistanaise, très vaste ambition, comme il est bien montré dans le film, sur le modèle des Talibans. Deux amants se font arrêter : ils prétendent voir été mariés en secret, et avoir perdu le papier. Donc ils seront fouettés pour fornication ; le lieutenant-gouverneur décide même de faire un exemple et de pendre le jeune homme ! Tant de zèle choque, mais la sentence a toute les chances d’être appliquée. Aussi la sœur du défunt vient-elle le supplier d’exercer la vertu de clémence, qui en effet honorée aussi en islam, en principe. Or le potentat refuse, à moins que la jeune femme, fort belle, fasse preuve de beaucoup de gentillesse à son sujet…D’où un terrible dilemme pour elle, et une tragédie véritable : elle doit préserver sa vertu, mais elle veut vraiment sauver son frère. Comme il s’agit d’un conte, il y a lieu d’espérer que l’innocence triomphera et que les méchants seront punis.
Rahm la Clémence est une curiosité qui fait passer un bon moment au spectateur.