L’affaire d’un divorce refusé défraie la chronique outre-Manche : c’est l’histoire de Tini Owens, 65 ans, qui s’estime « prisonnière » de son mariage avec Hugh Owens, 78 ans, après qu’un juge des affaires familiales a décidé de ne pas valider son divorce au motif que les disputes dont elle se plaint font partie du mariage – et qu’il « faut s’y attendre ». L’affaire se complique par le fait que le couple a bâti, au cours de 37 ans de mariage, un véritable empire du champignon qui représente aujourd’hui un chiffre d’affaires annuel de plus de 5 millions de livres par an. L’épouse, en demandant le divorce, a sans doute des vues sur le manoir dans le Worcestershire et plusieurs maisons au pays de Galles et en France que les Owen ont acquis au fil des ans. Pas question, a cependant décidé le juge.
L’affaire a été médiatisée à l’occasion de l’appel interjeté par Tini Owens qui se plaint des « réprimandes incessantes » dont elle a fait l’objet de la part de son mari. Celui-ci – se plaint-elle – l’a critiquée devant leur gouvernante, s’est disputé avec elle dans un magasin d’aéroport à Cancun, il a refusé de lui parler lors d’un repas au pub du coin et lors d’un autre repas en présence d’un ami, il lui a même adressé des « remarques acerbes ».
Les disputes font partie mariage, et ne justifient pas le divorce
C’est peu, et c’est ainsi qu’en a décidé le juge Robin Tolson, qui a qualifié les accusations d’« exagérées » et « au mieux, fragiles », les reléguant au niveau d’« altercations mineures auxquels on peut s’attendre dans un mariage ». Une manière d’exercer le « raclage de fonds de tiroir », a-t-il précisé, non sans amusement, devine-t-on.
Le couple s’est marié en janvier 1978. En novembre 2012, Mme Owens a entamé une relation extra-conjugale, avec un nommé Ted Olive, qui a pris fin en août 2013. Dix-huit mois plus tard, elle quittait le domicile conjugal et vit depuis séparée de son mari. Celui-ci affirme aujourd’hui avoir « pardonné » à sa femme son égarement d’il y a quelques années : il veut rester marié car ils ont « encore quelques années de vieillesse à passer ensemble ».
L’épouse, elle, dit se sentir « mal aimée, isolée, seule »… L’étoffe des romans-photos.
Pour ce qui est du comportement de l’époux à la suite de l’adultère de sa femme, le juge a estimé qu’il n’était pas « déraisonnable ». C’est un gentleman-farmer « de la vieille école », aux yeux du juge Tolson.
L’épouse du millionnaire se voit refuser le divorce (et surtout le remariage)
De telles décisions, motivées de manière aussi pateline, font tout le charme du système du droit coutumier, qui a le mérite de pouvoir prendre compte de l’humanité des situations de manière originale. En France, où le divorce par consentement mutuel et hors parcours judiciaire est désormais possible, où le refus d’un divorce par un tribunal est inconcevable, on n’imagine rien de tel.
Mais au-delà du piquant de ce fait divers, il y a tout ce que l’affaire véhicule en matière de conception de la société et de protection au mariage stable. Lors de l’audience d’appel, le conseil de Mme Owens a plaidé que la justice n’a pas le droit de l’enfermer dans un mariage : la malheureuse est selon lui une « femme mise sous clef », qui ne peut divorcer sans le consentement de son époux – à défaut de quoi il lui faudra attendre cinq ans de vie séparée pour pouvoir obtenir la rupture de son mariage. L’avocat Philip Marshall a ajouté que les droits humains de sa cliente sont violés du fait qu’elle ne peut pas exercer son droit au remariage.
Qui n’est autre qu’un « droit » de saper les fondements de la société. C’est justement pour cela que celle-ci a le droit de jeter son regard sur un contrat, une alliance d’intérêt public, et qui ne saurait se borner à un petit arrangement entre époux – ou « ex ».