Un sondage le montre, de plus en plus d’Anglais, surtout les jeunes, sont prêts à se faire implanter une puce, se nourrir de pilules, ou… sortir avec des robots! Un salon japonais le confirme, on prépare les hommes au mariage avec la machine, puis à leur grand remplacement par celle-ci dans un monde de science-fiction.
Le Nesta (National Endowment for Science, Technology and the Arts) est une institution fort sérieuse en Grande Bretagne, fondée à l’initiative de la couronne britannique et dotée d’un capital de départ de 250 millions de livres par la loterie nationale anglaise. Elle se préoccupe depuis des décennies de promouvoir des matériels et des politiques publiques propres à faire « advenir le futur », dans un esprit d’anticipation systématique qui évoque la science-fiction. Il a une conception idéologique du progrès et prépare les Anglais à un monde où la machine remplace l’homme dans la plupart de ses tâches. Il vient de publier un sondage sur l’idée de l’avenir que se font les Anglais, d’où il appert que seul un tiers d’entre eux pensent que le thé demeurera la boisson la plus appréciée au Royaume Uni dans vingt ans, contre 26 % pour le café, 7 % pour l’eau, 3% pour la bière, 2 % le vin, et 12 % une boisson « qui n’a pas encore été inventée ». La moitié des Anglais pense que l’argent liquide n’existera plus, un sur quatre qu’il n’y aura plus de passeports, un sur cinq pense de même des ordinateurs portables et du travail au bureau. Et ils sont nombreux à accepter l’idée d’un mariage de l’homme avec la machine. La révolution va faire toutes choses nouvelles.
Au royaume des robots la machine remplace tout le monde
Les dirigeants du Nesta sont en parfaite communion d’idées avec l’opérateur du nouveau parc d’attraction qui vient de se lancer au Japon, Le royaume des robots. Deux cents robots vont y tenir les emplois ordinairement remplis par les humains. Pour l’instant, ils ne sont que quelques-uns et se limitent aux services, notamment à la restauration : ils prennent les commandes, composent des cocktails, cuisent et servent les plats, puis desservent et nettoient la salle après le repas. D’autres robots viendront peu à peu les épauler.
L’entrée du Royaume des robots n’est pas donnée, l’équivalent de 40 livres, la chose reste encore une curiosité rare, mais pour le patron de l’opérateur du parc, Hideo Sawada, « le temps va venir où ces techniques seront utilisées couramment partout dans le monde ». De grosses entreprises japonaises suivent ce mouvement et travaillent à produire les robots nécessaires. Ce qui signifie à assez court terme la fin du travail humain dans le secteur des services. Pour commencer. Car les tâches industrielles sont globalement plus simples à accomplir, et les robots en remplissent déjà une bonne part, au Japon notamment. C’est donc le chômage massif structurel qui se prépare et le remplacement au travail de l’homme par la machine.
Les jeunes favorables au mariage avec la machine
Cependant cette perspective ne semble pas inquiéter les jeunes, au contraire. Les jeunes Japonais sont parmi les visiteurs les plus enthousiastes du Royaume des robots, et, pour en revenir au Nesta, l’étude qu’il vient de publier montre une forte adhésion des jeunes Anglais aux projets de mariage homme machine. A la question : si la discrétion sur vos données personnelles était parfaitement garantie, vous feriez-vous implanter une puce dans la main pour faciliter des opérations telles que l’ouverture de la porte de votre logement, plus d’un tiers a répondu oui. A la question, si des pilules idoines vous permettaient de vivre sans manger, et sans danger pour votre santé, les prendriez-vous à la place du repas, près d’un quart a répondu oui.
Des jeunes Anglais prêts à sortir avec des robots
Les deux questions suivantes sont cependant beaucoup plus fortes, parce qu’elles ouvrent la porte au mariage proprement dit de l’homme et de la machine, à leur accouplement. La première demandait aux sondés anglais : aujourd’hui, les amoureux peuvent se rencontrer grâce à des applications chargées sur les téléphones portables, demain, utiliseriez-vous les comparaisons d’ADN et les phéromones pour trouver votre âme sœur ? Un Anglais sur cinq s’y est dit décidé, 31 % des jeunes. Quant à la dernière question, elle fait vraiment entrer la science-fiction dans les chambres à coucher puisqu’elle demande : Supposé que vous soyez célibataire, et à la condition que vous arriviez à une adéquation parfaite (en anglais, perfect match, perfect matching) et que vous ne voyiez pas de différence (avec un être humain), iriez-vous à un rendez-vous galant avec des robots ?
A cette question pour le moins surprenante, il s’est pourtant trouvé 17 % d’Anglais pour répondre oui, et la proportion monte à 26 % chez les jeunes. Plus d’un quart des jeunes Anglais sont d’accord pour sortir avec des robots, et plus si affinités. Cet assentiment sollicité par les chercheurs d’avenir est l’une des manifestations d’une grande manipulation des citoyens pour qu’ils acceptent, pour qu’ils demandent, pour qu’ils finissent par exiger peut-être le mariage avec la machine.
Dans le monde recréé la machine et les robots remplaceront l’homme
On aura noté un double mouvement dans les questions et les réponses qu’elles engendrent. D’un côté la promotion du virtuel. Un des commentaires fait valoir que les affaires de cœur pourront être moins charnelles et reposer plus sur l’échange d’idées. Ici, on rencontre le dédain, ou la peur, ou la honte, ou la haine, de la chair, une créatophobie qui indique le refus, fondamental, de l’incarnation, donc de la spécificité de l’homme.
A l’inverse, on observe l’illusion naïve du matérialisme, selon laquelle tout va mieux, que les couples s’apparient plus exactement, plus justement, si l’on se fie aux données purement « scientifiques » : d’où l’importance des comparaisons d’ADN et des phéromones. Comme l’âme n’existe pas, le monde où la matière serait parfaitement maîtrisée est le monde parfait. Ici aussi, par l’autre bout, c’est la spécificité humaine qui est niée. D’un point de vue catholique, le péché originel se trouve nié tout autant que l’incarnation, on n’est plus en présence d’une perfection déchue mais d’une créature de second rang que les nouveaux créateurs peuvent améliorer ou remplacer par quelque chose de mieux : derrière le « perfect match » se glisse l’idée que la création purement matérielle en cours sera supérieure à l’ébauche d’aujourd’hui.
L’homme ainsi réduit se trouve prêt, animal dépassé, obsolète, pour son mariage avec la machine qui en sait plus long que lui. Puis les robots, plus performants, plus élégants, plus solides, après l’avoir soulagé de ses derniers travaux et lui avoir donné ses derniers plaisirs, le remplaceront une bonne fois pour toutes. J’ai évoqué parfois ici même des hypothèses de science-fiction, mais cette fois les Anglais et les Japonais ne sont plus dans l’anticipation.