La Tour Sombre est un grand roman fantastique du maître du genre en langue anglaise Stephen King. Ce film en est donc l’adaptation. Il y a à l’évidence deux types de publics pour ce film : ceux qui ont lu le roman et les autres, dont nous avouerons faire partie. Toutefois, du moins pour les amateurs de fantastique, l’intrigue se comprend aisément. Le ton du film paraît cependant rapidement assez flou : l’œuvre relève-t-elle pleinement du film fantastique ou simplement du conte ? Elle ne possède pas la simplicité assumée et le charme du conte, tout en manquant plus d’une fois par son thème et sa mise en scène du sérieux formel minimal du film fantastique plein et entier.
La Tour Sombre est un bâtiment d’une hauteur immense, extrêmement ancien et solide, qui soutiendrait magiquement de nombreux univers parallèles, dont le nôtre. Elle empêcherait l’effondrement de tous ces univers. Ils seraient sinon envahis par des créatures monstrueuses, qualifiées de « démons ». Un ordre de sorciers cherche à provoquer l’effondrement de la Tour, tandis que des chevaliers la défendent, et ce depuis des millénaires. Ces derniers sont qualifiés de porte-pistolets, et non porte-épées, soit déjà une faute de goût, aggravée par le sous-titrage français ridicule « pistoleros », qui renvoie à des bandits mexicains, soit un hors-sujet complet. Précisément lorsque le sujet est déjà un peu extravagant, la traduction se doit-elle d’être particulièrement rigoureuse. Les sorciers traquent sur Terre les adolescents porteurs de dons psychiques particuliers dont ils se servent à leur profit ; alors qu’ils passent couramment pour des malades qui perçoivent des choses imaginaires, ils sont spécialement doués. De faux établissements spécialisés dans l’accompagnement de jeunes malades mentaux servent en fait à livrer ces adolescents aux sorciers. Dans le domaine du cauchemar paranoïaque, c’est assez bien vu. Le jeune héros du film s’obstinera dans sa confiance en ses dons, essaiera d’échapper à un maître-sorcier qui le poursuit, sur Terre comme dans univers parallèle. Il s’appuiera sur un poste-pistolet dépressif, désabusé, mais fondamentalement bon et courageux.
La Tour Sombre, un film assez brouillon, inachevé
Le film n’ennuie pas et se laisse voir par le spectateur de bonne volonté. Mais le politiquement correct a encore frappé : le méchant sorcier est blanc, le gentil porte-pistolet est noir, évidemment. On regrettera aussi le fait que les héros ne prient jamais Dieu ou les anges ; il y a là une asymétrie curieuse et fâcheuse, puisque les sorciers invoquent eux les démons, sans qu’il y ait de scènes d’un ésotérisme douteux à l’écran. La Tour Sombre, sans être vraiment mauvais, laisse l’impression d’un film assez brouillon, inachevé, et c’est dommage.