Un livre à lire : “Le moment est venu de dire ce que j’ai vu” de Philippe de Villiers

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Philippe de Villiers, Le moment est venu de dire ce que j’ai vu, Albin Michel, 2015. 344 pages. Prix : 21,50 €

 
Philippe de Villiers, personnalité bien connue de la vie politique française et du combat souverainiste, continue à faire parler de lui, et surtout, chose beaucoup plus intéressante et essentielle, du contenu de son livre-choc : Le moment est venu de dire ce que j’ai vu. Armel Joubert des Ouches a obtenu pour Réinformation.tv un intéressant entretien de l’auteur, qui explicite sa démarche, et revient sur les grands moments de son livre.
 
Les médias désinformateurs ont surtout répété les anecdotes, très présentes, vivantes, agréables à lire, présentes dans cet ouvrage. Pourtant, sans nier ce plaisir indiscutable de la lecture, cet art du portrait renouvelé de Suétone (avec plus de vérité), il manque à ces comptes-rendus l’essentiel, le sens profond de cet ouvrage, qui en fait tout l’intérêt : nos élites, à Paris et à Bruxelles, œuvrent à la destruction de l’Europe chrétienne, ou de ce qu’il en reste, très souvent contre la volonté populaire des électeurs. Une oligarchie cosmopolite méprise et contourne au besoin, sans aucun scrupule, la démocratie formelle.
 

Philippe de Villiers, un jeune retraité de la vie politique

 
Philippe de Villiers a été une personnalité majeure de la vie politique française. Il a essayé, comme haut fonctionnaire, puis militant politique, à l’UDF – tout en étant à rebours des idées dominantes du parti giscardien – puis surtout au sein de son parti souverainiste le MPF, de sauvegarder, de restaurer l’indépendance de la France. Il a aussi intégré de façon essentielle à son combat politique la défense de la Vie, refusant donc absolument le crime de masse qu’est l’avortement libre en France depuis 1974, et l’identité chrétienne de notre pays. Cette dernière se comprend comme respect authentique de l’héritage catholique, par la société, à rebours de l’anticléricalisme, et concrètement de l’antichristianisme, hérité de la Troisième République – avec pour rupture symbolique la Loi de Séparation de 1905. A cette menace antichrétienne républicaine, continuant un travail d’extirpation de ce qui peut rester des racines chrétiennes de la France, s’est ajoutée celle de la submersion démographique musulmane.
 

Le Puy du Fou et le combat pour notre histoire

 
En parallèle de cette action politique, Philippe de Villiers a joué un rôle essentiel dans le développement du parc du Puy du Fou, parc à thème consacré à l’Histoire de France et de la Vendée. Il y a longtemps joué un rôle de cracheur de feu. A travers le Puy du Fou, a été défendue l’Histoire de France authentique, autrefois racontée aux enfants, populaire au bon sens du terme, avec ses grands évènements, tragiques ou heureux, et ses héros. C’est-à-dire tout ce qui a été négligé, puis aboli, à partir des années 1970 dans la « Déséducation Nationale », en une dérive aggravée chaque année, et tout récemment encore avec les dernières réformes de Mme Najat Vallaud-Belkacem. Les spectacles du Puy du Fou permettent au jeune public de redécouvrir, au sens le plus positif du terme, notre « roman » national, c’est-à-dire le récit, adapté aux enfants, et juste dans son esprit, de notre Histoire.
 
Le Puy du Fou rappelle en particulier le drame vécu par la Vendée en 1793-1794, qualifié à juste titre par Philippe de Villiers de « génocide vendéen ». Ce génocide vendéen a consisté en la volonté, clairement affirmée par les autorités de la Première République (proclamée en septembre 1792), avec constance sous les Girondins puis les terribles Montagnards artisans de la Terreur, d’exterminer les populations rebelles de la Vendée, car catholiques et royalistes. La République française a toujours constamment nié ce génocide, alors qu’elle impose par la loi la reconnaissance absolue d’autres, dont elle n’est pas l’auteur.
 

L’enracinement et les campagnes

 
Philippe de Villiers a réussi assez largement à incarner la Vendée. Son enracinement y est très réel, au point que l’on imagine couramment une présence immémoriale de sa famille dans cette région, avec des Villiers combattant aux côtés de Charette, ou quelques siècles plus tôt de Guesclin, etc. En fait, la famille Villiers, très honorable, largement formée de militaires au service de la France depuis de nombreuses générations, est d’origine lorraine. La mère de Philippe de Villiers est catalane.
 
Ainsi plus que celui de quelque héritage génétique, l’amour de la Vendée est celui du pays de son enfance, un pays dont il a tant reçu et pour lequel il se sent le devoir de rendre autant qu’il est possible. Ce pays de l’enfance, dans les années 1950, est celui d’une France rurale, et même paysanne. Un monde d’hier, disparu brusquement dans la décennie 1970 pour l’essentiel, avec la mécanisation et l’intensification de l’agriculture. Diviser par dix, sinon vingt, le nombre d’agriculteurs nécessaires pour produire la même quantité de nourriture a-t-il été une bonne idée ?
 
Non, affirme fermement Philippe de Villiers, avec des arguments solides. Il y a eu la volonté de détruire un pays, la France, ou un petit pays, la Vendée, par la destruction de sa base la plus solide, qui a fait corps sur des millénaires avec la terre, la paysannerie. L’homme nomade rêvé par les mondialistes, purement urbain, sans racines, est à l’opposé du paysan.
 
En outre cette agriculture intensive a connu des dérives. L’usage déraisonnable de la chimie, entre autres conséquences négatives, a tué massivement les abeilles. Philippe de Villiers s’est illustré il y a une quinzaine d’années, alors à peu près seul, dans la lutte pour la protection des abeilles, et le soutien aux apiculteurs. Ces derniers, peu nombreux, et ne constituant donc absolument pas un enjeu électoral, n’ont généralement récolté que le mépris le plus complet des autorités – à opposer par exemple à leur sollicitude extrême pour une jeunesse sans racines, souvent perturbatrice, dans nos trop fameuses banlieues.
 

La nostalgie de la chrétienté

 
Ce qui a fait la Vendée, la France, l’Europe, outre sa paysannerie, c’est bien sûr la chrétienté. L’Eglise catholique a été depuis le baptême de Clovis en 496 le ciment de la nation française. Même François Mitterrand, fossoyeur conscient de cette nation, le reconnaissait parfaitement, à rebours du mélange d’ignorance crasse, de lâcheté, de conformisme antichrétien de la classe politique actuelle.
 
Cette chrétienté se meurt du fait d’une atmosphère culturelle de haine contre le christianisme en général, et singulièrement contre le catholicisme en France, atmosphère présente dès l’école élémentaire publique, et constamment matraquée dans tous les médias désinformateurs et par toutes les autorités, et ce de plus en plus vivement et explicitement.
 
Philippe de Villiers insiste sur le fait que les défenseurs naturels de cette chrétienté, les évêques, les prêtres, les laïcs croyants, brillent par leur absence de combativité. L’esprit de concession systématique aux pires ennemis de l’Eglise, d’autoflagellation permanente, à sens unique, de repentance, n’a nullement diminué leur haine. Le nouvel ennemi musulman, qui veut imposer sa croyance, et a toutes les chances à vue humaine d’y parvenir d’ici quelques décennies, se rit bien évidemment de ces appels au dialogue, à sens unique.
 
Sans entrer dans des considérations théologiques, l’auteur avoue regretter la belle liturgie de son enfance, en latin, dans les années 1950. Le contraste l’a saisi en particulier lors de son assistance à la belle liturgie orientale préservée lors des funérailles de son ami Soljenitsyne, en 2008, en Russie, à opposer à la laideur formelle de tant de cérémonies dépouillées à la mode depuis le nouvel Ordo de 1969. En effet, comment ne pas regretter, par sens esthétique, le rite de saint Pie V ? Mais il y a plus que des considérations de beauté, qui sont d’ailleurs un chemin vers Dieu, dans cette déploration d’une communauté chrétienne qui ne parle plus qu’une langue de sociologues de gauche, et plus du tout celle de Bossuet. Philippe de Villiers, qui ne développe certes pas, invite à juste titre à réfléchir à ces sujets de la liturgie et de la langue catholiques.
 

Des témoignages exceptionnels sur les hommes politiques français

 
Philippe de Villiers a très bien connu les grands personnages, où ce qui en tient lieu, de la vie politique française. Il livre sa vision, lucide, de Giscard, Mitterrand, Chirac, Sarkozy. Il est plus discret sur Hollande, ce qui se conçoit, car son frère le général de Villiers travaille au quotidien avec le président de la République ; il l’a aussi probablement moins connu, n’étant pas de son camp, la droite au sens large, ou ne l’ayant pas côtoyé lorsqu’il fut secrétaire d’Etat de cohabitation, comme il a connu Mitterrand.
 
Tous ont partagé l’obsession de la Modernité, et de l’Autre, avec un rejet de la France et de ses héritages. Giscard s’est rêvé en Kennedy français, rêve déjà daté dans les années 1970, et absurde pour un pays si différent des Etats-Unis. Chirac et Sarkozy ne connaissent pas notre culture française, ou européenne, et ne veulent surtout pas la connaître, la méprisant peu discrètement au fond. Sarkozy ne s’intéresse à rien, sinon encore à l’imitation superficielle des Etats-Unis, tandis que Chirac est un collectionneur averti de masques traditionnels africains, et amateur d’arts premiers en général, du monde entier – tout sauf ce qui pourrait être marqué par la civilisation européenne.
 
Le cas de Mitterrand est plus complexe : le personnage possède une réelle culture française et européenne. Il est aussi très intelligent. Mais il s’est servi de ses capacités pour le pire : la destruction de la France, par abandon volontaire de la souveraineté nationale au nom de l’utopie européiste, et soutien à l’immigration-islamisation. Cette dernière est sanctuarisée par la législation, une forme de code de « décence » dans la parole publique – qui correspond à une autocensure – une inquisition journalistique de rédacteurs aux ordres, qui veillent à la bien-pensance… La fin de la liberté de la parole publique date en effet de ces années 1980, même s’il y eut des prémices sous Giscard, toujours sous le prétexte, en apparence honorable, du refus du racisme. Dénoncer l’immigration-islamisation de la France serait être un raciste hitlérien, un génocidaire en puissance. Tout cela est intellectuellement absurde, mais a encore cours. Philippe de Villiers livre un précieux témoignage de ses mésaventures personnelles.
 
Quant au camp, au sens large, de l’auteur, celui des souverainistes, partisans de l’indépendance de la France, et non de sa disparition dans l’Union européenne, il est décrit sans complaisance. Il s’est formé en 1991-1992, promouvant le « non » au Traité de Maastricht, finalement adopté d’extrême justesse par référendum en 1992. L’UE œuvre de fait à la destruction des nations européennes, même si ses partisans proclament évidemment le contraire aux électeurs, vantant une problématique « Europe-bouclier », totalement démentie par les faits. Or, les hommes clefs du souverainisme manquent de constance : Philippe Séguin, figure de proue, ou François Fillon, personnage secondaire, mais qui a pris de l’importance depuis, ont tout renié pour passer au camp européiste et mondialiste, sans que leurs analyses de 1991-1992 aient été infirmées par les faits, au contraire. Charles Pasqua est resté souverainiste, mais a nettement penché pour un souverainisme de gauche, curieusement, durant ses dernières années, particulièrement en 1998-1999, d’où des difficultés d’entente alors avec Philippe de Villiers. Ce dernier estime d’ailleurs le héraut du souverainisme de gauche, Jean-Pierre Chevènement, qui au final a toujours été fort minoritaire dans la gauche, malgré des illusions passagères, comme à l’automne 2011. Curieusement, Philippe de Villiers ne parle jamais de Jean-Marie Le Pen ; le lecteur aurait aimé apprendre ce qui l’en distingue vraiment, et si radicalement, puisqu’après tout il a été capable d’échanges fort courtois, voire d’ébauche d’alliance, avec Jean-Pierre Chevènement, a priori plus éloigné.
 

L’Union européenne destructrice des nations européennes

 
L’UE est tout sauf une efficace confédération de défense de notre continent face aux périls économiques et, c’est évident depuis peu, sécuritaires. « Je les ai vu tricher, je les ai vu mentir », résume à juste titre Philippe de Villiers. L’UE est au contraire une superstructure de destruction des Nations, étape vers un utopique monde unifié, pacifique et prospère. La mondialisation ne prend d’ailleurs pas du tout le chemin de cette paix et prospérité universelles… L’euro et l’UE n’ont pas apporté plus de prospérité, de croissance, de baisse du chômage, comme promis en 1991-1992, et encore bien témérairement depuis. Comme en URSS jadis, le nouveau « paradis » terrestre est toujours repoussé aux lendemains prétendus proches mais qui n’adviennent donc jamais.
 
Il y a une vraie marche vers le pire. Philippe de Villiers a pu l’observer au parlement européen. Les réformes sociétales les plus avancées, ce dont ni lui ni nous ne nous réjouissons, y sont largement anticipées, avant d’être imposées aux Etats, dont la France. On est étonné d’apprendre qu’un quart des députés européens sont inscrits à l’intergroupe LGBT, participant explicitement de la culture homosexuelle, ou voulue telle. L’auteur sait s’appuyer sur des anecdotes significatives, comme la présence dans son groupe pourtant relativement conservateur d’un individu visiblement masculin durant cinq ans, puis se réclamant femme sur son second mandat les cinq ans suivants. Cela est tout de même singulier. Aussi s’explique la présence au centre de cet hémicyclique des Verts, autour de la personnalité de Daniel Cohn-Bendit : une certaine surexcitation restée d’extrême gauche en France, rouge repeinte en verte, est en fait au cœur du projet politique de Bruxelles, et ce dans pratiquement tous ses aspects, sociétaux ou environnementaux.
 
Il y a là au cœur de l’UE une haine des peuples européens, une volonté de les faire disparaître, en encourageant par tous les moyens le malthusianisme, avec un idéal trop souvent d’un enfant par femme au plus, voire aucun, et l’immigration massive sur notre continent, doublée d’islamisation.
 

Des dirigeants occultes véritables peu discrets

 
Philippe de Villiers ose témoigner de ce que tout le monde d’un peu informé, ou soucieux de s’informer, sait : le pouvoir véritable est ailleurs que dans les institutions démocratiquement élues. Les hommes politiques en Europe s’alignent sur un programme qu’ils n’ont pas inventé eux-mêmes. Ainsi, a-t-il assisté par hasard dans un salon du Parlement de Strasbourg, à la tenue d’une réunion de la Trilatérale, visiblement ouverte à tous les parlementaires européens.
 
La Trilatérale est une organisation privée, créée en 1973, à l’initiative des principaux dirigeants du Groupe Bilderberg – comprenant parmi ses membres les plus éminents le milliardaire mondialiste, et philanthrope affiché, Rockefeller. Elle a pour but officiel de réunir des personnalités politiques, économiques, et médiatiques, afin de créer un monde meilleur. Derrière cette profession d’ouverture au dialogue et de philanthropie maçonnique, qui ne doit surtout pas être confondue avec la charité chrétienne, émerge la véritable ambition, celle d’établir un Nouvel Ordre Mondial, s’appuyant sur la disparition des souverainetés et des Etats.
 
Tout indique pourtant, après la longue expérience postérieure à 1945, qu’il ne ferait certainement pas le bonheur de l’Humanité. Mais ces champions du « dialogue » et de la « réflexion » se montrent fort dogmatiques, obtus, obstinés, fanatiques à leur manière. Les consignes de la Trilatérale n’ont pas changé, et continueront d’être suivies, à vue humaine.
 

Le moment est venu de dire ce que j’ai vu : un livre à lire, une invitation au combat

 
Philippe de Villiers, avec un indéniable talent d’écrivain, de conteur, a livré la quintessence de son expérience : effectivement, il a dit ce qu’il a vu. Il invite à reconstruire, dans les esprits, les corps, de petites chrétientés authentiques. Tel est le chemin, long, douloureux, incertain, du salut de la France.
 

Octave Thibault