Visages Villages est un film expérimental français proposé par la réalisatrice Agnès Varda et le photographe « JR », aux initiales mystérieuses, et qui le resteront. Agnès Varda est une réalisatrice très connue, âgée de 88 ans, et très en forme pour son âge. JR est un artiste contemporain peu connu hors de quelques milieux initiés. Il se trouve qu’Agnès Varda en fait partie. Elle a eu donc l’idée d’un travail commun, et JR en a été, on le comprend enthousiasmé. Ce film est une chance exceptionnelle de le faire plus largement connaître, même si l’on ne doute pas par ailleurs de la sincérité de sa démarche ni de son admiration pour la réalisatrice. JR cultive son image d’artiste, jusqu’à la caricature, en ne quittant jamais son chapeau et ses lunettes noires, et ce dans toutes les circonstances, sous toutes les lumières, ce qui est quand même curieux. JR se situe, à notre avis, plutôt du côté positif de l’art contemporain, celui de la joyeuse plaisanterie – le personnage fait du reste preuve d’un humour constant -, ce qui est infiniment préférable aux laideurs délibérées et aux provocations éculées. On ne refera pas ici toute la riche filmographie d’Agnès Varda. Tout n’est pas nécessairement admirable, mais son talent est hors de doute.
Visages Villages : Agnès Varda dirige le duo fort sympathique
Visages Villages propose donc, du moins dans le projet initial défini, de filmer des actions artistiques de JR : dans des villages, il photographie des gens, réalise des portraits, en imprime des versions géantes sur papier, et colle ces affiches uniques sur des murs. Sont décorés ainsi des murs de villages méridionaux ou au contraires de corons du Nord. Les villages, comme les personnages photographiés, ne sont évidemment pas choisis complètement au hasard, pour le moins, en dépit des principes artistiques affichés. Les villages sont ou beaux, ou présentant des curiosités indiscutables. Ainsi Visages Villages utilise comme décor un singulier village de vacances abandonné avant son achèvement, et devenu une ruine au fil des décennies…Le parcours proposé, inscrit fondamentalement dans la ruralité, souffre quelques exceptions majeures : il ne montre pas que des villages et leurs habitants, mais aussi une usine et ses ouvriers, et le port du Havre et ses dockers.
Malgré son genre expérimental revendiqué, et une spontanéité surjouée, Visages Villages est construit de manière assez classique, autour de la confrontation amicale des deux personnages centraux. La réalisatrice, âgée, qui se souvient de ses travaux, ses amis et ses acteurs dans les années 1950-1960, sert plus ou moins de mentor au photographe. Ce dernier suit ou non ses conseils…Le tout n’est pas forcément passionnant, sur la longueur, mais reste fort sympathique. Les deux personnages sont très inégalement intéressants ; mais, heureusement, Agnès Varda dirige le duo, qui par ailleurs fonctionne harmonieusement tout au long du film. On regrettera seulement quelques opinions exprimées dans le film bien dans l’air du temps – où est-ce celui des années 1950, déjà ? – célébrant par exemple pour le principe les grèves des dockers, alors qu’elles ont hélas tué les ports français dans les dernières décennies.