Wulu est une rareté sur les écrans en France : il s’agit en effet d’un film policier malien. Il décrit l’ascension, il y a une décennie, d’un petit délinquant de Bamako, gravissant un à un les échelons du trafic de drogue international, dont le Mali est un pays de consommation mais surtout de réexportation vers le Maghreb et l’Europe. La drogue est acheminée au Mali, pays enclavé au cœur continental de l’Afrique de l’Ouest, via les ports des pays voisins, la Guinée et le Sénégal. Ces trafics réguliers sont perturbés par les opérations policières – mais tous les policiers, loin s’en faut, ne sont pas incorruptibles -, les contrecoups des événements géopolitiques régionaux, comme les coups d’Etat en Guinée, ou l’action croissante des groupes insurgés au nord du Mali, mêlant banditisme, revendications politiques, puis, de plus en plus, religieuses islamistes.
Wulu, une peinture passionnante des réalités sociales maliennes
Wulu immerge complètement le spectateur dans une réalité du Mali, et dans une moindre mesure des pays voisins. L’intrigue se déroule en particulier dans la grande ville Bamako, métropole du Mali, qui s’étend de façon considérable, et de manière relativement anarchique. Le contraste y est très fort entre les quartiers pauvres et riches, certes comme peut-être partout dans le monde, mais le film le montre à Bamako, ce que l’on voit rarement. Le trafiquant de drogue qui s’enrichit aspire évidemment à quitter le quasi-bidonville où il a été obligé de vivre dans une bâtisse précaire, avec sa sœur prostituée, pour une vaste villa à étage, avec piscine, mêlant un modèle international et des références aux styles artistiques traditionnels maliens. Ces derniers relèvent de la reconstitution assez artificielle, comme la chose est plus ou moins avouée dans Wulu. A Bamako, il de bon ton de multiplier les référence à l’art bambara, et de posséder des objets traditionnels de cette culture. Le héros de l’histoire s’y astreint d’autant plus qu’il n’est pas un Bambara, ethnie dominante et traditionnelle à Bamako, mais un Sénoufo, autre ethnie présente historiquement aux confins du Mali, de la Côte d’Ivoire, du Burkina-Faso. Les réalités sociales maliennes sont bien rendues, et cet aspect de Wulu est passionnant.
Les personnages sont bien construits. Le film évite la naïveté délibérée si fréquente dans les films africains. Le héros est un vrai criminel, astucieux, pas spécialement sanguinaire, mais animé de la débrouillardise et du cynisme nécessaires pour réussir. Nous nous garderons ici de décrire toutes les péripéties, qui rythment efficacement l’action. La fin plutôt morale, ce dont on ne se plaindra pas en soi, paraîtra seulement un peu artificielle. Quant au message revendiqué de Wulu, voulant voir dans le trafic de drogue croissant la cause essentielle de l’effondrement du Mali en 2012, il est un peu court et simpliste. Pourtant, il est effectivement clair que le développement de l’économie maffieuse n’a certainement pas contribué à la stabilité du pays.
Hector JOVIEN