En 2015, 3.416 migrants sont morts en traversant la Méditerranée

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3.416 migrants ont trouvé la mort, l’année dernière, en traversant la Méditerranée. Selon l’Institut national d’études démographiques (Ined), qui publie mercredi dans son bulletin mensuel un rapport pour 2015, ce chiffre classe la Mare nostrum en tête du triste classement des voies migratoires les plus meurtrières depuis le début du XXIe siècle.
 
Suffit-il, pour se consoler, de noter que 2015 n’est que la deuxième année la plus létale de notre époque, puisque 2011, l’année du fameux printemps arabe, avait connu 4.073 morts, selon les données de l’Organisation des migrations internationales, des sources policières, ministérielles et des Nations unies ?
 
Ou de noter que, le nombre de migrants se risquant à quitter leur pays augmentant chaque année, le pourcentage de ces décès est, paradoxalement, en diminution ? 2015 représente même un minimum, à 2,7 pour mille, contre le terrifiant 83,4 pour mille de 2009.
 

3.416 morts dans la traversée de la Méditerranée

 
Certes, dans son rapport, l’Ined explique cette baisse relative du risque par « l’intensification des opérations de recherche et de secours de la marine italienne », et le changement d’itinéraire des demandeurs d’asile. Les rédacteurs expliquent très clairement que, au cours des cinq dernières années, les flux migratoires, notamment en ce qui concerne la Méditerranée, ont changé drastiquement. « La route de 250 à 500 km de la Libye à l’Italie a été délaissée au profit de celle de 10 à 20 km entre la Turquie et les îles grecques du Dodécanèse », écrivent-ils.
 
Dans le même temps, observent-ils, les entrées sans visa en Europe, limitées à quelques dizaines de milliers jusqu’à l’année 2013, ont explosé pour atteindre plus de 200.000 en 2014, et près d’un million en 2015  – ce sont très précisément 952.246 entrées qui ont été enregistrées (les autres étant par nature impossibles à quantifier) en Grèce et en Italie.
 
Autrement dit, il n’est pas dit que ces terribles histoires humaines aient diminué, même proportionnellement. Elles se sont surtout déplacées. En (passant par la) Turquie, on risque sans doute moins de connaître la noyade, mais il n’est pas dit que la route soit, pour autant, plus sûre…
 

En 2015, le nombre des migrants a explosé

 
« La répartition des migrants irréguliers par nationalité est passée d’une majorité de personnes ayant peu de chances d’obtenir le statut de réfugié à une majorité de personnes ayant une forte probabilité de l’obtenir », précise en outre le démographe Philippe Fargues.
 
Et, de fait, l’année dernière, 75,7 % des demandes d’asile déposées auprès de pays de l’Union européenne par des migrants entrés clandestinement (par la Grèce ou l’Italie) ont été acceptées. Pour Syriens, le taux est ainsi de 94,6 % ; de 8,4 % seulement pour les Tunisiens.
 
Si, de fait, les trois quarts des migrants obtiennent refuge sur le territoire de l’Union européenne, cela signifie que le fameux débat du « un pour un », élément majeur de l’accord entre Bruxelles et Ankara, n’est en quelque sorte que de la poudre aux yeux. En réalité, la grande majorité des clandestins ne sont pas échangés contre des migrants légaux, mais changés eux-mêmes en légaux.
 
Les conséquences politiques, économiques et sociales que nous connaissons depuis des mois qui commencent à devenir longs ne sont donc pas près d’évoluer. Ce qui n’ôte rien au caractère tragique de ces décès par noyade. Mais la solution est-elle d’étendre la misère, en la partageant ?
 

François le Luc