Assauts contre le secret de la confession aux Etats-Unis. Les évêques résistent : « C’est non-négociable. »

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Plusieurs Etats américains sont actuellement frappés par les assauts d’élus du Parti démocrates qui cherchent à obliger, sous peine d’amende ou de prison, les prêtres catholiques à révéler le secret de la confession s’ils apprennent des faits d’abus sexuels sur mineurs et plus largement les cas de « maltraitance et néglicence » à l’égard des enfants, ainsi qu’on les dénomme aux Etats-Unis. Sont concernés les Etats de Washington, Delaware, Vermont, tandis que les législateurs de l’Etat d’Utah sont revenus à la charge avec un texte similaire après une tentative avortée en 2020. La hiérarchie catholique américaine résiste et répond avec vigueur, tel Mgr William Koenig, évêque de Wilmington, seul diocèse catholique du Delaware, qui a fait publier un communiqué ferme : « Le sacrement de la confession avec son sceau de la confession constitue un aspect fondamental de la théologie et de la pratique sacramentelles de l’Eglise. C’est non-négociable. »
 
L’évêque de Spokane, Washington, réagissant à un projet similaire début mars, utilisait ce même mot, « non-négociable ». Mgr Thomas Daly déclarait alors : « Prêtres et évêques préféreront aller en prison plutôt que de briser le sceau de la confession. J’ai toute confiance que les prêtres [du diocèse] et mes frères évêques agiraient ainsi, tant cette obligation est sacrée. »
 

Aux Etats-Unis, des Démocrates veulent en finir avec le secret de la confession

 
De fait, le droit canonique prévoit l’excommunication automatique pour le confesseur qui révèlerait quelque élément que ce soit d’une confession, depuis les premiers mots du pénitent – » Bénissez-moi, mon père » – jusqu’à l’absolution. Une peine que seul le pape, en l’occurrence, est habilité à lever… Ce devoir d’oubli est d’une telle importance que si un pénitent veut demander conseil à un prêtre en dehors de la confession, et fait allusion à ce qu’il lui a dit précédemment en recevant le sacrement, le prêtre ne réagira pas comme s’il en avait le souvenir, mais demandera à son interlocuteur de lui rafraîchir la mémoire.
 
Et rien, aucune excuse ne peut être invoquée pour rompre le secret, comme l’indique le canon 983.1 du droit canonique en vigueur, reprenant une tradition immémoriale de l’Eglise : ni le danger de mort, ni la volonté du prêtre de préserver sa propre réputation, ni même le propos de sauver la vie d’un tiers ou d’empêcher quelque calamité. Même le serment de dire la vérité devant une cour de justice ne peut contraindre le confesseur à révéler ce qu’il a pu apprendre d’un crime en confession. Alfred Hitchcock consacra jadis au sujet un beau film : La loi du silence.
 

Pour les prêtres et les évêques catholiques, le silence est non-négociable

 
Et si le prêtre devait pour une raison ou pour une autre évoquer des faits révélés, soit pour demander conseil à un confrère, soit pour obtenir le droit d’absoudre un fait « réservé » à l’autorité supérieure, il faudrait qu’il en informe le pénitent et obtienne son accord, et qu’en tout état de cause il ne révèle jamais l’identité de l’intéressé.
 
En s’attaquant à un devoir aussi sacré, les responsables politiques démocrates aux US agissent clairement en persécuteurs de l’Eglise, cherchant à mettre en place le contrôle de l’Etat sur une institution qui ne peut ni ne doit être soumise au pouvoir temporel, surtout dans ce domaine éminemment spirituel qu’est celui des sacrements. Lors de l’absolution, le prêtre agit in persona Christi, accordant au nom de Notre Seigneur la grâce du pardon qu’il est chargé de transmettre et d’appliquer. Les autorités séculières n’ont rien à faire dans ce colloque, par le truchement du confesseur, entre le pécheur et Jésus-Christ.
 

L’Eglise catholique résiste, car l’Etat ne peut s’immiscer dans le domaine des sacrements

 
Cet assaut en règle de la part de législateurs démocrates vise de manière spécialement violente l’Eglise catholique. Car s’il est vrai que des dénominations protestantes, les Témoins de Jéhovah et autres Saints des derniers jours assurent la confidentialité des échanges entre leurs fidèles et leurs pasteurs, la réalité et l’efficacité du sacrement, sa profondeur et son mystère, appartiennent en propre à l’Eglise catholique par qui, seule, le salut peut être donné.
 
Bien sûr, tout le battage médiatique autour des abus sexuels sur mineurs et leur occultation par la hiérarchie catholique dans de nombreux pays – mais souvent ni plus ni moins que dans d’autres institutions, qu’elles soient séculières ou liées à d’autres religions – sert de prétexte à cette focalisation sur le sacrement du pardon.
 
Pourtant, même s’il y avait une sincère volonté de protéger l’enfance contre des crimes dont il faut reconnaître qu’il sont particulièrement abominables lorsqu’ils sont commis par des prêtres ou des religieux, et plus encore dans un contexte faussement sacré – les projets de pénalisation du secret de la confession n’auraient aucune efficacité.
 
D’une part, dans de nombreux Etats américains où le « privilège » du sceau de la confession est explicitement affirmé, les membres des institutions catholiques sont contraints de signaler à la justice civile les cas d’abus ou de maltraitance sur mineurs dont ils ont connaissance en dehors du sacrement. C’est l’équivalent du délit de non-dénonciation de crime en droit français.
 

Secret de la confession, salut éternel et assauts infernaux

 
D’autre part, comme l’ont souligné plusieurs évêques et responsables d’associations catholiques aux Etats-Unis ces dernières semaines, le confesseur connaît rarement l’identité du pénitent qui vient lui avouer ses péchés – surtout si celui-ci fait usage du confessionnal à l’ancienne, avec sa grille et parfois son voile qui interdit au confesseur de voir les traits de celui qui chuchote ses méfaits.
 
On pourrait ajouter que le contexte de désaffection généralisée pour la confession sacramentelle rend peu probable que cette obligation projetée puisse avoir un effet sur le nombre de cas d’abus mis au jour.
 
Mieux : devant la certitude que le confesseur ira prévenir la police ou la justice, quel abuseur d’enfants prendrait-il encore le risque de s’accuser d’une telle faute ? Et ici, comme on s’en doutait un peu, c’est le plus grand ennemi de la foi qui en serait « content » : le démon qui se repaît des péchés non avoués et augmente par eux son emprise sur le pécheur.
 
Il existe aux Etats-Unis – fruit d’une tradition juridique très répandue qui remonte, au moins, au temps de l’Empire romain – un autre privilège explicitement affirmé, protégeant le secret des consciences et des cœurs : celui qui couvre les échanges entre un client et son avocat. Si ce secret connaît quelques exceptions (ainsi un individu projetant un crime et demandant conseil à cette fin ne verrait pas son propos protégé) il est assez large pour couvrir tout aveu de faits effectivement commis. Ce privilège-là, personne ne parle de l’abolir.
 
Jeanne Smits