Le Mot : Robot-chef

Le Mot Robot-chef
 

S’il est bien un métier qui se voit à l’abri des conquêtes de la machine, des robots et de l’intelligence artificielle, c’est bien celui de chef de grande restauration, avec ce qu’il suppose de coup d’œil et de main, de nez, d’intuition. Mais c’est compter sans Joseph Chen, qui vient de lancer à vingt-trois ans une start-up nommée Kaikaku, qui s’occupe à Londres de restauration, avec ses camarades Piers Millar, Ivaan Tregear et l’ingénieur David Sharp. A l’origine du projet, un phénoménal mépris pour le travail manuel et les tâches ménagères. « Depuis l’âge de six ou sept ans, raconte Chen, je faisais tout, peler les patates, couper les carottes, préparer des cocktails – et je détestais absolument ça. Je ne pouvais pas comprendre pourquoi des hommes devaient faire ce travail. » Alors ils ont construit une machine nommée Fusion capable de confectionner et servir une salade en dix secondes chrono. Mais ils ne vont pas s’arrêter là. Le premier objectif est d’aller plus vite que le fast-food : « Ce qu’a fait Mac Donald’s est immense : on s’est débarrassé de l’obligation d’avoir un chef dans le processus pour fixer des règles rigides et applicables par tous et partout : voir les mêmes frites partout est une réussite impressionnante. »

Kaikaku signifie changement radical en japonais, et leur premier restaurant entièrement robotisé et numérisé dégagerait des profits quatre fois supérieurs, malgré des prix bas, à ce qui se faisait de plus efficace jusqu’alors. Mieux, ils peuvent se concentrer sur le service puisque très peu de personnel suffit à produire la nourriture. Ils songent déjà à diversifier leurs recettes, et concevoir des robots chefs qui passent de la salade à la cuisine chinoise (couper, rouler, cuire). Puis, ils passeront à plus difficile (faire une omelette est complexe, ce n’est pas seulement faire en tant de secondes, mais vérifier la consistance, la température, etc.). Le but à long terme : « Une compétence d’expert dans un robot. » Donc de la vraie cuisine dans le fast-food, ce qui sera une révolution. Bien sûr, elle ne fait pas plaisir à tout le monde. On trouve facilement un propriétaire de restaurant connu pour dire : « Je ne dépenserais jamais mon argent dans un restaurant piloté par IA », ou « Jamais un robot ne produira un plat avec l’amour, le soin et la créativité qu’y met un être humain ». Mais Millar répond simplement : « J’encourage les critiques à converser avec des gens qui travaillent dans les restaurants. Nous travaillons avec des chefs qui composent nos menus, y compris un étoilé Michelin. Tous sont excités. (…) Beaucoup nous disent qu’ils aiment travailler sur des recettes, mais que ça les embête de faire cent fois le même plat. Au bout du compte, il s’agit d’améliorer la productivité de chacun – c’est le progrès. »