C’est, aujourd’hui, le combat de la petite église de St John’s à Hanley, et ce sera vraisemblablement celui de beaucoup d’autres dans les temps à venir, que ce soit en Grande-Bretagne ou ailleurs en Occident. D’abord désaffectée, puis vendue, et enfin rachetée par une association de musulmans, elle a manqué de peu de finir en mosquée. Fort heureusement, l’Eglise anglicane avait pris soin, lors de la vente de l’édifice, en 2009, d’inclure une clause légale restrictive, empêchant qu’il soit consacré à un autre culte que le christianisme. Seulement, l’affaire n’est pas terminée.
Et puis, cette lutte pourrait perdre peu à peu de son sens, tant les églises se vident, tant le nombre de fidèles décroît, tant l’Eglise d’Angleterre devient elle-même empreinte des idées woke, dans la soumission de sa foi aux oukazes progressistes de l’inclusion à tout crin.
La fin d’un monde ? La fin d’un certain monde chrétien, sans doute.
L’Eglise d’Angleterre pourrait intenter une action en justice si le projet persiste
The Telegraph nous l’avait appris fin août : l’Eglise d’Angleterre a empêché la transformation d’une église classée Grade II en mosquée (le grade II signifiant que l’édifice est « particulièrement important ou d’un intérêt spécial »). Une association caritative islamique avait en effet obtenu quelques semaines plus tôt un permis de construire pour transformer l’église géorgienne en briques rouges de St John’s à Hanley, dans le Staffordshire, en lieu de culte musulman.
« Nous soutenons l’utilisation d’anciennes églises à des fins communautaires, mais une clause restrictive interdit l’utilisation du bâtiment comme lieu de culte autre qu’une église, et les commissaires l’ont expliqué au propriétaire » a déclaré un porte-parole des Commissaires de l’Eglise.
Hors d’usage depuis les années 1980, en raison de préoccupations concernant son intégrité structurelle, ce bâtiment historique, construit en 1778, a été acheté pour 140.000 livres par la mosquée Darul Falah, enregistrée comme société d’intérêt communautaire. Et la demande de permis de construire a été déposée par la Fondation Zamir, enregistrée en Lettonie et basée à Stoke-on-Trent, censée fournir de l’aide à l’Afghanistan : son directeur n’est autre que celui de la mosquée, Zabihullah Zamir.
Une « étape positive vers l’amélioration des services communautaires et la promotion de l’inclusion » en Grande-Bretagne
La communication est bien rodée : ils n’ont pas parlé de lieu de culte, mais d’« un centre communautaire dynamique [qui] apportera d’immenses avantages à la région ». Une proposition datée de mars 2024 et publiée sur un nouveau groupe Facebook, « St John’s Church Hanley », définit des plans pour « revitaliser l’église St John en Darul Falah (la Maison du succès), une pierre angulaire de la communauté conçue pour insuffler une nouvelle vie au cœur de Stoke-on-Trent… Conformément à l’éthique de l’Eglise d’Angleterre, nous prévoyons des améliorations sociales, culturelles et économiques importantes ».
Ont été évoqués un musée, une bibliothèque multiconfessionnelle (vraiment ?), une salle de sport et un centre éducatif réservés aux femmes et même le projet de création d’un musée pour présenter les objets historiques de l’église, y compris ses vitraux…
Mais cela ne s’est pas révélé aussi simple : en réponse à la demande de transformation du bâtiment en lieu de culte, 63 observations ont été reçues, dont 28 s’y opposant et 34 y exprimant leur soutien. Un rapport du responsable de l’urbanisme du conseil municipal a déclaré que « certains commentaires formulés sur la demande n’ont pas été jugés appropriés pour la sphère publique en raison de leur nature provocatrice et même discriminatoire ».
Et le plus fort, c’est qu’ils ont commencé les travaux avant même d’obtenir le feu vert de la municipalité et alors qu’ils connaissaient l’existence de cette clause liée à l’édifice depuis que le diocèse de Lichfield l’a vendue en 2009. Un bulldozer a nivelé et dégagé le terrain pour un parking et des cloisons intérieures et des installations de lavage ont été installées avant d’être retirées à la demande du conseil. Le rapport s’est d’ailleurs inquiété de pierres tombales et donc potentiellement de tombeaux déplacés.
La prochaine génération est plus susceptible d’être laïque ou non religieuse que jamais
D’aucuns diront que ces exemples se sont déjà vus au cours de l’histoire, de Sainte-Sophie d’Istanbul à la mosquée-cathédrale de Cordoue. Mais le phénomène qui se fait jour tient, lui, à une lente et profonde mutation liée à plusieurs facteurs concomitants.
Le nombre de chrétiens en Angleterre et au Pays de Galles est en chute libre. Lors du recensement de 2021, la proportion de Britanniques se déclarant chrétiens est tombé pour la première fois sous la barre des 50 %, affichant une baisse de 13 % en une décennie. Dans le même temps, la proportion de musulmans est passé à 6,5 %, contre 4,9 % en 2011. Et si l’on parle en nombre de personnes, c’est encore plus flagrant : le bloc « chrétien » est en baisse de 21 % sur dix ans seulement, alors que le groupe musulman est en hausse de 44,4 %.
Et ce sont les jeunes musulmans britanniques, beaucoup plus pieux que leurs pairs chrétiens, qui iront chercher des lieux de culte, parmi ces églises désaffectées, parmi ces églises dites « de festival », tant les célébrations y sont peu nombreuses faute de fidèles… 3.500 églises ont fermé au cours des 10 dernières années, soit près d’une église par jour.
Des églises qui se vident… des musulmans qui en demandent
Ne reste donc que la volonté persistante de l’Eglise anglicane pour s’opposer à la traître vente de ces lieux sacrés.
Comme le faisait remarquer un article de The Church Times, « cela fait 52 ans que le Synode général a débattu pour la première fois de l’utilisation d’églises vacantes par des groupes non chrétiens, à la suite de la proposition de vente d’une église désaffectée de Dewsbury pour être utilisée comme mosquée par la communauté musulmane locale. A l’époque, comme aujourd’hui, les commissaires de l’Eglise ont statué contre cette proposition », recommandant que l’église soit plutôt démolie.
Mais aujourd’hui, le paysage social est bien différent. D’autant que l’Eglise d’Angleterre, sous l’égide de son chef, Justin Welby, l’archevêque de Canterbury, semble davantage se soucier des questions des réparations pour l’esclavage, des minorités ethniques, et autres combats woke. Combien de temps tiendra-t-elle contre la pression musulmane ?
Si les musulmans ne font pas encore l’affaire, et c’est heureux, il se peut qu’ils soient bientôt mieux lotis que les catholiques traditionalistes. En 2009, les commissaires avaient décidé de ne pas vendre l’église désaffectée de St George, à Gorton, à la Fraternité Saint-Pie X, au motif que cela ne serait « pas dans l’intérêt de la cohésion communautaire ou du travail interreligieux ». 25 ans plus tard, elle est toujours fermée…