Urbanisme : le développement durable, prétexte aux restrictions des libertés et danger pour la propriété privée

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On ne peut imposer de changement qu’en agitant l’espoir d’une situation meilleure. Et c’est précisément ce que font les multiples organismes internationaux ou nationaux, en Occident, lorsqu’ils parlent de « durabilité ». C’est un terme merveilleux, un peu magique, qui permet d’y glisser tous les rêves, toutes les lubies, toutes les utopies. Qui permet d’englober tous les domaines, tous les secteurs, qu’ils soient économiques, climatiques, sociétaux, spatiaux. Qui permet de fournir une sorte d’étalon systémique à l’aune duquel tout est pensé, pesé, réfléchi – y compris les personnes. Et il est forcément éminemment « moral ».

Simplement ce fourre-tout, qui est mis à toutes les sauces depuis la fin des années 1980, porte en réalité toutes les aspirations progressistes marxisantes, à commencer par le wokisme. Et les politiques d’urbanisme font partie intégrante de ce projet multiforme, comme le démontre l’activité de la très avancée American Planning Association (APA) aux Etats-Unis. Car qui dit ville, dit population et donc contrôle potentiel, par les normes et donc les restrictions. Les libertés individuelles dont la si capitale propriété privée pourraient s’en trouver, à force, bien amoindries, mais c’est le concept même de leur « justice spatiale ».

 

Un « plan directeur global pour la réorganisation de la société humaine »

En 1993, lors du lancement du Programme 21, remplacé depuis par le Programme 2030 et ses 17 Objectifs de développement durable, l’ONU avait précisé son objectif en déclarant : « La mise en œuvre efficace du Programme 21 nécessitera une réorientation profonde de toute la société humaine, sans précédent dans l’histoire du monde. » En 2007, Al Gore a parlé, lui, de « transformation déchirante » de la société humaine. Et pour transformer, il faut planifier.

Comme le rappelle Tom DeWeese dans The New American, « la politique dite “durable” est le terme générique pour désigner les programmes de planification locale, depuis les contrôles de l’eau et de l’énergie jusqu’aux codes de construction et à la planification de la circulation ».

Et aux Etats-Unis, l’organisation typique, c’est l’American Planning Association (APA). Elle est considérée comme la garante privilégiée de la planification communautaire « de bon sens » pour garantir des quartiers sains et heureux dont tout le monde peut profiter. Les solutions seraient locales, adaptées aux locaux, à leur entier bénéfice.

Il n’en est rien. Les principes viennent d’en haut, sont les mêmes partout, et ne profitent pas à tous.

 

La « durabilité », c’est une soumission organisée

Surtout, ils appartiennent aux choix progressistes de l’ONU auxquels l’APA souscrit de manière absolue. La preuve : elle fait partie du réseau de Planners Network, une organisation à but non lucratif qui affirme servir de voix à la justice sociale, économique et environnementale à travers la planification, depuis 1975. Dès lors qu’il est question de « justice » dans l’urbanisme, il faut craindre un wokisme assumé…

Ses déclarations de principe sur son site internet sont évocatrices :

« Nous étudions, enseignons, pratiquons et luttons pour une forme de planification transformatrice et antiraciste, orientée vers la pleine réalisation des droits de l’homme, de la dignité et de la justice spatiale. Nous recherchons une responsabilité publique et sociale pour répondre à ces besoins, car le marché privé n’a jamais été conçu pour le faire.

« Nous voulons nous éloigner du capitalisme racial (néo)colonialisme et nous orienter vers l’abolition et la décolonisation ; nous éloigner de la catastrophe environnementale et nous orienter vers la justice climatique ; nous éloigner du patriarcat et nous orienter vers la libération féministe ; nous éloigner du statu quo et nous orienter vers la liberté. »

 

Une restriction des libertés qu’on appelle « croissance intelligente »

Autant de grands concepts qui ont des applications très concrètes, qui peuvent même parfois paraître anodines, voire positives. On pense derechef à la loi française « zéro artificialisation nette » (ZAN), issue de la loi Climat et Résilience de 2021 qui considère les sols comme des ressources naturelles à préserver, mais fait courir des menaces sur la construction des pavillons individuels. Ou encore à « la ville du quart d’heure », concept inscrit à l’agenda du C40, ce réseau mondial de maires des principales villes du monde, unis dans l’action pour faire face à la crise climatique… La ville des micro-quartiers est censée assurer l’accès aux principales fonctions à courte distance : la circulation automobile est en réalité rationnée, et la liberté de déplacement peut être contrainte (Anne Dolhein avait évoqué ici le cas d’Oxford).

A la mi-septembre, par exemple, la ville américaine d’Evanston a reçu le Strategic Plan Award de la section Illinois de l’APA dans le cadre de ses Project Awards 2024 : parce que son plan de développement urbain donnait la priorité aux espaces adaptés aux piétons et aux mesures anti-déplacement, tout en favorisant la « cohésion sociale »…

Et puis bienvenue à l’électrique à tout crin. Bienvenue aux « normes de planification » de consommation d’énergie arbitraires, aux exigences de conformation internationale en termes de plomberie ou d’électricité. Bienvenue à toutes les obligations touchant les propriétaires fonciers…

 

La propriété privée : cible n°1

Car c’est là sans doute, la plus belle attaque : celle de la propriété privée. Et ils sont nombreux à rappeler constamment les menaces qui pèsent sur ce pilier essentiel de l’économie, comme le conseiller politique américain Charlie Kolean, qui note que « les Etats et le gouvernement fédéral ont collectivement détourné un total combiné de 68,8 milliards de dollars entre 2000 et 2019 par le biais de la confiscation ». Et la jouissance de ces biens fonciers est régulièrement mise à mal par des ordonnances et des réglementations locales excessives, sous couvert toujours de « planification communautaire » et de « durabilité ». La prospérité économique et la croissance en sont nécessairement entravées, mais sans doute est-ce l’objectif.

Qu’on avise les droits des squatteurs, dans les pays occidentaux. Même aux Etats-Unis, le sens de la propriété a évolué, les propriétaires ne sont pas en mesure d’expulser les personnes indésirables de leurs maisons si une personne déclare y habiter : cette manière d’autoriser le squat permet de trouver des votes supplémentaires. La politique l’a emporté.

Partout, on entend de plus en plus le petit refrain : « La propriété est une forme d’exploitation. » Mais la pseudo justice spatiale, la pseudo équité territoriale sont bien des entraves calculées qui permettent la redistribution des richesses, le mélange des populations, la mise au niveau progressive de tous. Qu’on se le dise.

 

Clémentine Jallais