Mgr Erio Castellucci pensait cette mésaventure terminée. Il n’en est rien – et c’est tant mieux, car le symbole est fort. L’archevêque de Modène, vice-président qui plus est de la Conférence Episcopale Italienne (CEI), devra se présenter devant un juge civil, le 20 janvier prochain, aux côtés du peintre Andrea Saltini, au sujet de l’exposition qu’il a fait tenir pendant plusieurs mois au musée diocésain d’art sacré situé dans l’église non désacralisée Saint-Ignace à Carpi. Avec un autre clerc et une laïque, ils sont accusés d’« outrage » en vertu de l’article 404 du code pénal italien.
L’exposition personnelle de Saltini, intitulée « Gratia Plena », présentée à partir du 2 mars a, en effet, considérablement choqué les esprits, engendrant pétitions et manifestations de la part de nombreux catholiques – un homme aurait même cherché à détruire une des « œuvres », en blessant le peintre. Mais l’évêque n’a jamais rien trouvé à redire devant ces toiles dont certaines sont pourtant passablement explicites et mêlent odieusement le Christ et la Vierge à une sexualité dévoyée.
De nos jours, ce sont donc les fidèles et la justice laïque qui rappellent à l’ordre les chefs religieux…
Un archevêque, président de la CEI, devant la justice
Il n’y a qu’en Italie que cela pouvait arriver car il y existe encore un article, l’article 404, qui dispose que quiconque vilipende une religion dans un lieu de culte ou dans un lieu public en s’en prenant à des objets de culte peut être condamné à une amende. Le plus fort, c’est d’en faire accuser un prélat, et un prélat haut placé qui n’a jamais eu d’ennui sur la proclamation de sa Foi et jouit d’une fonction dignitaire importante.
Mais Mgr Castellucci méritait sans doute qu’on le mette dans cette position inconfortable. Evoquant « la liberté de pensée », le ministère public a bien essayé de faire classer sans suite cette plainte émanant de catholiques locaux, représentés par l’avocat Francesco Minutillo (les accusés étaient tellement persuadés qu’il en serait ainsi, qu’ils n’avaient rien prévu pour leur défense et se sont vu assigner un avocat commis d’office !).
Mais le Dr Andrea Scarpa, juge des enquêtes préliminaires (GIP) du tribunal de Modène, a annoncé ce mercredi qu’il refusait de classer sans suite, signe qu’il n’y a pas d’« absence de crime » évidente. « Nous aurons enfin un juge devant lequel nous pourrons faire connaître la vérité sur le contenu blasphématoire de l’exposition organisée dans l’église de Carpi », a déclaré dans la presse Francesco Minutillo.
Chapelets et pétitions contre des toiles qui injurient le Christ et la Vierge Marie
Le peintre Andrea Saltini présentait à Saint-Ignace une vingtaine de toiles, chacune figurant une approche contemporaine d’un thème religieux, nous dit-on. Trois tableaux, particulièrement, ont fait scandale par leur contenu ostensiblement blasphématoire.
Gratia Plena représentait la Madone dans des attitudes lascives, en train de se faire déshabiller et évaluer par plusieurs hommes. Ascension représentait un Christ blond dans une combinaison verte moulante façon latex gay Pride, soutenu par des personnages déshabillés, en caleçons. NRI-San Longinus, enfin, montrait un Jésus allongé nu, la tête en arrière, la tête du centurion Longinus (celui qui lui a percé le flanc après la crucifixion) penchée au-dessus de son entre-jambe : l’interprétation de sa position ne laissait aucun doute, tous les médias l’ont décrite comme telle, y compris Libération.
Cette dernière toile était placée en face du maître-autel, dans un geste flagrant de rébellion blasphématoire – l’église n’a pas été désacralisée, devant accueillir des expositions en symbiose avec la religion.
C’est autant le contenu des œuvres que l’attitude des clercs qui ont provoqué la réaction des catholiques. Des comités et des associations se sont mobilisés pour pousser l’évêque à annuler l’exposition. Des chapelets de réparation ont été organisés (très suivis) juste en face de Saint-Ignace et l’association Pro Vita e Famiglia a lancé une pétition en ligne qui a recueilli plus de 30.000 signatures.
Le 28 mars, même, un homme masqué est entré dans l’église et a lacéré et vaporisé de peinture la toile NRI-San Longinus. Une altercation sur place avec le peintre lui-même qui a tenté de défendre son œuvre a valu à ce dernier plusieurs points de suture. Un artiste blessé en raison de son art ? Voilà ce qui a constitué le vrai scandale pour la presse mainstream… L’homme n’a d’ailleurs jamais été retrouvé, ce qui reste étrange vu le nombre de caméras et de personnes présentes sur le site, et l’enquête en est restée là… Ce qui laisse planer quelques doutes sur cette attaque « mystérieuse ».
L’exposition de Saltini est « pure » selon le diocèse de Carpi
En tout cas, le diocèse de Carpi a immédiatement vigoureusement condamné cet « acte de violence sans précédent », défendant encore et encore la « sacralité » des parcours artistiques, saluant un rare exemple de « véritable art contemporain avec un sujet religieux » et balayant d’un revers de main toutes les objections des fidèles.
Une déclaration officielle, datée du 2 mars, avait même parfaitement nié que l’une des images soit blasphématoire ou sacrilège, allant jusqu’à citer la lettre de saint Paul à Tite : « Tout est pur pour les purs. » On n’a qu’une envie, c’est de leur demander la suite du verset : « mais rien n’est pur pour ceux qui sont souillés et incrédules, leur intelligence et leur conscience sont souillées »…
Le vicaire général Mgr Ermenegildo Manicardi est allé jusqu’à dire, en parlant des fidèles récitant des chapelets de réparation : « En ce qui concerne ces dévots, comment ne pas souligner leur instrumentalisation de la prière et son caractère certainement non évangélique ? Qui pourrait imaginer qu’une prière organisée monterait réellement jusqu’au ciel pour faire pression, pour forcer les autres – et même les ministres légitimes de l’Eglise – à suivre ses souhaits ? » D’autres évêques reconnaissent, en face du blasphème, la force de la prière…
Tristes temps modernes au Vatican
L’ironie de l’histoire, comme La Nuova Bussola Quotidiana l’a noté (elle a couvert ce triste événement depuis le début), c’est que ces œuvres ne sont même pas le résultat du travail artistique et spirituel de Saltini, mais ont été en réalité copiées textuellement d’une chorégraphie du Grec Dimitris Papaioannou. Donc, « en plus d’être blasphématoire, l’exposition s’est révélée également être une arnaque sensationnelle au détriment des fidèles à qui on avait expliqué que les œuvres s’inscrivaient dans le parcours synodal réalisé par le diocèse de Carpi ! », note le journal.
Mais le pire reste décidément cette attitude ecclésiale faite de pur mépris à l’égard de fidèles soucieux des atteintes à leur Foi, et surtout d’aveuglement, volontaire ou non, à l’égard d’un blasphème évident. Le monde et ses modernes et faux attraits vaut-il tant qu’on y fasse passer et trépasser le respect dû à son Dieu ?
L’exemple vient parfois des brebis et non des pasteurs. Peut-être même la reconnaissance de la Vérité sortira-t-elle d’un tribunal civil, « signe, lit-on dans La Bussola, que la sensibilité religieuse est visiblement plus importante pour le pouvoir judiciaire que pour les religieux du nouveau cours du Vatican ».