Taux d’emprunt France / Grèce : comment manipuler l’opinion

emprunt France Grèce opinion
 

Le 28 novembre, la presse parisienne sonnait le tocsin : pour la première fois, mercredi 27 novembre, le taux d’emprunt à échéance de dix ans de la France a dépassé brièvement celui de la Grèce, sur le marché obligataire où s’échange la dette déjà émise. Plus de dix ans après les crises de la zone euro et grecque, ce taux permet de mesurer la confiance des investisseurs vis-à-vis de la capacité d’un pays à rembourser sa dette. Cette information alarmante rappelle celles qui ont été données sur la dette et sur la démographie cette année. Nos lecteurs savent depuis longtemps que la démographie, en France, en Europe et dans le monde, est en berne, ils n’ignorent pas non plus que la dette s’est accrue de manière vertigineuse depuis quarante ans et son poids sur les finances publiques encore plus vite ces dernières années : mais pourquoi les moyens de communications de masse s’en avisent-ils brutalement ? Et si leur fonction était de manipuler l’opinion au profit du pouvoir ?

 

Découvrir la dénatalité pour manipuler l’opinion

L’exemple de la démographie est saisissant. Longtemps, depuis La Bombe P de Paul Ehrlich en 1968, le dogme malthusien a prévalu, annonçant la surpopulation de la planète. Il a été concédé que la natalité de l’Europe faiblissait mais que la France était une brillante exception, et que de toute façon les pays du Sud gardaient une vitalité plus que suffisante. Et sans doute peut-on dire que 80 % des naissances viendront d’Afrique d’ici 2100, mais il n’empêche que même là-bas la transition démographique est bien entamée. Quant à la France, sa natalité tombe, et plus d’une naissance sur trois a au moins un des deux parents nés à l’étranger. Cela se dit enfin. Pourquoi ? Une émission de France Inter s’intitule « Le péril vieux ». Explicitement, d’abord, parce que « cette transformation démographique pose un défi majeur pour le financement des retraites ». De sorte que « loin des débats “hystérisés”, la politique migratoire pourrait consister à favoriser à une immigration de travail afin de stabiliser la population active par rapport à la population âgée de retraités qui augmente ». Ici, deux phénomènes connus de longue date, la dénatalité et la non-viabilité des retraites par répartition sont « découverts » ensemble pour suggérer la solution par l’immigration.

 

La dette de la France obère ses finances depuis longtemps

Avec le déficit, la dette, et leurs conséquences, on retrouve un procédé analogue pour manipuler l’opinion. La dette, dont l’ampleur et la croissance ne sont pas une nouveauté (en 2007 déjà Fillon parlait de « faillite ») semblait allègrement supportée par les cercles du pouvoir et peu traitée dans les médias mainstream. Et puis, une fois Michel Barnier porté après de longues tractations à Matignon, nos médias ont feint d’en découvrir l’urgence de s’en occuper. C’était pour justifier le budget à venir et faire passer la monstrueuse pilule des augmentations d’impôts et des privations imposées aux Français, en particulier aux retraités. Cette fois, la presse s’évanouit de peur sur le taux d’emprunt à échéance de dix ans atteint quelques minutes mercredi. Mon Dieu ! Nous avons dépassé la Grèce ! Où va la signature de la France ? C’est une grossière comédie qui vise une nouvelle fois à manipuler l’opinion. Il s’agit de nous dire : attention, la situation du pays est très fragile. Sans doute le budget projeté par Michel Barnier n’est-il pas folichon, mais c’est cela ou le chaos, voter la censure serait antinational et nous ferait plonger dans la misère. Eh bien, Marine Le Pen a raison de dire que c’est une grossière plaisanterie, mais elle n’explique pas bien pourquoi.

 

Des taux d’emprunts dus à la désastreuse gestion de la France

En effet, ce taux d’emprunt, cela fait des années que les princes qui nous gouvernent mal auraient dû s’en soucier. Nous mesurons avec précision l’écart qui existe entre le nôtre et celui de l’Allemagne – ces dernières années. Comme nous mesurons aussi, ces dernières années, l’évolution de nos dettes respectives. Mais nous aurions intérêt à le faire sur une plus longue durée. On verrait que la France, partant d’une dette quasi nulle et d’un taux d’emprunt excellent en 1980, se trouve sous les deux rapports aujourd’hui battue par l’Allemagne qui, elle, a eu à financer l’énorme fardeau financier de sa réunification. Alors que notre débâcle financière, elle, n’est due qu’à l’incompétence et au socialisme de nos dirigeants depuis quarante ans. Découvrir aujourd’hui le poids de la dette sur nos finances est simplement malhonnête. Cela fait des années que la dette s’accroît, non seulement en valeur mais en pourcentage du PIB. Cela fait des années que, petit à petit, le service de la dette s’approche du premier poste du budget de l’Etat, première place qu’il devrait atteindre en 2027 selon une projection du Sénat, devant l’Education Nationale. Et, les finances étant de plus en plus mal tenues, le covid y ayant puissamment contribué, cela fait des années que les taux d’emprunt augmentent régulièrement. Plus grave encore, la structure de la dette a changé, la part des emprunts à court terme croissant, obligeant la France à emprunter plus pour y faire face.

 

En engraissant l’Etat Barnier met la France au niveau de la Grèce

Les gros titres de cette semaine, après le silence douillet et complice de ces dernières années, ressortit donc au spectacle, plus particulièrement au film d’horreur propre à ramener l’électeur vers la rassurante silhouette de Michel Barnier, grand commis de l’Europe. Et donc à masquer la réalité, que nous ne cessons de dire ici : que le budget présenté par le Premier ministre est un budget écolo-socialiste inapte non seulement à améliorer le sort des Français, mais à redresser les finances ou à relancer l’économie. Si notre taux d’emprunt à dix ans a dépassé celui de la Grèce, c’est que la Grèce a fait les efforts nécessaires pour sortir du trou, qu’elle a massivement coupé dans des dépenses pharaoniques d’Etat – et que nous ne le faisons pas. Le budget de Barnier augmente les impôts et repousse la revalorisation des retraites, il ne réduit pas les dépenses de l’Etat : c’est cela, et non une éventuelle censure, que les marchés financiers viennent de sanctionner. Barnier se prévaut de son inefficacité volontaire pour tenter de faire passer un budget idéologique.

 

Le taux d’emprunt, on s’en sort si la politique est bonne

Pour rassurer les Français, on pourrait leur signaler que le taux d’emprunt à dix ans de la France a été plus élevé qu’il ne l’est, en 2007-2008, au moment de la grande crise financière. Ce sont des situations dont on se sort avec des décisions appropriées, celles par exemple que Barnier ne veut pas prendre. Cependant les habitudes mentales imposées par le socialisme sont si fortes en France qu’on rechigne aux remèdes de cheval d’une Margaret Thatcher hier ou d’un Javier Milei aujourd’hui. Mais nécessité fait loi, et même un chouchou de l’arc-en-ciel féru de gauchisme sociétal comme Justin Trudeau a dû s’incliner devant les chiffres. Au début de 2024, le taux d’emprunt à dix ans du Canada est monté à 4 % (un point de plus que la France aujourd’hui). Il a immédiatement annoncé un gel des recrutements fédéraux applicable pour six mois à partir du 3 septembre 2024 – étendu aux provinces. Les cheminots ont annoncé une grève monstre. Le ministre du travail l’a interdite. Au premier octobre, le taux d’emprunt à dix ans était retombé à 2,76 %. Ainsi le gauchisant, imitant les décisions de Jean Chrétien trente ans avant, a-t-il rétabli les finances du Canada en coupant dans la fonction publique et en tenant tête aux syndicats. C’est ce que devrait faire Barnier, au lieu de tenter de manipuler l’opinion avec ses gros sabots.

 

Pauline Mille