Le bioéthicien Peter Singer prône le droit à l’euthanasie des personnes démentes

Peter Singer euthanasie démentes
 

Bioéthicien de renom, titulaire de la chaire d’éthique de l’université de Princeton et professeur à l’université Charles-Sturt en Australie, Peter Singer n’est pas seulement un philosophe « antispéciste » qui veut en finir avec une pensée qui ne s’intéresse qu’aux humains : utilitariste, il voit que les personnes âgées souffrant de maladies neurodégénératives occupent de la place et consomment du temps et des ressources. Aussi vient-il d’exhorter l’Australie, son pays de naissance, à légaliser l’accès à l’euthanasie pour les personnes en voie de devenir démentes : ne pas le faire, a-t-il déclaré dans un podcast populaire, Neil Mitchell asks Why, constitue une « faiblesse » de la législation.

Singer a réussi à choquer ses compatriotes à l’heure où 421.000 d’Australiens sont touchés par la maladie qui constitue déjà la deuxième cause de mortalité sur le continent. Si l’on compte les malades, leurs familles et les soignants, on arrive à 2 millions de personnes (sur un total d’un peu moins de 27 millions d’habitants). Au niveau mondial, 55 millions de personnes souffrent de démence.

 

L’euthanasie des personnes démentes pour reconnaître qu’elles ne sont plus là

Singer estime qu’à la différence des personnes nées avec un handicap mental important, les personnes démentes ont été en pleine possession de leurs moyens et devraient donc voir prendre en compte, au moment qu’ils définissent d’avance, leur volonté de ne plus vivre. Il justifie la chose en présentant la personne devenue pleinement démente comme une sorte d’autrui. S’imaginant incapable de reconnaître les siens, couché sur un lit dans une espèce de vide, il assure : « Dois-je avoir le droit de prendre la décision (à l’avance) pour l’être qui sera à cette place ? Dans une telle situation je crois que oui, vraiment. »

La dépersonnalisation qu’il opère est évidente.

Elle va plus loin encore que ce qui se fait déjà au Canada (où un tiers de confiance peut demander la mise en œuvre d’une demande d’euthanasie sur un dément ayant fait une déclaration préalable) ou aux Pays-Bas, où un nombre de personnes, petit mais qui va croissant, en voie de devenir démentes ont déjà été euthanasiées alors qu’elles avaient encore la capacité d’exprimer leur volonté, sans que les commissions d’évaluation n’y trouvent quoi que ce soit à redire. Les directives anticipées sont également acceptées dans le cadre de la loi pour euthanasier un patient en état de démence avancée mais semblent poser un problème à bien des médecins néerlandais qui sont focalisés sur le recueil de la volonté du patient à l’instant même de passer à l’acte.

 

Peter Singer propose l’expérimentation sur les patients en mort cérébrale

Peter Singer ne s’encombre pas de ce type d’interrogations et d’ailleurs propose une autre innovation, l’expérimentation médicale sur des personnes en état de « mort cérébrale », après avoir depuis longtemps réclamé la possibilité pour les parents de faire euthanasier leur nouveau-né gravement handicapé (mais conscient) : toujours précurseurs, les Pays-Bas ont légalisé la chose.

Pour ce qui est de l’expérimentation sur les patients en état de mort cérébrale, il la justifie en tirant argument de l’idée que l’on utilise bien comme cobayes des chiens ou des singes parce que les hommes se sentent « tellement plus intelligents et rationnels qu’eux ». Autrement dit, il faut se ranger à l’idée qu’il y a des hommes qui ne sont ni intelligents, ni rationnels puisque leur cerveau ne fonctionne plus.

On n’arrête décidément pas le progrès – quelle que soit la direction qu’il prenne.

 

Jeanne Smits