Mgr Robert Mutsaerts avait quatre ans quand a commencé le bouleversement de l’Eglise par la réforme conciliaire de Vatican II. Révulsé par le cléricalisme et l’obscurité du processus synodal, l’évêque auxiliaire de Bois-le-Duc constate la ruine du catholicisme néerlandais (« Les jeunes votent avec leurs pieds, ils fuient les messes qui n’en sont pas ») et européen. S’il s’interroge sur les intentions du pape, c’est pour ne pas les condamner tout à fait. A l’heure où de bons évêques comme Mgr Strickland ou Mgr Rey sont pourchassés sans ménagement ni raison valable alléguée, où Traditionis Custodes est appliqué avec la dernière férocité, il souligne que seul le retour à une foi claire, vivante, manifestée par une liturgie sacrée peut ranimer aujourd’hui les Eglises d’Europe. Dans son blog épiscopal de décembre il franchit le Rubicon pour réclamer de Rome un retour à l’enseignement traditionnel de l’Eglise. Ce qu’il dit n’a rien d’extraordinaire, mais présente deux qualités principales, c’est clair, et cela provient d’une des Eglises les plus progressistes du continent : elle a pu éprouver que l’expérience du progressisme a causé sa ruine.
Ils sautent comme des cabris en criant : « Synode, synode ! »
A l’automne 2022 déjà, Monseigneur Robert Mutsaerts avait claqué la porte du synode de la synodalité, puis, en 2023, après le rapport de synthèse de la première session, il avait manifesté son inquiétude sans ambiguïté : « C’est le synode de l’obscurité. Que veut vraiment le pape ? » Et de développer : « Il n’y a eu aucune référence aux Pères de l’Eglise, aux saints et aux théologiens, presque aucune référence à la Bible et à la Tradition. Le pape se cite principalement lui-même, et il n’y a certes aucune réflexion philosophique. Le sentiment domine tout. Et cela ne produit pas d’idées claires. S’il y a une chose que François ne fait pas, c’est précisément cela : produire de la clarté. » Aujourd’hui, l’intention du synode, révélée par sa praxis, lui paraît plus clair : « Ils s’intéressent au nouveau mot à la mode, Synodalité. Si seulement nous devenons synodaux, l’Eglise redeviendra attractive et l’Eglise aura à nouveau un avenir, telle est l’opinion ferme. Si nous écoutons simplement, tout sera différent. Cela donne l’impression que les pasteurs n’ont jamais écouté depuis 2.000 ans. Que le Saint-Esprit est endormi depuis 2.000 ans. »
Pour l’évêque néerlandais l’Esprit Saint est dans la parole du Christ
Pour l’évêque néerlandais, cette prétention ahurissante de dénier l’appui de l’Esprit Saint à l’Eglise dans l’Histoire et de le monopoliser au profit d’un processus clérical qu’on vient de lancer est en fait une sorte de reniement du Christ : « C’est précisément l’esprit de l’ère laïque moderne qui a séduit les gens. La direction de l’Eglise ressemble à Démas, qui a abandonné Paul par amour du monde profane. Et à Judas qui croyait que l’argent dépensé pour Jésus aurait été mieux dépensé pour les pauvres. Cela plaît aux plus libéraux. Ils sont comme la foule qui réclamait Barabbas, qui militait et combattait pour une utopie mondaine. Ils disent : nous prendrons les choses en main. Jésus, quant à lui, a fait la volonté du Père et a choisi la Croix. Cela semblait un échec au monde, mais c’est la Croix qui a apporté le salut. »
L’erreur synodale est la suite de l’erreur conciliaire
Dans cette erreur fondamentale du processus synodal, l’évêque néerlandais voit la suite directe de l’erreur postconciliaire : « Pourquoi les gens ont-ils quitté l’Eglise au cours des soixante dernières années ? Parce que l’Eglise les a laissés tomber. L’Eglise a égaré les gens de l’Eglise. Oui, dit l’Eglise, nous défendons l’environnement, le changement climatique, la diversité, les pauvres et des choses de ce genre. Et cela est plus important que la liturgie digne, la sacralité, l’appel à la conversion et la priorité au salut des âmes. Les gens oublient que c’est précisément cela qui nourrit les gens pour qu’ils accomplissent réellement les œuvres de miséricorde. » C’est la perte de la foi et du sacré qui explique l’effondrement de l’Eglise des Pays-Bas que constate l’évêque et qui se manifeste dans la liturgie.
La liturgie ahurissante (et dictatoriale) du cléricalisme
Le tableau n’est pas réjouissant : « Des drapeaux arc-en-ciel, des militants LGBT dansant autour de l’autel, des groupes de second ordre jouant des airs pop, des sermons qui sont plutôt des expressions du politiquement correct. Pourquoi le beau et le vrai ont-ils laissé la place à la laideur et aux opinions ? Bâtiments laids, murs blanchis à la chaux, iconoclasme et spectacles mal joués qui veulent passer pour de la liturgie. (…) Le mystère, le sacré, le surnaturel ont dû céder la place à la planéité horizontale. » Selon Mgr Mutsaerts les abus liturgiques sont monnaie courante : « Lors des messes de confirmation, je suis régulièrement terrorisé par des chœurs qui ne chantent que des succès des années 2000. A l’une d’entre elles, la chorale ne chantait que des chansons de Bruce Springsteen. Le chant d’offertoire fut Because the night. A la fin de la messe, j’en étais sûr : nous ne reverrons plus jamais ces confirmés à l’église. Lors d’une autre messe de confirmation à Nimègue, le curé a refusé la communion sur la langue à une confirmante. C’est cela le cléricalisme : ce prêtre fait ses propres règles et les impose aux fidèles. »
Le cléricalisme conciliaire oublie l’enseignement du Christ
C’est ce cléricalisme conciliaire qui est selon l’évêque néerlandais la racine de la crise actuelle : « C’est le problème de l’Eglise depuis Vatican II : l’Eglise n’enseigne pas ce qu’enseigne l’Evangile. Nous avons peur d’exprimer des opinions catholiques. Quel pasteur parle encore du salut des âmes, des quatre fins dernières, du pardon des péchés ? (…) Nous soutenons la décision du conseil d’administration d’une école catholique romaine du Limbourg qui refuse l’accès à l’école à des sœurs parce que ces sœurs n’ont mentionné qu’une seule option lorsqu’elles parlent du sacrement de mariage : homme/femme. Pas étonnant que l’Eglise soit en train de mourir. Que défendons-nous réellement ? Le Pape interdit la messe traditionnelle latine à Chartres et à Notre-Dame et met un pèlerinage LGBT au programme de l’Année Sainte la même semaine. Nous aspirons “à la Liberté et au Bonheur”, mais dans la pratique, cela tend à aboutir à la débauche et à l’insatisfaction. »
L’Eglise conciliaire puis synodale s’est diluée dans le Monde
Pour l’évêque néerlandais, l’Eglise s’est oubliée elle-même dans la réforme conciliaire : « Que s’est-il passé après Vatican II ? Les gens sont entrés en dialogue avec le monde. Ce n’est pas déraisonnable. Mais qu’ont-ils fait ? Ils ont temporairement mis entre parenthèses la vérité de la foi catholique pour entrer en conversation avec la modernité. Cela a finalement conduit à une adhésion totale au monde laïc. L’Eglise était si désireuse de démontrer sa pertinence pour le monde qu’elle a complètement perdu son identité. Il a été conclu que le Saint-Esprit était autant, voire plus, à l’œuvre dans le monde séculier que dans l’Eglise elle-même. On est même allé jusqu’à relativiser, voire nier, les vérités intemporelles de l’Eglise. Elles ne seraient que le produit de l’imagination des thomistes et autres théologiens dépassés. Cela s’est traduit par une traduction complètement horizontale de l’Evangile. La métaphysique a été jetée par-dessus bord, l’accent a été mis sur la communauté. La conséquence est une liturgie plate, dans laquelle il n’y a plus de place pour le péché et le pardon. »
Le cléricalisme synodal vide les églises
Plus de « mea culpa » puisque la cause du mal retombe sur des « structures qu’il faut simplement changer ». La présence réelle dans l’hostie ? Un « symbole » ! L’eucharistie devient un simple « repas ». Aussi l’Eglise se rabaisse-t-elle souvent au niveau d’une ONG caritative : « Il ne s’agit plus que de justice sociale, de soupes populaires et d’action. Surtout d’action. Nous nous dressons contre la discrimination et le racisme, nous participons au débat social sur le changement climatique. Nous sommes bien sûr inclusifs et diversifiés et arborons le drapeau arc-en-ciel. On ne parle évidemment pas d’avortement, d’euthanasie et de mutilation des personnes transgenres. » Le résultat est que cette action sociale pour patronage vide les Eglises : « Les jeunes, en particulier, l’ont parfaitement compris et ont voté avec leurs pieds. Si la liturgie est un désordre incohérent, si vous n’êtes pas mis au défi d’organiser votre vie différemment, où le pardon et le péché sont des mots interdits, alors à quoi bon ? »
Laudato Si’, Fiducia Supplicans et le synode, c’est la barbe !
Cela ennuie tout le monde, et cela désespère tout le monde : « Si l’on ignore le surnaturel, cela se fait également au détriment du naturel, qui se trouve réduit à un contenu plat et dénué de sens. La disparition de la religion de la société se fait également aux dépens du laïc. Qui s’intéresse à une religion dépouillée du sacré ? Personne. C’est juste ennuyeux. La liturgie plate n’est qu’une mauvaise pièce de théâtre avec un scénario bizarre interprété par des acteurs de second ordre. Il n’est pas étonnant que les jeunes avides de sens, avides de pardon, avides de vérité, ne s’intéressent pas du tout à Laudato Si’, à Fiducia Supplicans et à la Synodalité. Les paroisses et les diocèses qui croient s’y engager n’attirent pas les jeunes. »
L’évêque néerlandais veut remettre Rome dans Rome
Pourtant le remède est à portée de main : « Ce que l’Eglise doit faire, c’est mettre à nouveau l’accent sur le sacré, comme étant d’un ordre différent et supérieur. C’est pourquoi nous avons des lieux saints, des liturgies sacrées, des édifices consacrés destinés uniquement au culte et à la dévotion. C’est pourquoi il faut distinguer le langage sacré de la liturgie du langage courant. » Et cet effort pour s’élever vers Dieu, par-dessus le marché, plaît aux fidèles, aux jeunes notamment : « Où les trouve-t-on : dans des paroisses où les choses sont simplement traditionnelles, où la Sainte Messe reste la Sainte Messe, où le sacré est souligné, où la liturgie se distingue clairement du mondain. C’est là que vous découvrez quelque chose que vous ne saviez pas auparavant. C’est un mouvement vers la beauté, la vérité, la sacralité, vers la dévotion, vers les lieux où l’on offre le sacrement de la confession, où l’on prie le chapelet. Là je vois des familles, là je vois des jeunes, là je vois l’avenir de l’Eglise. » La CEF devrait faire un stage collectif à Bois-le-Duc.