La discussion d’une loi dite « fin de vie » – ou de deux lois, l’une sur l’euthanasie et l’autre sur le suicide assisté – arrive à grands pas à l’Assemblée nationale où elle devrait être inscrite à l’ordre du jour en mars ou avril. La France n’est pas le seul pays où la « mort choisie » – euphémisme pour l’assassinat légal des plus fragiles – fait l’objet d’une propagande diablement efficace : le Royaume-Uni est lui aussi en voie de légaliser l’euthanasie. Comme toujours, la loi est supposée « bénéficier » aux personnes en phase terminale de leur maladie. Le projet français parle de pronostic vital engagé « à court ou moyen terme », ce qui est déjà d’une grave imprécision. Dans le projet britannique le délai retenu est de six mois, sur évaluation médicale. Mais une polémique vient d’éclater à ce sujet, révélant à quel point un tel pronostic est incertain : les chiffres le prouvent. Bien des malades vivent nettement plus longtemps que les six mois estimés… Déterminer la phase terminale est loin d’être une science exacte – encore un argument contre les lois permettant d’expédier les vieux et les malades ad patres !
Les circonstances qui ont permis de mettre au jour la fréquence des pronostics erronés sont révélatrices, puisqu’elles sont en relation avec la question des allocations publiques versées à ces malades : c’est le ministère britannique du Travail et des Retraites qui a commandé une étude sur la survie des personnes obtenant une notification d’espérance de vie de six mois au plus.
Conditionner l’euthanasie aux pronostics sur le reste à vivre : un critère de doigt mouillé
Il s’agit pour elles d’un sésame qui leur permet de recevoir très rapidement une allocation de « crédit universel » de quelque 400 livres par mois sans avoir à prouver qu’elles éprouvent des difficultés à travailler. (Ce délai a récemment été revu à la hausse, étant désormais fixé à 12 mois.)
Les chiffres officiels montrent que 20 % des patients ayant été diagnostiqués en phase terminale avec « six mois à vivre » sont encore en vie trois ans plus tard. Une mauvaise affaire pour les finances publiques… mais du point de vue du lobby de l’euthanasie, c’est une aubaine.
On n’a pas d’autres chiffres sur la période intermédiaire. Le « crédit universel » continue d’être versé tant que la personne reste en vie mais c’est seulement au bout de trois ans que les services concernés font une démarche auprès des bénéficiaires pour vérifier si leur diagnostic ou leur pronostic a été modifié. C’est le résultat de ces contrôles qui est pris en considération ici : on constate un pourcentage variant entre 19 % des bénéficiaires ayant reçu trois ans d’allocations en 2020 à 21 % en 2021 ou 18 % en 2023.
Ces statistiques ont été rendues publiques à la suite d’une demande dans le cadre de la loi sur l’accès à l’information. Elles sont de la plus haute importance alors que le projet de loi sur « l’aide à mourir » adopté en première lecture en novembre prévoit d’octroyer ce « droit » aux personnes ayant au plus six mois à vivre sur autorisation de deux médecins et d’un juge. Le projet présenté par l’élue travailliste Kim Leadbeater – qui par ailleurs vit en couple avec une femme – prévoit justement de retenir les mêmes critères que ceux utilisés pour l’octroi du « crédit universel ».
Les pronostics sur le reste à vivre sont terriblement incertains
Les données hospitalières britanniques avaient déjà permis de constater que les pronostics médicaux sont erronés dans plus de 50 % des cas en la matière ; désormais, et pour la première fois, ces données sont donc confirmées, mettant en lumière une imprécision majeure des estimations réalisées par la NHS, le système de santé britannique.
Pour le Dr Matthew Doré, secrétaire honoraire de l’association des soins palliatifs britannique, « sous le régime des lois sur la mort assistée, des vies auraient été tragiquement interrompues – et nous n’en aurions rien su ». « Pouvons-nous accepter une réalité où une personne sur cinq pourrait rater trois Noëls de plus avec leurs proches en raison de l’imprécision inhérente aux pronostics médicaux ? », interroge-t-il.
Et de noter que ce critère, supposé servir de garde-fou pour les lois d’euthanasie, échoue de manière aussi fréquente et « dramatique » à assurer la « sécurité » des personnes.
Les parlementaires français devront aussi avoir cela à l’esprit lorsque viendra leur tour de voter sur la mise à mort des « mourants ». Mais la simultanéité des lois des deux côtés de la Manche fait penser que les décisions ont déjà été prises par les loges françaises, anglaises et du reste du monde.