Quand Marie-Laure Basilien-Gainche, professeur des universités en droit public enseignant à Lyon 3, a lancé cette phrase sur le plateau de France 5 lors de l’émission C Politique, c’est à bon droit que de nombreux spectateurs se sont esclaffés et que le député européen Philippe Olivier a twitté, par référence au film Le dîner de c… : « On tient là une championne ! » Mais il est nécessaire d’y revenir pour rappeler plusieurs vérités complémentaires et politiquement importantes.
D’abord, Mme Basilien-Gainche n’a pas complètement tort. Une intégration véritable exigerait un effort de la France. Quand un nombre raisonnable d’immigrés désirant s’installer en France pour y contribuer à la vie du pays par leur travail et y faire souche espérait s’y intégrer, le pays y répondait par un triple effort d’intégration mené par l’école, l’Eglise et l’armée : ainsi apprenait-on aux enfants des immigrés à devenir français.
Mais ce n’est pas, bien sûr, ce que voulait dire Mme Basilien-Gainche. Celle-ci « conçoit l’intégration comme un mouvement mutuel, réciproque ». Loin de demander un effort de formation aux Français, elle leur demande un effort de plasticité, d’abandon. Pour elle, ce serait un devoir dicté par le progrès, par l’avenir que construisent des gens comme Soros, considérés comme disciples de Popper : « Je trouve que faire reposer toute la charge de l’intégration aux migrants est un refus de notre capacité à être une société dynamique, une société ouverte. » Ce que propose Mme Basilien-Gainche, du point de vue de la réflexion juridique, est la même chose que ce que La France insoumise et sa créolisation déclinent en slogans. Elle l’a expliqué dans son sabir de philosophe : « L’identité, c’est l’ipséité, c’est s’ouvrir, c’est intégrer la diversité, c’est s’enrichir. » N’examinons pas point par point cette glissade qui prétend agglutiner (et ainsi assimiler) plusieurs mots jugés positifs à l’extrême gauche, pour zoomer sur la seule ipséité, formée sur le latin ipse (soi-même, par opposition aux autres), afin d’exprimer ce qu’un individu a en propre. Indépendamment de ce que Mme Basilien-Gainche met dans le mot identité, elle n’envisage que celle de l’individu, au détriment de la lignée, de la nation, et fait primer celui-ci absolument, ne concevant l’organisation de la planète qu’en fonction du droit des individus.
Le troisième point à rappeler, le principal du point de vue opérationnel, est la personnalité de Mme Basilien-Gainche. Elle n’est pas seulement professeur des Universités, poste et titre importants, elle est associée au centre de recherche et d’étude sur les droits fondamentaux (CREDOF) de l’université de Paris Nanterre, du Centre for Migration Law de l’Université Radboud de Nimègue, du Global Migration Center du Graduate Institue de Genève, du Border Criminology Group de la School of Law de l’Université d’Oxford, du Center for the Legal Study of Borders and Migration de la Queen Mary University of London. Elle a été chargée de cours à la Paris School of International Affairs – SciencePo Paris et au Collège d’Europe à Bruges. Directrice de travaux et de thèses, elle est membre senior de l’Institut Universitaire de France pour la période 2023-2028 où elle dirige le projet MOEBIUS dont l’objet officiel est en analysant la pratique des Etats européens face aux migrations, de repenser leur souveraineté pour faire primer le droit des individus migrants. Mais elle est aussi membre du comité scientifique de l’Agence de l’Union européenne pour les droits fondamentaux. Elle contribue à la Revue des droits l’homme du CREDOF, à la revue Cultures et Conflits et au European Journal of Migration and Law. Elle est aussi membre du Migration and Law network, du réseau universitaire européen Droit de l’espace de liberté, de sécurité, et de justice (GDR 3452), de l’Immigration Network du Council for European Studies de l’Université Columbia, du Migration Law Network, de l’Institut des Amériques, du comité scientifique du réseau TERRA (Travaux, Etudes, Recherches sur les Réfugiés et l’Asile). Elle est également membre de l’ONG Action droit des musulmans qui milite pour le port de l’abaya dans les établissements scolaires, et chroniqueuse régulière sur Médiapart. Cette énumération non exhaustive mais étouffe-chrétien montre comment mandarinat universitaire, action en réseau, militantisme associatif et présence médiatique permettent une agit-prop efficace au service de la révolution arc-en-ciel. Voilà comme une idéologie obstinément rabâchée infiltre l’université, l’Union européenne, et finit à s’étaler dans une émission grand public.