Raser une forêt pour une centrale solaire : les écolos se mordent la queue

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A Ongles, commune de 359 habitants des Alpes-de-Haute-Provence, Engie Green devait construire une centrale solaire, mais il fallait pour cela raser les 12,7 hectares de la forêt communale de la Seygne : la municipalité a finalement renoncé au projet. Les écolos locaux crient victoire contre l’Industrie, les riches et la Croissance, sans même voir qu’ils se mordent copieusement la queue, car si les grands producteurs d’énergie, tels Total ou Engie, se mettent à multiplier les projets de solaire ou d’éolien qui salissent le paysage français et nuisent gravement à l’environnement, c’est qu’ils se sont engagés, d’abord en traînant les pieds, dans la transition énergétique et le green deal sous la pression des pouvoirs publics et de Bruxelles, eux-mêmes s’étant volontairement placés sous la pression des… écolos ! Ce qui fait que les écolos manifestent contre les conséquences de leur propre action, et qu’en plus ils s’en réjouissent et s’en flattent !

 

Le maire espérait une rente de la centrale solaire

Ongles fut jadis un oppidum, longtemps après les chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem ont possédé le village, qui a depuis bien décru après un optimum sous Louis-Philippe, malgré la présence d’un camp de harkis dans les années soixante, la grosse centaine d’actifs qui y vit n’y travaillant pas en majorité. Alors, bien sûr, comme bien des petits maires, celui d’Ongles, Maryse Blanc épouse Ventre, a cherché des revenus en 2014. Engie Green lui promettant 10.000 euros par hectare et par an, elle a signé une promesse de bail. Il ne restait plus qu’à raser la forêt pour lancer la construction de la centrale solaire. Mais Les Amis de la montagne de Lure (Amilure) ont porté l’affaire en justice, et, dix ans après, le 31 décembre 2024, la Cour administrative de Marseille a annulé l’autorisation de défrichement donnée par la préfecture. Alors, le maire et son conseil, sans se pourvoir devant le Conseil d’Etat, ont sagement décidé de résilier la promesse de bail. Avant cela, pour mieux apprécier le dossier, juges, rapporteur public, avocat des parties, spécialistes de la forêt, représentants de l’ONF et sous-préfète s’étaient rendu sur place, chacun s’employant à convaincre tout le monde.

 

Experts et juges en balade dans la forêt à raser

On se serait cru dans la nouvelle de Daudet, le sous-préfet aux champs, et la cour n’a pas évité le ridicule dans son arrêt. Elle explique que la visite a permis de « confirmer [un] impact fort ainsi que la visualisation de la zone humide en raison de la présence de molinie bleue et de mares d’eau ». C’est bien mignon, mais supprimer un projet industriel pour une petite prairie d’herbe jaune (car telle est la couleur réelle de la « molinie bleue ») est un peu léger. Les effets de style contre « l’introduction d’éléments artificialisant et banalisant (qui) conduirait à dénaturer (les) paysages formés d’une mosaïque de près, céréales, lavandes, oliviers et dominés par des villages perchés » ne lui donnent pas grand poids supplémentaire, pas plus que « les orchidées et salamandres tachetées » qu’on y rencontre. La cour a senti cette insuffisance d’arguments, ce qui l’a poussée à une fausse constatation. Elle a prétendu constater « une visibilité directe du projet depuis le site classé de l’ancien village médiéval de Vière », ce qui constitue selon le maire une erreur.

 

Les écolos se mordent la queue en triomphe !

Tout est bien qui finit bien, pourrait-on dire. Les écolos plastronnent. « Cela donne raison à nos positions », se réjouit Pierre Lavoie, porte-parole d’Amilure. « C’est une affaire qui va faire réfléchir les petits maires démarchés par les fournisseurs d’électricité », se réjouit Isabelle Bourboulon, journaliste et membre du collectif local pour sauver la forêt de la Seygne. Mais la vérité n’a pas été dite, ni par les uns ni par les autres. On a parlé « d’industrialisation de la ruralité », car, aux yeux des écolos, toute production et tout profit sont mauvais, mais ce qui était en jeu, ce n’est pas dix salamandres ni quelques centaines de pins sur un carré d’un kilomètre de côté : c’est le fait que, sous la pression des écolos, on a sacrifié depuis cinquante ans des sources d’énergie raisonnables pour se lancer dans de l’inviable non rentable, et finalement très préjudiciable à l’environnement. Le serpent qui se mord la queue reste la meilleure image de cette révolution sans conscience ni science.

 

Pauline Mille