La victoire du club de foot parisien PSG sur l’Inter de Milan en finale de la coupe d’Europe des champions samedi soir a causé des « scènes de liesse » d’une extrême violence qui se sont transformées en véritables émeutes. Malgré un important dispositif de sécurité (5.400 policiers mobilisés rien qu’à Paris), la casse, l’incendie et l’affrontement se sont répandus sur tout le territoire de la République, de Dax à Grenoble. Au bilan, provisoire : 700 incendies, dont 270 de véhicules, 192 blessés, surtout dans les forces de l’ordre, deux morts, 642 interpellations et plus de 300 gardes à vue. C’est la nième fois ces dernières années qu’un match de foot déclenche ainsi de graves violences en France, même quand la République française n’est pas concernée (finale Real Madrid-Liverpool à Saint-Denis en 2022), et que la compétition ne se passe pas sur son territoire (victoire de l’Algérie sur le Nigéria en coupe d’Afrique des nations, 2019). Le foot, utilisé massivement comme moyen politique par la République française depuis la coupe du monde de 1998, lui revient dans la figure comme un boomerang, de plus en plus violemment.
Du Mondial à PSG-Milan, politique d’abord !
Le sport est utilisé comme sédatif politique depuis Rome : Panem et circenses, quand on lui donne du pain et des jeux, le peuple est tranquille et ne songe pas à s’agiter contre ceux qui le gouvernent. Depuis les dernières années du vingtième siècle, la République lui a donné une fonction plus précise : celle de faire avancer l’arc-en-ciel. En promouvant, en athlétisme, natation et même en boxe, le transgenrisme. Et en intégrant les populations venues d’ailleurs, de faciliter le vivre ensemble, d’engendrer une nouvelle identité française par l’élan de solidarité que provoque l’enthousiasme de la victoire : ce fut le « et un et deux, et trois – zéro » en finale contre le Brésil, le triomphe des Bleus blacks-blancs-beurs. Les stars du foot sont désormais d’abord des ambassadeurs de l’antiracisme, cela justifie moralement leurs revenus pharaoniques. Et cela se vérifie dans le monde entier : désormais, lors des coupes du monde, les capitaines des équipes du match d’ouverture échangent de petits compliments édifiants sur la fraternité humaine avec leurs fanions.
« Les matches de foot, hantise d’un ministre » de la République
Hélas, ces boute-en-train de l’antiracisme ne parviennent pas à éradiquer de certaines âmes les préjugés qui y logent, pire, ils les propagent. Les cops des grands clubs chantent des chansons toujours plus répréhensibles, les supporteurs se radicalisent. En même temps certaines équipes favorisent le phénomène par leur composition. Ainsi par exemple, la composition des Bleus ne reflète pas la composition de la République française : il y a une surreprésentation de certaines populations immigrées, souvent naturalisées pour l’occasion, qui frappe l’observateur lorsqu’il compare, par exemple, avec l’équipe de Platini et Trésor (un Français d’immigration italienne, un Français de souche antillaise) voilà quarante ans. Tout cela concourt à troubler la paix civile, comme si le vivre ensemble était conçu pour ne pas fonctionner. Ce phénomène ne se limite pas à la France (bagarre générale entre Congolais et Marocains lors de la Coupe d’Afrique en 2024 à Abidjan, un mort à Casablanca après les violences en coupe d’Afrique des clubs en 2023). Pour l’ancien ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, les « matches de foot, c’est l’endroit où il y a le plus de problèmes. (…) La hantise d’un ministre de l’Intérieur, ce sont les matches de foot ».
Violences à Paris et sur tout le territoire de la République
Le phénomène est si répandu que le préfet de police de Paris, Laurent Nunez, que la presse estime volontiers répressif, dur, a eu le culot de dire que la nuit de violences n’était « pas un fiasco sécuritaire » (quel français, mon Dieu, dans la bouche d’un haut fonctionnaire !). Paris a pourtant concentré le gros de la casse, boutiques pillées, poubelles et voitures incendiées, mobilier urbain en morceaux, commerces pillés, policiers caillassés, avec en prime le périphérique bloqué. Mais les responsables de la police, préfet et ministre de l’Intérieur, se sont félicités que les bandes n’aient pas trop débordé le « périmètre élargi des Champs Elysées ». Bandes qui étaient selon eux venues « casser, piller et aller au contact ». Nous voilà donc rassurés, il n’y a pas eu d’émeute généralisée. Et cela a permis à Bruno Retailleau un prêche dont il a le secret : « La réponse ne peut pas être uniquement policière. On ne mettra jamais un cordon de CRS devant chaque vitrine de commerce. On ne mettra jamais un escadron de gendarme mobile dans chaque rue, ni à chaque carrefour de Paris ou même d’autres villes de France. »
Après coup, le ministre dit la vérité sur les violences du foot
Et de conclure : « La réponse vient aussi des familles. Tant que les familles ne seront pas responsabilisées, alors il y aura un certain nombre de voies qui permettront à la violence des mineurs de se déchaîner. » Rappelons tout de même que sur les 307 gardes à vue, seules 14 concernaient des mineurs. Mais le ministre de l’Intérieur a raison sur un point : c’est la société, la République, française, qui est débordée, parce que toute une partie de la population qui habite en France n’est plus éduquée. Chez nos voisins allemands, italiens, espagnols, chez nos amis néerlandais ou polonais, les grands matches de foot ne provoquent pas de violences comparables. Bruno Retailleau devrait creuser la chose, et sa cause. Son prédécesseur Gérald Darmanin vient de reconnaître qu’il avait mal évalué les violences survenues en 2022 aux abords du stade de France à Saint-Denis : des hordes de banlieue avait agressé et racketté de paisibles spectateurs. Sur le moment, il attribue le désordre aux « hooligans de Liverpool » et aux « spectateurs sans billets », et la presse lui emboîte le pas. Le 5 mai 2025, il reconnaissait : « L’essentiel de la difficulté ne vient pas des supporters anglais, mais des délinquants de Seine-Saint-Denis qui font des razzias et pillent des supporters. Notre dispositif de sécurité n’est pas du tout prévu pour ça. » Dont acte.
En flagornant le PSG, Macron se prend un boomerang !
Il ne faut pas s’en tenir toutefois à une constatation technique (« Pour lutter contre la délinquance, il faut des mecs de la BAC en baskets »), mais en tirer les conséquences politiques. La République française ne veut pas reconnaître la réalité sociale : à savoir que les populations massivement accueillies sur son sol, ni assimilées, ni stabilisées, sont la cause première des violences. En témoignent les deux principales réactions du président de la République après la victoire du PSG sur l’Inter de Milan. La première est un tweet envoyé juste après le coup de sifflet final : « Champion, mon frère ! Jour de gloire pour le PSG ! Bravo, nous sommes tous fiers. Paris, capitale de l’Europe ce soir. » Depuis 2013, les supporters du PSG lancent « champion mon frère » quand ils en ont l’occasion : en juxtaposant l’expression avec un « jour de gloire » qui rappelle la Marseillaise, Emmanuel pensait synthétiser l’inclusion dans la République. Cette hyperbole n’aurait été que ridicule sans la violence qui commençait déjà à se déchaîner. Il a dû rectifier le tir le lendemain en recevant à l’Elysée les joueurs du PSG : « Rien ne peut justifier ce qu’il s’est passé ces dernières heures. (…) Nous poursuivrons, nous punirons, on sera implacable. » Le foot, moyen de manipulation politique des peuples, est d’un emploi délicat : comme le boomerang, il revient parfois dans la figure des maladroits.