Conflit Israël-Iran : deux poids, deux mesures par rapport à la guerre Russie-Ukraine

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Pour tragique que soit le conflit en cours entre Israël et l’Iran, il y a tout de même quelques remarques un peu détachées qui s’imposent.

La première concerne la différence d’approche vis-à-vis de cette guerre et de celle qui oppose la Russie à l’Ukraine, de la part des milieux de droite, si nombreux, favorables à la politique de Vladimir Poutine.

Souvenez-vous : d’emblée, ce dernier a justifié l’invasion de l’Ukraine en invoquant la montée en puissance de l’OTAN aux marches de la Russie, et c’est l’argument qui est répété par ceux qui aujourd’hui imputent à l’Ukraine la responsabilité du conflit. On entend même dire que la Russie a été contrainte d’agir sur le plan militaire parce qu’« encerclée » par des puissances occidentales agressives et oublieuses des engagements pris au temps de la dissolution du Pacte de Varsovie.

 

L’Iran islamo-chiite, alliée de la Russie

Voilà qui fait peu de cas de la présence d’alliés historiques de l’URSS à ses frontières méridionales et orientales, et qui sont toujours proches, voire de plus en plus proches, de la Russie d’aujourd’hui. Si bien que celle-ci peut s’appuyer sur un partenariat de plus en plus étroit avec la Chine ; sur l’Inde, bon client de ses produits pétroliers ; sur la Corée du Nord qui aurait déjà perdu 6.000 hommes, tués ou blessés, sur le front ukrainien ; sur l’Iran (et ses drones et ses armes) dont les ayatollahs marxisés ont été historiquement formés par l’université Patrice Lumumba de Moscou… Car oui, ce centre de formation pour étudiants venus des anciennes colonies et portant le nom de ce « héros » de la décolonisation, premier Premier ministre de la République démocratique du Congo, débaptisée en 1992 après la chute de l’Union soviétique, a été remis à l’honneur à l’« université de l’amitié entre les peuples » en 2023. On ne peut imaginer que ce soit par hasard.

Quand Israël tient un discours strictement symétrique, ces mêmes milieux de droite s’étouffent d’indignation.

 

La Russie s’est bien sentie menacée par l’Ukraine…

Quels que soient les mérites respectifs de leur argumentation et de celle de Poutine, la logique est pourtant la même. Israël craint pour sa survie face à un Etat islamo-chiite qui s’efforce d’enrichir son uranium afin de disposer de l’arme nucléaire, et a pris le risque d’attaques ciblées pour empêcher les choses d’aller trop loin. Israël ne plaide pas l’encerclement, mais l’hostilité avérée du régime de Khamenei et la portée effective de ses missiles qui connaissent parfaitement, si l’on peut dire, le chemin de Tel-Aviv.

Deuxième remarque : nul ne sait évidemment où mènera cette guerre mais le pouvoir islamique iranien est très proche de Moscou. Un nouveau partenariat stratégique a été signé le 17 janvier dernier entre la Russie et l’Iran : le document n’est pas public mais réputé porter sur de nombreux domaines civils « allant de l’énergie à la finance, des transports à l’industrie, en passant par l’agriculture, la culture, la science et la technologie », mais aussi aux échanges dans le secteur nucléaire : peu de jours avant le déclenchement de l’opération « Rising Lion » par Israël, on apprenait ainsi que la Russie venait de signer avec Téhéran un contrat portant sur la construction de huit centrales nucléaires. Avec le risque de voir le nucléaire militaire pointer son nez. Etant donné que la coopération militaire est aussi de la partie – à travers la fourniture de drones kamikazes Shahed par l’Iran à la Russie, ou l’annonce de l’intensification d’exercices communs – certains pensent même que ce volet militaire et le plus important de l’accord. La Russie a-t-elle vraiment intérêt à se voir entraîner dans cette affaire ?

 

La Chine et la Russie face à leur allié iranien

La situation en Iran, où Israël a réussi des frappes très ciblées tant sur les hauts responsables que sur des infrastructures militaro-nucléaires et pétrolières a de quoi inquiéter ses proches alliés. Fragilisé de l’intérieur par le manque de soutien d’une population qui supporte de plus en plus mal la tyrannie des mollahs, l’Iran est aussi face à la puissance militaire et aux capacités d’infiltration d’Israël. La chute de Khamenei ferait perdre à la Russie un nouveau pion au Proche-Orient après la chute de Bachar el-Assad qui l’a privée de tout un territoire où sa présence militaire a été fortement réduite. Côté chinois, le risque est de voir réduire son accès à une source essentielle d’énergie : Pékin importe à l’heure actuelle deux millions de barils de pétrole par jour depuis l’Iran. Et si la guerre devait s’étendre dans la région ce sont d’autres sources qui risqueraient de devenir incertaines.

A l’heure d’écrire ces lignes, l’Iran chercherait à éviter toute escalade. Le Telegraph écrit : « Selon des responsables, l’Iran signale actuellement de manière frénétique qu’il souhaite mettre fin à l’escalade du conflit avec Israël et reprendre les négociations sur le nucléaire. Téhéran a envoyé des messages urgents indiquant qu’il serait disposé à revenir à la table des négociations si les Etats-Unis ne se joignaient pas aux attaques, tout en déclarant à Israël qu’il était dans l’intérêt des deux parties de modérer les violences », invoquant des sources citées par le Wall Street Journal. Selon Reuters, l’Iran a même demandé via des intermédiaires à Donald Trump d’obtenir d’Israël un cessez-le-feu immédiat.

A l’heure où ces appels étaient évoqués, Israël affirmait en tout cas avoir le contrôle aérien sur Téhéran et des milliers de civil fuyaient la capitale iranienne à la suite d’un ordre d’évacuation venue de Tel-Aviv, laissant imaginer que l’opération avait déjà produit de l’effet. De son côté, Washington insiste pour dire que son ambassade en Israël n’avait pas fait l’objet d’une attaque iranienne et qu’il n’y avait pas eu sur place le moindre blessé, contrairement à ce qui avait circulé sur Internet.

 

Anne Dolhein