Une IA « maternante » ? Le rêve de Geoffrey Hinton, « parrain » de l’intelligence artificielle

IA maternante Geoffrey Hinton
Geoffrey Hinton (© Arthur Petron)

 

Ancien directeur chez Google, réputé « parrain de l’IA » pour ses travaux sur l’intelligence artificielle, Geoffrey Hinton est même prix Nobel de physique en 2024, une distinction qu’il a reçue conjointement avec John Joseph Hopfield pour « leurs découvertes fondamentales et inventions qui ont rendu possible l’apprentissage automatique et les réseaux de neurones artificiels ». Mais il est aussi l’une des voix qui s’élèvent pour mettre en garde contre les risques de l’IA, allant jusqu’à évaluer à « 10 à 20 % » la possibilité que celle-ci se retourne contre l’humanité et l’élimine totalement. Mais voici qu’il propose une solution : doter l’intelligence artificielle d’une sorte d’« instinct maternel » de telle sorte qu’elle prenne soin des humains même si elle les dépasse largement. En d’autres termes, cesser de vouloir « soumettre » les systèmes d’IA – « ça ne fonctionnera pas ; ils vont être beaucoup plus intelligents que nous » – et créer une IA maternante.

« Le modèle juste est le seul modèle que nous ayons d’une chose plus intelligente contrôlée par une chose moins intelligente, à savoir une mère contrôlée par son bébé », a-t-il déclaré à CNN.

 

Geoffrey Hinton : « Si elle ne nous materne pas, elle nous remplacera »

« C’est la seule issue positive. Si elle ne nous materne pas, elle nous remplacera », a-t-il ajouté. « Ces mères IA ultra-intelligentes et attentionnées ne voudront pas, pour la plupart, se débarrasser de leur instinct maternel, ne voulant pas que nous mourions. »

Et il y a urgence, à son avis. Connu pour avoir déploré qu’on ne s’interroge pas assez tôt sur la sécurité de l’utilisation de l’intelligence artificielle, il pense aujourd’hui qu’on peut « raisonnablement parier » sur le fait que l’IA atteindra le stade de la « super-intelligence », l’AGI ou intelligence artificielle générale, d’ici à cinq ou vingt ans tout au plus.

Mais la proposition de Hinton de programmer l’IA pour considérer les êtres humains comme des nourrissons est pour le moins bizarre. A supposer que ce soit possible, où cela mènerait-il ? Côté humain : à se tourner vers l’IA comme vers une adulte aimée, admirée, qui sait tout ? Qui subvient à tous les besoins ? L’anthropomorphisme de l’IA, encouragé par la plupart des grands modèles de langage actuellement accessibles au public, ne saurait faire défaut dans les relations du grand nombre avec ces machines auxquelles on « externalise » déjà si facilement les tâches, la pensée, les décisions.

Et que penser d’une IA « maternante » ? Il est bien connu que les sociétés matriarcales sont, paradoxalement, bien plus violentes que celles où l’homme représente la loi et la fait respecter : ce sont celles où les mères ont la plus forte tentation et le plus fort risque de vouloir tout aplanir, tout obtenir pour leurs enfants, quitte à détruire ou à faire souffrir les autres.

 

L’IA maternante dans un monde qui détruit l’amour maternel

Selon Hinton, l’IA agentique aura tôt fait de poursuivre deux « sous-objectifs » : « rester en vie… et obtenir davantage de contrôle ». Il s’agirait de contourner cela pour que l’IA ait en quelque sorte intérêt à protéger ces… idiots d’êtres humains qui en dépendent en tout.

Soit dit en passant, c’est une idée qui fait penser à une singerie infernale de la véritable mère des hommes, de tous les hommes : la Vierge Marie.

La déshumanisation du concept de la maternité à travers l’IA maternante est en vérité un nouveau sujet de préoccupation qui vient s’ajouter à celui de l’IA destructrice de l’humanité. L’idée révèle en même temps un profond mépris de l’homme, voire une haine de l’homme qui n’est pas seulement corps et intellect mécanique, mais corps et âme, fait pour répondre à l’amour son Créateur qui l’aime déjà d’un amour inconcevable, et qui est son seul vrai Dieu…

Ce n’est pas cela qui gêne les médias, pourtant… Que Hinton s’autorise à évoquer l’amour maternel, et même l’instinct maternel, irrite ainsi la journaliste de Futurism qui en conteste l’existence, rappelant que bien des femmes dépriment après avoir donné la vie, voire peinent à former un lien avec leur nouveau-né. Dans une société empreinte d’idéologie du genre et de l’idée qu’« on ne naît pas femme, on le devient », parler de l’amour spécifique d’une mère pour son enfant est de la dernière incorrection. Il est vrai que l’altruisme des mères est directement contré par la promotion de l’avortement…

Comme quoi bien des idées folles peuvent cohabiter malgré leurs contradictions dans notre monde sans repères !

 

Jeanne Smits