Deux prêtres catholiques biélorusses, le père Henryk Okołotowicz (65 ans) et le père Andrei Yukhnevich (42 ans), qui avaient été condamnés à de longues peines lors de procès à huis clos, ont été graciés par Alexandre Loukachenko et libérés de leur camp de travail au petit matin du 20 novembre. Ils ont été emmenés à la nonciature de Minsk et se trouvent désormais à Rome. L’agence de presse officielle Belta a annoncé cette nouvelle en affirmant que tous deux avaient commis « de graves crimes contre l’Etat ». Les deux prêtres ont vigoureusement nié toutes les accusations portées contre eux. On ne sait toujours pas si le régime leur permettra de retourner en Biélorussie et de reprendre leur ministère paroissial. Le plénipotentiaire adjoint aux affaires religieuses et ethniques, Sergei Gerasimenya, a refusé de s’exprimer à ce sujet, coupant court aux demandes d’informations des médias.
Le père Okołotowicz avait déjà été sanctionné une trentaine de fois par les Soviétiques avant la chute de l’URSS. Le groupe de défense des droits de l’homme, Human Rights Without Frontiers (HRWF), affirmait en décembre dernier que le Belarus, sous la conduite de Loukachenko, « continue d’utiliser les mêmes mécanismes de répression de style soviétique qui ont longtemps opprimé la société biélorusse », une situation que le groupe attribuait en grande partie à l’influence et au contrôle exercés par le Kremlin, l’Etat-frère…
Des prêtres catholiques en ligne de mire en Biélorussie
Le père Okołotowicz a été arrêté en novembre 2023 et condamné en décembre 2024 à 11 ans de prison pour trahison à l’issue d’un procès à huis clos qui l’a déclaré coupable, entre autres, d’avoir envoyé à l’étranger des informations sur les avions militaires d’une base située près de sa paroisse. Le père Yukhnevich a été arrêté en mai 2024 et incarcéré pour 13 ans en avril 2025 pour abus sexuels sur un ou plusieurs mineurs, accusations que ses partisans qualifient de fabriquées de toutes pièces.
Le cardinal Claudio Gugerotti, chef du Dicastère pour les Eglises orientales du Vatican, a indiqué dans une interview accordée à Radio Vatican à Rome le 21 novembre qu’il avait soulevé la question des deux prêtres emprisonnés lors de sa rencontre avec Loukachenko à Minsk le 27 octobre. La porte-parole de Loukachenko, Natalya Eismont, a déclaré à la première chaîne de télévision biélorusse le 22 novembre que la décision de gracier et de libérer les deux prêtres avait été prise « à la demande du pape Léon XIV, avec la participation du métropolite Iosif Stanevsky, en signe de bonne volonté, guidée par les principes de miséricorde et d’humanisme, compte tenu de l’état de santé des personnes condamnées, et afin de développer les relations entre la République de Biélorussie et le Saint-Siège ».
En Biélorussie des prisonniers politiques sont libérés… et déportés
A la date du 24 novembre, l’organisation de défense des droits humains Viasna (Printemps) faisait état de 1.247 prisonniers politiques en Biélorussie, un certain nombre d’entre eux ayant été graciés ces derniers mois : presque tous, y compris les citoyens biélorusses, ont été expulsés du pays. Quatre d’entre eux, libérés le 21 juin et expulsés vers la Lituanie, ont dénoncé après leur libération les restrictions imposées aux prisonniers dans l’exercice de leur liberté de religion ou de croyance. « En règle générale, les prisonniers politiques ne sont jamais autorisés à assister aux offices », a déclaré Natallia Dulina à Forum 18. Ihar Karnei note qu’il n’existe que des chapelles orthodoxes dans les prisons et que les responsables pénitentiaires approuvent ou rejettent les demandes de participation. « Dieu vous appelle peut-être à l’église, mais ce sont les responsables pénitentiaires qui décident », a-t-il déclaré à Forum 18. Sergei Tikhanovsky, chrétien orthodoxe, s’est vu refuser l’accès à un prêtre pendant plus de cinq ans.
Un autre prisonnier « gracié » et déporté, Andrey Krylov, a déclaré à Christian Vision, un groupe qui documente les violations de la liberté de religion ou de croyance et d’autres droits humains, que l’été dernier, des agents du KGB biélorusse ont rendu visite au père Okołotowicz dans la prison de Bobruisk, « très probablement pour le forcer à calomnier des paroissiens ou d’autres membres du clergé de l’Eglise catholique ».
Pendant sa détention dans ce camp de travail les autorités pénitentiaires ont transféré le P. Okołotowicz pendant plusieurs semaines au centre de détention préventive du KGB à Minsk. Là, ils lui ont donné des documents à lire et, selon Krylov, ils lui ont apparemment fait signer ces documents, lui disant qu’il devait 1 million d’euros et que s’il signait, il serait libéré. Krylov a également déclaré que le père Okołotowicz lui avait dit que le KGB lui demandait d’inviter le nonce apostolique à visiter sa paroisse de Volozhin après sa libération : « Et secrètement, comme par accident, de remettre une clé USB à l’ambassadeur du Vatican. C’est-à-dire de créer des preuves incriminantes contre l’ambassadeur. Mais Okolotovich a refusé. » Le père Okołotowicz lui avait encore dit ce qu’il avait répondu au KGB : « Ce que vous me demandez est un crime, et je ne peux pas trahir Dieu, pas plus que je ne peux accomplir cet acte. » Les agents du KGB ont déclaré qu’ils lui rendraient visite à nouveau en prison « de nombreuses fois », afin qu’il « change peut-être d’avis », se souvient Krylov.
Deux prêtres condamnés libérés : ils rejettent toutes les accusations qui les visent
Quant au père Andrei Marianovich Yukhnevich, il est membre des Missionnaires Oblats de Marie Immaculée. Au moment de son arrestation, il exerçait son ministère dans la paroisse Notre-Dame-de-Fatima à Shumilino, dans le nord de la région de Vitebsk. Il avait été auparavant supérieur des Oblats dans le pays et président de la Conférence des supérieurs majeurs des instituts religieux. La police a arrêté le père Yukhnevich le 8 mai 2024. Il a d’abord été condamné à des peines de prison de courte durée, notamment en vertu de l’article 24.23 du Code administratif pour « manifestation non autorisée » pour avoir affiché un drapeau ukrainien sur sa page Facebook. Cependant, les autorités n’ont pas libéré le père Yukhnevich après 45 jours. Elles l’ont au contraire transféré dans une prison préventive, et il a été inculpé d’abus sexuels sur mineurs.
Lors d’une audience à huis clos le 30 avril 2025, le juge Inna Grabovskaya du tribunal de district de Shumilino a condamné le père Yukhnevich pour trois chefs d’accusation et lui a infligé 13 ans de prison. L’évêque du P. Yukhnevich, Oleg Butkevich, s’est présenté au tribunal à chaque audience, mais n’a pas été autorisé à entrer, selon Katolik.life. Il est alors allé prier dans la chapelle située en face du bâtiment du tribunal. L’Eglise catholique n’a jamais cessé de le soutenir. Selon Katolik.life, le diocèse de Vitebsk n’a jamais reçu de plainte concernant la conduite du père Yukhnevich.
Notant qu’il était également présenté comme ayant commis « de graves crimes contre l’Etat » par l’agence de presse officielle Belta lors de sa libération, Natallia Vasilevich, de Christian Vision, a déclaré au service biélorusse de Radio Free Europe le 20 novembre : « La fabrication de l’affaire est indirectement confirmée par la formulation utilisée pour libérer les prêtres. Cela semble confirmer que la persécution du père Yukhnevich n’était pas due au fait qu’il aurait commis des crimes contre des mineurs, mais qu’il était persécuté pour ses positions civiques et politiques. »











