Le bras de fer entre le pouvoir installé par l’Occident et Moscou débouche sur une situation explosive qui offre un boulevard à Vladimir Poutine. A se demander quelles sont les intentions du nouveau président Porochenko et des Etats-Unis qui le soutiennent.
Sept mois après les premières provocations de la place Maïdan, la situation intérieure n’est pas réglée à Kiev. De nombreux manifestants demandent le nettoyage de la fonction publique, de la magistrature et du parlement, qu’ils accusent d’être corrompus. Autrement dit le départ de Yanoukovitch n’a servi à rien.
La situation extérieure, elle, est proche de l’explosion. La Crimée perdue, l’est menaçant de faire sécession, le nouveau pouvoir a entrepris une promenade antiterroriste, mais les choses tournent mal.
Les villes rebelles résistent, au prix de beaucoup de casse, et l’avion ukrainien abattu ce week-end montre que les séparatistes ont des armes sérieuses.
Le bras de fer en Ukraine met l’Europe en danger
Le nouveau pouvoir a désigné un bouc émissaire à tous ses malheurs, la Russie voisine. Un bras de fer en Ukraine a été engagé avec elle, politique, militaire et économique. Kiev refuse de régler la facture de gaz qu’elle doit à Moscou au prix que celui-ci demande. Faute de compromis, la Russie coupe le gaz.
Des manifestants incontrôlés ont saccagé les abords de l’ambassade de Russie, renversant des voitures diplomatiques. Pour arranger les choses, le ministre des affaires étrangères ukrainien s’est adressé à la foule en lâchant un retentissant : « Poutine connard ». En ukrainien dans le texte.
Des responsables russes ont demandé sa démission. Poutine, lui, joue sur le velours, sa décision de couper le gaz semble très modérée ; il peut déplorer sans rire les provocations ukrainiennes, même si de leur côté les militaires ukrainiens se plaignent que trois chars russes aient franchi la frontière, ce qui a provoqué une protestation de Washington.
Tout cela sent l’enfumage et l’amateurisme, et l’on finit par se demander ce que veut le gouvernement de Kiev et ses soutiens occidentaux.
Gazprom a promis de laisser passer dans l’oléoduc le gaz acheté par ses clients européens.
Mais si l’Ukraine, comme lors de la dernière crise, prélève pour son usage personnel une part de cette quantité, alors l’Europe paiera sans que la Russie n’y soit pour rien le prix de son soutien à Kiev.
Dans ce bras de fer en Ukraine, la position de Porochenko, pot de terre face au pot de fer russe, n’est pas raisonnable : il demande un prix inférieur à celui que paie le Royaume Uni, et fait mine d’oublier deux choses.
Un, Gazprom fixe les prix à la tête du client (il y a 80 dollars par millier de mètre cubes de différence entre le prix anglais et le prix français). Deux, le prix demandé par le géant russe, malgré la crise actuelle, est loin d’être le plus élevé du marché : la Pologne paie son gaz 140 dollars de plus par milliers de mètres cubes que le prix le plus élevé demandé à l’Ukraine par la Russie.
Toute cette agitation met Poutine en position de force. La jactance des politiques ukrainiens et occidentaux depuis le mois de décembre 2013 mène à des affrontements dont la Russie sort pour l’instant seule gagnante, et les espoirs de rénovation du pays semblent aussi calcinés que la carcasse de l’avion abattu samedi par les séparatistes.