Quarante ans après les faits, le terroriste vénézuélien Illich Ramirez Sanchez, alias Carlos, déjà en prison à perpétuité, va être jugé pour l’attentat du drugstore Publicis à Paris. Pour lui, comme pour de nombreux autres militants dont plusieurs ont occupé de hautes fonctions, la fin justifie les moyens, selon le principe de Lénine.
Le 15 septembre mil neuf cent soixante-quatorze, l’attentat du drugstore Publicis faisait deux morts et trente-quatre blessés. Un crime terroriste affreux et aveugle, le premier en France depuis la fin de la guerre d’Algérie, selon Françoise Rudetzki, la fondatrice de SOS-Attentat.
S’il n’est bien sûr pas question de défendre un tel acte, on peut se demander si le juger si longtemps après les faits est une bonne chose, et si l’extension de l’imprescriptibilité dans le droit n’est pas une perversion.
Carlos s’est inspiré de Lénine
Plus grave encore, on touche à un point où la justice et la politique se mêlent et donnent lieu à d’inextricables contradictions.
Fils d’un avocat communiste (il se prénomme Illich en l’honneur de Wladimir Illich Lénine), Carlos s’est engagé dans le FPLP contre Israël. Il a commis ses innombrables crimes dont l’attentat du drugstore n’est que le plus connu en France, au nom de la cause palestinienne. Dans cette activité, on est toujours le terroriste des uns et le héros des autres. Pour l’occupant allemand, tout résistant était un terroriste, comme le FLN pour les autorités françaises, le Hamas pour Israël et l’Irgoun pour la Grande Bretagne.
La difficulté est que le sort judiciaire d’un terroriste ne dépend pas de l’horreur du crime mais du destin historique de celui qui l’a commis : le vaincu est fusillé ou en prison, le vainqueur fêté, parfois chef d’Etat. Ben Bella, Boumedienne, sont devenus présidents de la République algérienne, Arafat chef de l’autorité palestinienne, Shamir et Begin premiers ministres israéliens, pour ne citer que ceux-là.
L’attentat du drugstore dans une logique terroriste approuvée depuis soixante-dix ans
Le phénomène trouve son origine pendant la seconde guerre mondiale : on a fourré sous un même mot, résistance, ceux qui combattaient honnêtement l’ennemi et ceux qui, dirigés par le parti communiste et le Komintern, lançaient le cycle attentats-représailles au moyen d’actes aveugles. Ce fut la victoire de Lénine : désormais une cause présentée comme juste permettait tous les crimes.
La cour d’Assises condamnera sûrement ce principe, mais elle n’aura fait que la moitié du travail : il faudrait condamner aussi ceux qui en ont profité depuis soixante-dix ans et ceux qui en font l’apologie. Carlos est coupable, mais pas plus que les responsables de Deir Yacine, Melouza et autres lieux découvrant à marée basse.