Les médias français estiment que le rapport d’enquête sur les religieuses américaines réalisée à la demande du Vatican est « globalement positif », comme l’écrit La Vie : rappelées à l’ordre sur certains points (« leChrist » !), les voici « encouragées » et appréciées dans l’ensemble pour leur engagement social.
Le mot « gratitude » revient fréquemment. On est loin des mots prononcés par le cardinal Franc Rodé, qui avait déclenché l’investigation lorsqu’il était à la tête de la Congrégation pour les instituts de vie consacrée : « Une certaine mentalité séculière s’est répandue parmi les familles religieuses, peut-être même un certain esprit féministe ». Pour autant, le rapport présenté à la presse par le cardinal Joao Braz de Avis les encourage d’abord à se rappeler que le Christ doit être au centre de leurs communautés. Si elles doivent être appelées à retrouver leur identité, c’est que les choses ne sont pas aussi tranquilles qu’on voudrait le faire paraître.
Alors, exercice de diplomatie ? Aurait-on eu peur de braquer les religieuses qui restent encore dans les grandes communautés américaines, où les nouvelles vocations peinent à venir ? C’est le « soulagement » qui domine, peut-être parce que l’attitude des religieuses américaines laissait craindre une rupture. Le cardinal Braz de Avis a d’ailleurs indiqué à I.Media que son dicastère allait procéder différemment à l’avenir, alors que certaines communautés américaines ont carrément refusé de recevoir les visiteuses dépêchées par le Vatican. Il compte désormais visiter les congrégations à travers le monde dans « un climat familial », non pour « juger ou trouver des erreurs » mais davantage pour « écouter les souffrances ».
Innover pour rassurer les religieuses américaines
Cela ressemble tout de même à un désaveu de la méthode employée par son prédécesseur.
Qu’au sein de l’Eglise on règle les différends et les difficultés dans un esprit de famille ne paraît pas révolutionnaire… Mais que la rectitude doctrinale passe ainsi à un second plan supposé rigide fait penser à la « pastorale » selon Kasper au récent synode sur la famille.
En l’occurrence, le rapport synthétise les résultats des visites apostoliques menées auprès des religieuses américaines d’une manière objectivement inquiétante, voire terrifiante du point de vue de la foi. Elles sont invitées, dans leur ensemble, « à revoir soigneusement leurs pratiques spirituelles et leur ministère » afin de s’assurer qu’elles sont « en harmonie avec l’enseignement catholique sur Dieu, la création, l’Incarnation et la Rédemption ». C’est tout le rapport au Christ qui doit être revu, s’il a été en effet nécessaire de faire ce rappel.
Retrouver le Christ dans la liturgie de l’Eglise
Retrouver le Christ, pour les 341 communautés religieuses et les quelque 50.000 femmes qui en font partie, cela signifie aussi que chaque congrégation doit « évaluer sa pratique effective de la liturgie et de la prière commune » et faire ce qu’il faut pour faire grandir la relation personnelle de chacune avec Lui.
Mais l’enquête souligne aussi que « l’âge médian des religieuses apostoliques aux Etats-Unis se situe entre 75 et 79 ans ». De fait, si le nombre de religieuses y a connu un pic de 125.000 vers 1965, à la suite de très nombreuses entrées entre la fin des années 1940 et le début des années 1960, elles ont été aussi très nombreuses à quitter la vie religieuse après cette date. « Les religieuses qui sont restées ont vieilli, et un nombre bien inférieur de femmes a rejoint depuis les instituts religieux ».
Autrement dit, ce rapport concerne un groupe ecclésial en voie de disparition, éloigné de son centre, le Christ, et incertain en matière liturgique et doctrinale.
Soins palliatifs à des communautés moribondes
Elles sont nombreuses, souligne le rapport, à souffrir de cet état de fait et n’ont guère trouvé d’autre moyen de transmettre le charisme propre à leurs congrégations que d’y associer des laïques qui poursuivent leur œuvre. « Cette Congrégation rend hommage à ces manières créatives de partager les dons charismatiques donnés par le Saint Esprit à l’Eglise et demande que la différence essentielle entre les religieux ayant prononcé des vœux et les personnes laïques dévouées qui entretiennent une relation spéciale avec l’institut soit respectée et célébrée. » Pour qui sait lire entre les lignes…
N’est pas du tout exprimée, en revanche, la relation entre le départ des religieuses consacrées et les changements liturgiques et les orientations plus « sociales » qui ont fait suite au Concile Vatican II et aux révolutions qui ont suivi.
Qu’est-ce qui peut remplir de nouveau les couvents américains de religieuses ? La « réponse généreuse à l’appel du Christ ». Il note que les institutions dépensent beaucoup d’énergie « spirituelle et matérielle » pour promouvoir les vocations et qu’elles sont encouragées à « chercher de nouveaux moyens de présenter la signification de la vie religieuse » à celles qui cherchent un chemin de vie.
Encouragées à retrouver les biens de jadis
Mais la réponse pourrait bien ne pas être neuve. Le rapport précise que « le personnel chargé des vocations et de la formation interrogées ont noté que les candidates désirent bien souvent avoir l’expérience d’une vie dans une communauté qui les formera, et qu’elles sont nombreuses à souhaiter être reconnaissables extérieurement comme des femmes consacrées ». « C’est un défi particulier pour les instituts dont le style actuel ne met pas l’accent sur ces aspects de la vie religieuse. »
C’est dit avec discrétion, mais c’est dit : les religieuses ne recruteront pas sans retrouver le Christ et le mettre au centre, sans ressembler à ce qu’elles devraient être.