C’est en vue des prochaines élections au Royaume-Uni que le Premier ministre britannique, David Cameron, a proposé de supprimer les allocations d’invalidité aux personnes en grand surpoids, dès lors qu’elles refuseront de suivre les recommandations diététiques et les traitements qui leur sont prescrits par leur médecin. Les obèses sont dans le collimateur, mais aussi les alcooliques et les toxicomanes : quelque 100.000 personnes au total qui, pour une raison ou une autre, se trouvent du fait de leur « choix de vie » incapables de travailler et à qui la société assure une subsistance minimale.
La presse britannique même la plus conservatrice a accueilli fraîchement la proposition, soulignant que l’obésité est le plus souvent constatée chez les plus pauvres qui n’ont pas les moyens d’adopter un régime équilibré, sans compter que beaucoup de personnes en surpoids enchaînent les régimes, sans succès : leur problème est de l’ordre de la maladie et les priver d’allocations reviendrait à les enfoncer davantage à la fois dans la pauvreté et dans le désordre alimentaire.
Royaume-Uni : ces obèses qui « choisissent » leurs problèmes
David Cameron a déclaré il y quelques jours que l’objectif est d’aider ces obèses, tout comme les alcooliques et les toxicomanes, à retrouver le chemin de l’emploi afin qu’ils puissent bénéficier de la satisfaction, du sentiment d’« accomplissement » qu’apporte une vie réussie, et ne plus faire le » choix « délibéré de l’assistanat. Dans le même temps, il propose de réduire le plafond d’allocations dont peut bénéficier une personne à 23.000 £ par an, toujours avec l’objectif de réduire les coûts de l’Etat-nounou et de mettre fin à l’« injustice » de faire payer les contribuables « qui travaillent dur » pour ceux qui refusent d’essayer de se sortir de leur ornière.
La proposition pose quelques problèmes, tout de même, directement liés à la socialisation de ce qui relève, au fond, de l’action caritative. Le Royaume-Uni a l’un des systèmes d’assurance maladie et d’allocations les plus étatisés au monde, dont le coût exorbitant va de pair avec de multiples insuffisances de toutes sortes – et l’atteinte aux libertés. Ce qui se conçoit dans le champ de l’autorité paternelle ou parentale se transforme en tyrannie lorsque le pouvoir devient l’apanage d’un organisme anonyme et technocratique.
L’ordre moral, nouvelle manière : les allocations comme levier de pouvoir
Est-ce à l’Etat de punir la paresse ou un défaut de volonté ?
Les obèses vont-ils devoir se soumettre à des injonctions diététiques de l’Etat ? A l’heure des « cinq fruits et légumes par jour » – recommandés avec la même insistance au Royaume-Uni qu’en France – et des capacités croissantes de surveillance de Big Brother, cela risque d’être le premier pas vers un suivi tatillon de toute notre alimentation.
Il n’y en effet aucune raison de s’arrêter en si bon chemin. Lorsque l’Etat gère un système complexe et coûteux d’allocations, il faut s’attendre à ce qu’il en centralise et déshumanise le contrôle. Les obèses sont faciles à pointer du doigt. Mais demain ? Pourquoi ne pas priver d’allocations, puis de soins les fumeurs, ceux qui ne mangent pas la quantité recommandée de fruits et légumes, ceux qui méconnaissent les recommandations « vertes » sur la consommation de viandes, ceux qui n’ont pas fait leurs 20.000 pas dans la journée ?
Les obèses menacés… pourquoi pas d’autres
En attendant, les choix idéologiques qui gouvernent ce type de menaces ne sont que trop visibles : il est clair qu’ils ne résultent pas d’un réel souci du bien-être des obèses, des toxicomanes ou des alcooliques. Sans quoi il y aurait des messages permanents pour mettre en garde les hommes homosexuels contre les risques de maladie liés à leurs pratiques sous peine d’arrêt des aides et des allocations, un discours officiel sur l’importance de la chasteté pour éviter les « grossesses non désirées » (au contraire, on rembourse les contraceptifs qui favorisent la promiscuité), et pourquoi pas des commissions de prévention du divorce, qui est à lui seul un des plus importants facteurs de mal-être social que nous connaissions.