« Les chrétiens : les plus persécutés dans le monde » : c’est le thème d’un congrès qui s’est tenu à l’initiative des pères de l’Ordre de Notre-Dame de la Merci, avec la participation de Mgr Marayati, archevêque arménien d’Alep et du cardinal Leonardo Sandri, préfet de la Congrégation des Eglises orientales.
La persécution jusqu’à la mort rappelée par ce colloque
Ce dernier est revenu sur les situations dramatiques de la Syrie et de l’Irak : après avoir rappelé que nombre de chrétiens qui y sont morts pour leur foi, le cardinal a évoqué tous ceux qui sont encore enlevés et dont les familles et amis demeurent sans nouvelle. Parmi eux, les évêques syro-orthodoxe et grec-orthodoxe d’Alep, disparus depuis de très longs mois. « Ils sont tous prisonniers en haine de la foi, ou réduits à être monnaie d’échange » a insisté le cardinal Sandri.
Un exode dramatique des Chrétiens depuis des années en Irak, et plus récemment en Syrie
Le cardinal a également évoqué le sort terrible des millions de réfugiés syriens qui se sont enfuis vers les pays voisins, notamment le Liban et la Jordanie. En Jordanie, les chiffres officiels font état de 211.000 réfugiés dans les camps et 610.000 qui n’en dépendent pas.
Sœur Hanan Youssef, religieuse libanaise de passage en France à l’occasion de la Nuit des Témoins organisée par l’Aide à l’Eglise en Détresse, gère un centre de soins médicaux dispensant des premiers soins, vaccinant les enfants, suivant les grossesses des femmes, assurant un service social et mettant à disposition des psychologues et des psychiatres. Sœur Hanan se félicite que les médias parlent davantage de l’exode des chrétiens irakiens et syriens depuis l’arrivée de l’Etat islamique, mais rappelle la réalité : les premiers chrétiens irakiens à avoir fui leur pays sont arrivés au Liban vers 2007-2008. Depuis le début de la guerre en Syrie, en 2011, elle a vu arriver les chrétiens syriens avant les nouvelles vagues d’Irakiens arrivées à partir de l’été 2014…
Le cardinal Sandri évoque l’esclavage des fillettes dans les camps de réfugiés
Dans certains camps, l’esclavage est devenu un moyen comme un autre de gagner de l’argent : des jeunes filles sont vendues par leurs familles, pour quelques centaines de dollars, et destinées au mariage. L’occasion pour le Cardinal d’interpeller tous les responsables, au-delà des parents : « Mais combien est plus grande la responsabilité des parties qui persistent dans la violence, celle-là même qui engendre et alimente le trafic d’armes, et celui plus aberrant des personnes, surtout les femmes et les enfants. »
En Irak, la situation est mieux connue car mieux médiatisée : le drame des minorités chrétiennes et yézidies, chassées de leurs maisons et villages par l’Etat islamique, tuées ou contraintes à la conversion est désormais connu. Tous ont fui vers le Kurdistan et pensent déjà à quitter la région : leurs pasteurs les comprennent, mais refusent encore d’imaginer un Moyen-Orient sans chrétiens.
Sœur Hanan Youssef explique que les réfugiés irakiens n’ont plus aucun espoir de revenir dans leur pays, contrairement aux Syriens. Elle lance un appel aux chrétiens occidentaux : « Ne nous oubliez pas ! ». Mais c’est tout l’Occident qu’elle interpelle : « Cessez de vouloir vider le Moyen-Orient de ses Chrétiens, c’est notre terre et nous avons le droit d’y exister. »
Le cardinal Sandri appelle l’Occident à vaincre l’esclavage des cœurs tièdes
Le cardinal a également appelé à vaincre l’« esclavage culturel dont la lecture de l’Histoire se fait à travers le prisme de stéréotypes idéologiques » : « Il est de coutume de souligner la présence d’intellectuels arabes ou juifs au sein des cours occidentales du Moyen-Age, ainsi que leurs inestimables contributions à la culture humaniste européenne. Il est plus rare toutefois d’évoquer l’inverse ! Comme la présence de Jean Damascène, chrétien, qui fut conseiller de la cour omeyyade, ou encre le travail des moines syriaques qui traduisirent du grec vers l’arabe, les œuvres d’Aristote. »
Le cardinal Sandri a profité de son intervention pour secouer l’Occident : « Je pense à l’esclavage d’un cœur tiède, et replié sur lui-même, tandis que nos frères chrétiens en Syrie et en Irak, fragiles et sans défense, restant fermes dans la profession de leur foi en un Dieu unique, qui a envoyé son Fils pour nous sauver, nous disent, ainsi qu’à l’Occident, où souvent la foi est perçue et présentée comme une sous-culture, que l’amour de Dieu est réel ».