Le pape François a célébré dimanche le 100e anniversaire du « génocide » arménien, en propres termes, en évoquant à son propos le « premier génocide du XXe siècle ». Cette déclaration a provoqué une vive réaction des autorités turques, qui ont, d’une part, convoqué le nonce apostolique du Vatican en Turquie pour lui transmettre une protestation officielle, et, d’autre part, rappelé pour consultations leur ambassadeur au Vatican.
On souligne, ici et là, dans la presse que c’est la première fois qu’un pape prononce publiquement le mot de « génocide » à propos du massacre des Arméniens. En réalité, comme le souligne le pape dans son discours, son prédécesseur, le pape Jean-Paul II, avait déjà utilisé ce terme, et l’expression « premier génocide du XXe siècle », en 2001, dans une déclaration écrite communément avec le primat de l’Eglise apostolique arménienne, Guaréguine II Nersissian.
Le Vatican et le génocide arménien
On sait que le pape François avait déjà utilisé le terme lors d’une audience privée accordée à une délégation arménienne en 2013 – privée, mais qui avait déjà provoqué la réaction d’Ankara.
Cette fois encore, plus encore peut-être, les autorités turques ont réagi. Le nonce apostolique à Ankara a ainsi été convoqué au ministère turc des Affaires étrangères. Et le ministre Mevlüt Çavuşoğlu a observé par ailleurs : « Les lieux de culte ne sont pas des endroits où l’on incite à la haine et à la vengeance, sur la base d’accusations sans fondement. » On a beau lire et relire le propos papal, on ne voit pas où en tirer une incitation quelconque. Quant aux accusations sans fondement, on doute qu’Ankara ait jamais une autre vision de l’histoire que celle qui prévaut actuellement. Il est vrai que, comme Erdogan s’était permis de le faire remarquer à Hollande qui le titillait sur l’Arménie, que celui-ci commence par s’occuper de la Vendée, on en reparlera après…
Dimanche donc, les autorités turques ont dit au nonce apostolique avoir été « profondément désolées et déçues » par les déclarations du pape, en évoquant un « problème de confiance » dans les relations entre Ankara et le Vatican.
Le pape proclame un nouveau Docteur de l’Eglise
Cette brouille diplomatique cache que ce discours était prononcé à l’occasion de la proclamation de saint Grégoire de Narek comme docteur de l’Eglise, en présence de Sa Béatitude Nerses Bedros XIX, patriarche de Cilicie des Arméniens catholiques, mais aussi de Sa Sainteté Karekin II, patriarche suprême et Catholicos de tous les Arméniens et de Sa Sainteté Aram Ier, Catholicos de la Grande Maison de Cilicie.
En cette occasion particulière, le pape a précisé que « faire mémoire de tout ce qui est arrivé est un devoir, non seulement pour le peuple arménien et pour l’Eglise universelle, mais aussi pour toute la famille humaine, afin que l’avertissement qui vient de cette tragédie nous évite de retomber dans des horreurs semblables qui offensent Dieu et la dignité humaine ».
François le Luc