A Haïti, pour la première visite officielle d’un président français, François Hollande a promis que la France s’acquitterait d’une « dette morale » envers le pays qui l’accueillait. En cause, la question de l’argent versé par le pays à la France en 1825 en dédommagement des biens perdus pendant la révolte qui mena à l’indépendance.
« On ne peut pas changer l’histoire, mais on peut changer l’avenir », a déclaré le président de la République française lors d’une cérémonie sur la place du Champ de Mars, en présence de son homologue Michel Martelly. Le président haïtien a déclaré, pour sa part, que les 150 millions de francs-or payés sous Charles X (et jusque vers le milieu du XXe siècle), soit quelque 18 milliards d’euros, constituaient une « grave injustice » qui a empêché Haïti de se développer aussi vite que d’autres pays.
Cependant, a-t-il poursuivi, « notre pays a besoin de services plus que de toute somme d’argent ».
François Hollande à Haïti
A quoi François Hollande a répondu que la France dépenserait 130 millions d’euros au cours des cinq prochaines années dans des projets de développement en Haïti, dont 50 millions d’euros pour l’éducation.
Le président français a, par ailleurs, encouragé le pays à la pratique de la démocratie, « indispensable au développement d’Haïti » ; et fleuri la statue du révolutionnaire Toussaint Louverture.
Il n’empêche que le propos de François Hollande sur une dette « morale » a provoqué quelques couacs. « Hollande. L’argent oui, morale non », ont scandé des manifestants sur le passage du président français.
Si l’expression était moins diplomatique que celle du président haïtien, il va de soi que la réflexion est la même. Les Haïtiens n’ont que faire des réflexions de François Hollande sur la démocratie, alors qu’il leur paraît être le successeur de ceux qu’ils dénoncent comme des spoliateurs.
Au-delà de la question de l’argent, il y a, bien sûr, celle de l’esclavage qui, selon certaines réactions, et peut-être dans l’esprit de François Hollande, pourrait constituer une part de la base de cette dette « morale ». On a même pu lire, ici ou là, quelques réflexions sur la responsabilité des chrétiens en cette affaire.
C’est oublier un peu vite que, si, selon l’observation de saint François de Sales, partout où il y a des hommes il y a de l’hommerie, l’Eglise a toujours condamné la pratique de l’esclavage. D’aucuns mettent en avant le fait que certains religieux, lors de la célèbre controverse de Valladolid, se seraient prononcé dans un sens différent. Mais ce qui était alors en cause étaient la volonté de lutter contre les sacrifices humains dont la pratique était courante chez nombre de peuples qui allaient devenir des colonies. En se posant la question – et en s’opposant sur cette question – de la nécessité de les convertir, et des moyens de le faire, les religieux en cause ne mettaient pas en doute la nature des peuplades qui étaient découvertes, mais leurs procédés infâmes et diaboliques…
Dette pécuniaire, dette morale
En revanche, on notera que certains grands hommes dont on nous rebat continuellement les oreilles avaient, eux, une conception méprisante de ces peuples. Ainsi Voltaire, évoquant cette question, tant dans son Dictionnaire philosophique que dans le Traité de métaphysique ou l’Essai sur les mœurs, est-il convaincu de la supériorité de certains hommes sur d’autres, et de la licéité de l’esclavage. Il observe d’ailleurs que les vendeurs sont d’ailleurs les premiers à condamner, parce qu’ils vendent leurs propres enfants.
De fait, on observera que, si cela n’exonère pas les autres esclavagistes, nombre de roitelets africains ont vendu – et vendent peut-être encore… – leurs propres sujets à des esclavagistes, souvent arabes. Il est vrai que le Coran explique à de nombreuses reprises la façon de traiter les esclaves – souvent fruit des rapines et de la guerre ; il faut donc bien qu’il y en ait…