C’est la dernière ligne droite pour les négociations nucléaires iraniennes menées par les États-Unis : la date butoir du 30 juin est censée mettre fin à près de deux années de négociations houleuses visant à restreindre le programme nucléaire de l’Iran en échange d’allégement des sanctions. Pourtant, l’Iran ne donne pas l’impression de céder aux injonctions occidentales. Et aux États-Unis le scepticisme s’accroît ; des experts, anciens conseillers et diplomates, s’inquiètent aujourd’hui ouvertement, dans une lettre, d’un accord « faiblard » qui n’offrît aucune garantie réelle. L’administration Obama persiste – mais dans quel but ?
L’Iran fidèle à lui-même
Si les négociations internationales peuvent se prolonger au-delà de la date-butoir initiale du 30 juin, « on en sera proche », vient de déclarer un responsable américain. Aujourd’hui même, John Kerry s’est rendu à Vienne pour participer à la phase finale des tractations entre l’Iran et les grandes puissances réunies au sein du groupe 5+1 (États-Unis, Russie, Chine, France, Royaume-Uni et Allemagne). Garantir que le programme nucléaire de la République islamique sera uniquement civil, en échange d’une levée des nombreuses sanctions internationales qui entravent depuis 2005 l’économie iranienne, tel est son objectif.
Pourtant, l’Iran n’a pas vraiment donné des signes d’encouragement… Début juin, l’Ayatollah Mohammad Ali Movahedi Kermani a souligné que l’accord nucléaire était « beaucoup plus indispensable aux États-Unis qu’à l’Iran ». « L’autorisation ne sera donnée à aucun étranger d’inspecter les centres militaires et sécuritaires du pays, ni d’interroger les savants et élites atomistes de l’Iran (…) Le peuple iranien ne se soumettra pas aux sanctions et aux menaces. » Et le 23 juin dernier, le Guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei a réaffirmé, avec virulence, ces « lignes rouges » iraniennes.
Les États-Unis soufflent le chaud et le froid
Côté international, on se pose des questions. Et l’opinion américaine est traversée de semblables hésitations. D’autant plus que les États-Unis soufflent le chaud et le froid dans cette affaire et que l’administration Obama veut à tout prix voir advenir cet accord. Le secrétaire d’État américain John Kerry avait déclaré, il y a dix jours, que les États-Unis n’étaient « pas obnubilés » par les activités nucléaires passées de l’Iran, expliquant que Washington savait déjà de quoi il retournait et privilégiait l’avenir. Devant l’indignation, il a téléphoné ces derniers jours à son homologue iranien, Mohammad Javad Zarif, pour lui réaffirmer que l’Iran devait répondre aux questions sur les motivations de ses recherches passées dans le domaine de l’atome s’il voulait conclure un accord global sur son programme nucléaire…
De même, hier, dans son rapport annuel mondial sur les droits de l’Homme, les États-Unis n’ont pas manqué de fustiger l’Iran pour ses graves restrictions des libertés fondamentales telles que la liberté de rassemblement, la liberté d’expression et de religion, ainsi que la liberté de la presse ; dénonçant également ses tortures et ses exécutions illégales. Mais, cela doit rester « sans rapport » avec les discussions sur le nucléaire…
Cinq anciens conseillers d’Obama signent une lettre ouverte contre l’accord nucléaire
Il semble que les États-Unis pratiquent autant la diplomatie avec les irano-sceptiques qu’avec l’Iran… Car c’est un fait, le sénateur républicain John McCain le dit, « il y a un énorme scepticisme au sujet de cette affaire ».
Et la lettre ouverte publiée sur le site Web de l’Institut de Washington est là pour le signifier haut et fort. Signée par 18 anciens fonctionnaires et experts américains, dont cinq anciens conseillers du premier mandat Obama – dont l’ancien général de l’armée américaine David H. Petraeus –, elle affirme que l’accord prévu « n’empêchera pas l’Iran d’avoir une capacité d’armement nucléaire ». Parce qu’elle n’inclut pas les inspections de bases militaires iraniennes, qu’elle ne limite pas le développement de leurs centrifugeuses avancées ; parce qu’elle ne conditionne pas l’allègement des sanctions à sa mise en conformité nucléaire, ni ne prépare de nouvelles sanctions dans le cas de non-respect des accords…
« L’accord ne prétend pas être une stratégie globale à l’égard de l’Iran. Il ne traite pas du soutien de l’Iran aux organisations terroristes (comme le Hezbollah et le Hamas), de ses interventions en Irak, en Syrie, au Liban et au Yémen (son « hégémonie régionale »), de son arsenal de missiles balistiques, ou de l’oppression de son propre peuple. L’administration américaine a donné la priorité des négociations pour faire face à la menace nucléaire ».
Mais une priorité jusqu’à quel point ? Et l’objectif est-il seulement nucléaire ? Il ne semble pas. L’ancien secrétaire à la Défense, William Cohen, qui a servi pendant le second mandat de Bill Clinton a déclaré, mercredi, que si l’intention du président Obama était peut-être d’arrêter la prolifération nucléaire, les termes de l’accord en cours avec l’Iran rendait cette même prolifération nucléaire plus que probable…
La dernière carte pour le Congrès ?
Alors les irano-sceptiques ont, bien sûr, pour eux la loi dite Corker-Menendez qui a arraché à la Maison Blanche, en avril dernier, l’approbation d’un mécanisme pour que le Congrès, en cas d’accord final fin juin, ait son mot à dire sur son contenu (pour éventuellement « stopper un mauvais accord »). Le texte impose en effet à Obama un délai d’attente entre la signature de l’accord final et la levée des sanctions américaines adoptées ces dernières années par le Congrès. Pendant 30 jours, le Congrès pourra approuver l’accord ou le bloquer. En cas de résolution de blocage, Obama aura 12 jours pour opposer son veto, un veto que le Congrès aurait ensuite 10 jours pour surmonter par un nouveau vote à la majorité des deux tiers. Ce qui semble – c’est là qu’est l’os – peu probable.
La vraie question est : que cherche Obama dans son hallucinante obstination à trouver un accord avec l’Iran ? Il sème le trouble en Europe – c’est sans doute le moins grave pour les Etats-Unis –, dans l’opinion américaine, mais surtout chez ses alliés traditionnels au Moyen-Orient, comme l’Arabie saoudite et Israël. La Maison blanche a annoncé que les présidents américain Barack Obama et russe Vladimir Poutine s’étaient entretenus jeudi au téléphone sur le Moyen-Orient et le nucléaire iranien. La suite au prochain numéro.