Technologie et robots : le Forum économique mondial (Davos) annonce la fin du travail tel que nous le connaissons, et la fin de la classe moyenne

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Le Forum économique mondial vient de publier un article de Jean Pisani-Ferry, conseiller au Plan pour le gouvernement français, qui annonce la fin du travail tel que nous le connaissons. Technologie et robots sont là, et leur emprise croissante permet de penser que le monde du travail en sera profondément bouleversé, affirme-t-il. Tout en rappelant que la plupart des avancées technologiques ont permis le développement de nouveaux métiers et la création d’emplois, il ne cache pas combien les robots vont rendre obsolètes certaines professions qui peuvent parfaitement être mécanisées grâce à l’informatique. Ce sont les métiers exercés par la classe moyenne qui sont les plus menacés.
 
Le Forum économique mondial, faut-il le rappeler, est l’organisateur des réunions jadis très secrètes de Davos et qui aujourd’hui reçoivent une publicité très calculée.
 

Le Forum économique mondial offre une tribune à Jean Pisani-Ferry pour annoncer la fin du travail traditionnel et de la classe moyenne

 
Les tâches routinières seront les premières affectées. Pisani-Ferry prévoit une hémorragie particulière parmi les employés et les professionnels qui font du traitement de données : les comptables par exemple. A l’inverse, les « créatifs » ou les soignants pourraient prospérer et voir leur productivité augmenter grâce aux nouvelles techniques – il cite les chirurgiens ou les coiffeurs.
 
« Les bouleversements qui en résulteront dans la structure du marché du travail pourraient être au moins aussi importants que le nombre d’emplois affectés. Les économistes qualifient de “polarisation de l’emploi” l’issue la plus probable de ce phénomène. L’automatisation crée des emplois de services en bas de l’échelle des salaires, et augmente la quantité et la profitabilité des emplois en haut de l’échelle. Mais le milieu du marché du travail en sera vidé », écrit-il.
 
L’article publié par le Forum économique mondial estime qu’on a vu cette tendance s’installer aux Etats-Unis il y a plusieurs décennies, et qu’elle se constate maintenant en Europe. « Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, la classe moyenne a constitué la colonne vertébrale de la démocratie, de l’engagement social et de la stabilité ; ceux qui n’y appartenaient pas pouvaient de manière réaliste aspirer à la rejoindre, ou même croire qu’ils en faisaient partie, lorsque ce n’était pas le cas. Au fur et à mesure que les changements du marché du travail détruisent la classe moyenne, une nouvelle ère de rivalité des classes pourrait se déclencher (si ce n’est déjà fait) », prévient Jean Pisani-Ferry.
 
Le rôle des classes moyennes pour maintenir la stabilité d’une société n’est pas une découverte nouvelle : Aristote l’évoquait déjà. Les choix actuels ouvrent (délibérément ?) la voie à une paupérisation généralisée, mais aussi à des situations propices aux changements révolutionnaires. Les « sauts qualitatifs brusques », dirait le marxisme.
 

Technologie et robots vont bouleverser le monde du travail en détruisant les emplois des classes moyennes

 
En acceptant aveuglément ces changements nés de la technologie, on fait donc le lit d’une société éclatée, une « dissociété ».
 
Les nouvelles plateformes digitales participent aussi de cette révolution, selon l’auteur. Uber – qui vend des courses de voitures et les évaluations des clients – fait partie de ces nouvelles formes de consommation qui transforment le travail en « valeur marchande », soumise aux fluctuations du marché. Illégale aujourd’hui, une telle entreprise sera acceptée demain parce que le cadre du droit du travail changera, assure Pisani-Ferry.
 
Les plus créatifs échappent à ce marché des salaires et des services vendus au prix du marché, en créant à leur sortie de formation de nouvelles entreprises où les risques pris aujourd’hui pourraient s’avérer très lucratifs demain – au détriment du classique contrat de travail et de l’imposition annuelle du revenu qui s’avérera moins intéressante, selon l’auteur.
 
Mais on peut prévoir la multiplication des laissés pour compte dans ce système qui apparaît comme inéluctable.
 
Il faut donc « repenser les institutions et les pratiques basées sur les contrats de travail traditionnels », et notamment les cotisations sociales, afin de maîtriser ces « transformations technologiques pour le bénéfice collectif ».
 
Autrement dit, donner à chacun une part du gâteau ? C’est la promesse de tous les socialismes, et on n’a jamais vu que cela fonctionne…
 

Anne Dolhein