Au terme de sept ans d’enquête, deux mois de procès et sept jours de délibération, l’ancien courtier des banques UBS et Citigroup Tom Hayes, 35 ans, a été condamné lundi à 14 ans de prison par un tribunal britannique, pour avoir manipulé le Libor, le taux de référence interbancaire fixé à Londres). La condamnation de Tom Hayes représente une première dans cette affaire qui a entaché la réputation des banques et qui leur a coûté des milliards.
Le coupable travaillait pour UBS à Tokyo entre 2006 et 2009, avant de rejoindre Citigroup. D’après l’accusation, il était au centre de la manipulation du Libor appliquée aux transactions en yens. Au total, il aurait émis à lui tout seul 2.000 requêtes de manipulations pendant les trois années qu’il a passées dans la banque suisse.
Tom Hayes, condamné à 14 ans de prison, affirme avoir été transparent dans ses manipulations
« Ce procès a souligné que l’intégrité qui devrait caractériser l’univers de la banque fait totalement défaut », a déclaré le juge Jeremy Cooke qui a reproché à Tom Hayes d’avoir « joué un rôle moteur dans la manipulation du Libor ».
Tom Hayes est le premier à être condamné en raison du rôle central qui lui a tenu dans l’organisation des manipulations, bien qu’il ait eu pour complice des traders appartenant à de nombreuses banques : HSBC, JPMorgan, Deutsche Bank, Royal Bank of Scotland, Citigroup, Rabobank ainsi que dans les sociétés de courtages ICAP et RP Martin. Les manipulations n’avaient d’ailleurs par attendu Tom Hayes pour commencer, et plusieurs grosses banques et sociétés de courtage ont déjà été condamnées à payer plusieurs milliards de dollars de pénalités. Aucune d’entre elles n’a pourtant été poursuivie en tant que personne morale.
Diagnostiqué avec un léger syndrome d’autisme d’Asperger, Tom Hayes n’a pas cherché à nier dans un premier temps : il a affirmé qu’il était transparent sur sa volonté d’influencer les taux et que ses responsables étaient au courant de ses manipulations. Il avait d’abord accepté de témoigner en détail auprès de l’Office britannique de lutte contre la délinquance financière (SFO) en 2013, et avait reconnu son implication dans les manipulations. Mais l’ex-courtier avait finalement plaidé non-coupable avant son procès, en affirmant que ces pratiques étaient communes dans le secteur bancaire.
L’ancien courtier Tom Hayes est le premier à être condamné dans l’affaire des manipulations du Libor
Dans cette affaire de manipulation du Libor, Tom Hayes n’est sans doute pas le plus influent, mais il a été le premier poursuivi par la justice. Il n’est cependant pas le dernier puisque 21 autres personnes sont actuellement poursuivies aux Royaume-Uni et aux Etats-Unis pour les mêmes raisons.
Un deuxième procès aura lieu en Grande-Bretagne avant la fin de l’année et les autres suivront.
Tom Hayes est simplement le premier à subir, dans cette affaire, la lutte acharnée que mènent désormais les forces progressistes contre la haute-finance.
Cette lutte ne vise pas au hasard : les marchés des taux, concernés par cette affaire, sont parmi les plus importants au monde. Le Libor est en effet un taux interbancaire fixé à Londres qui sert de référence pour de nombreux produits financiers, des plus classiques aux produits dérivés complexes, en passant par les emprunts immobiliers aux particuliers, les crédits à la consommation, les prêts aux entreprises et aux autorités publiques.
En bref la lutte contre la haute-finance se poursuit, cette fois-ci contre l’une des manipulations les plus rentables qui soient pour elle puisque les manipulations du Libor concernent des produits financiers et des contrats s’élevant à 450 milliers de milliards de dollars.