L’Union européenne a averti jeudi la Catalogne que, si elle venait à faire sécession de l’Espagne, elle se retrouverait automatiquement en dehors de l’Union européenne – quitte pour elle à présenter une nouvelle demande d’adhésion. L’indépendance – qui qu’on en pense par ailleurs… – coûte cher !
La question était posée à la Commission européenne alors que, la semaine dernière, pour la Journée nationale de la Catalogne, qui se fête le 11 septembre et que certains indépendantistes verraient bien comme fête nationale d’une Catalogne indépendante, des centaines de milliers de personnes ont défilé à Barcelone pour soutenir les listes en faveur de cette sécession à la veille des élections régionales qui se tiendront le 27 septembre prochain. Parmi les banderoles déroulées par les manifestants, on pouvait lire : « L’indépendance est l’avenir » ; ou encore : « Adieu l’Espagne ! »
Entre indépendance et Union européenne
Margaritis Schinas, porte-parole en chef de la Commission, a rappelé la position constante de Bruxelles à ce sujet : « Si une partie d’un Etat-membre cesse de faire partie de cet Etat, parce que ce territoire devient un Etat indépendant, les traités cessent de s’appliquer à ce territoire. »
Pour le porte-parole de la Commission européenne, il s’agit là d’un simple mécanisme : « Une nouvelle région indépendante, du fait même de son indépendance, deviendrait un pays tiers par rapport à l’Union européenne, et pourrait alors poser sa candidature pour devenir un membre de l’Union. »
Exprimée pour la première fois par le président de la Commission Romano Prodi en 2004, au moment où l’Union accueillait plusieurs nouveaux pays d’Europe de l’Est, cette position a été ensuite régulièrement réaffirmée, y compris par l’actuel chef de la Commission, Jean-Claude Juncker, l’année dernière, à l’occasion du referendum sur l’indépendance de l’Ecosse.
L’Espagne avec la Catalogne
Pour l’heure, il s’agit tout de même là d’une position toute théorique. En effet, comme le souligne la Fundacion Alternativas, un think tank proche du Parti socialiste espagnol, l’actuelle sécession envisagée en Catalogne se ferait contre la volonté de l’Espagne, et serait, de ce fait, « contraire au droit européen » qui reconnaît l’intégrité territoriale des Etats-membres de l’Union : « Une déclaration unilatérale d’indépendance, faite en contravention avec la Constitution espagnole et aux traités, rend en pratique impossible le fait qu’une Catalogne hypothétiquement séparée de l’Espagne (…) puisse être admise dans l’Union européenne ni même entamer un processus de négociation avec la Commission européenne pour y être admise. » La fondation précise qu’il faudrait, en outre, l’unanimité du Conseil européen, et donc des Etats-membres, pour que cette procédure, si elle venait tout de même à être envisagée, puisse être déclenchée. On imagine mal, en l’espèce, ce qui pourrait alors inciter l’Espagne à donner son accord…
A l’heure actuelle, le premier ministre espagnol Mariano Rajoy a toujours refusé d’envisager un referendum sur l’indépendance de la Catalogne, en arguant qu’une question semblable sur l’unité du pays devrait être posée à l’ensemble des Espagnols.
La question ne se poserait d’ailleurs pas pour la seule question de l’Union européenne, l’Espagne étant, par exemple, un membre stratégique de l’OTAN. « Un territoire se séparant d’un Etat-membre de l’OTAN ne saurait rester automatiquement membre de l’Alliance », a ainsi déclaré au sujet d’une éventuelle indépendance de la Catalogne, un responsable de l’Organisation atlantique.
« Il lui faudrait suivre les procédures en place s’il voulait rejoindre l’Alliance », a-t-il ajouté, précisant que, là encore, cela ne pourrait se faire qu’avec l’« accord unanime » des actuels membres.
La Catalogne sans Madrid
Le chemin sera encore long, on le voit, pour une hypothétique Catalogne indépendante, avant d’intégrer le concert des nations. Il ne suffira pas pour y parvenir de s’emporter contre l’inertie madrilène, en soulignant, comme le faisait le leader indépendantiste Artur Mas au lendemain de la manifestation, que l’Etat espagnol « n’est pas à la hauteur du défi démocratique, en majuscules, proposé par la société catalane ». Ni en dénonçant l’« énorme myopie politique » de Madrid, qu’il accuse de « tourner le dos à la réalité ».