Un pape à Cuba ! Pour être originale, l’affiche n’a cependant pas produit le spectacle qu’on aurait attendu. François a célébré la messe dimanche matin devant des dizaines de milliers de fidèles réunis sur la place de la Révolution, au lieu même des « grand-messes » du castrisme, délivrant un message spirituel et politique, dont on n’est pas sûr de bien saisir à qu’il il s’adressait d’une part, et qui il pouvait bien convaincre.
Sur la place de la Révolution, habituellement ornée des portraits d’Ernesto Guevara et Camilo Cienfuegos, et devant les façades des bâtiments du gouvernement communiste, un portrait géant du Christ avait été déployé pour la messe papale. Il faut dire que le gouvernement de Raul Castro ne cachait pas sa satisfaction de cette visite du pape sur près de quatre jours.
François et Castro
Dans son homélie, le pape François a insisté sur le sens chrétien du service qui « n’est jamais idéologique. Il ne sert pas les idées mais les personnes. » C’est vrai, mais, en l’occurrence, l’affirmation, trop floue, comme souvent dans les discours du pape, peut être à double entente – et devenir ainsi faussée.
« Ne négligez pas le service de vos frères les plus fragiles pour des projets qui peuvent être séduisants, mais qui se désintéressent du visage de celui qui est à côté de vous », a-t-il poursuivi.
C’est sans aucun doute dans cette optique qu’il faut comprendre l’appel lancé par le pape, à son arrivée, invitant Washington et La Havane à « persévérer sur la voie de la réconciliation ».
Mais, en mettant en garde, très explicitement contre les dangers de la puissance et de l’idéologie, en tançant, dans une adresse au clergé, la richesse et en vantant la pauvreté, François avait sans doute à cœur de redonner une âme à une Eglise parfois en perte de vitesse.
Comment le comprendre, en effet, quand ce discours – et ces reproches – n’a l’air d’être qu’à usage interne, et que dans le même temps il semble chanter les louanges de Fidel Castro, auquel il a rendu visite ? L’entretien, et l’hommage appuyé, a effectivement de quoi surprendre. Comment les catholiques, comment les victimes de ce régime abominable peuvent-elles comprendre que le pape discute ainsi avec l’icône de tout ce qui s’oppose à l’Eglise, et dont la dictature communiste a quasiment détruit la pratique religieuse dans l’île ?
Cuba : les questions qui se posent
Comment peut-on comprendre que le pape de Laudato si’ discute environnement avec le révolutionnaire écologique le plus idéologique qui soit ?
Les catholiques doivent-ils le prendre pour ce que cela à l’air d’être : un relativisme qui est, dans les questions de dogme, l’expression de ce flou évoqué plus haut.
Alors même que, au cours de ce séjour, les dissidents étaient maintenus à l’écart, et pour certains arrêtés. Ainsi en a-t-il été notamment pour les Dames en blanc, ces épouses et parentes de dissidents emprisonnés. Berta Soler, dirigeante du mouvement, Miriam Leyva et Martha Beatriz Roque ont ainsi été retenues dans un commissariat plusieurs heures, et n’ont pu, de ce fait, se rendre à la nonciature où elles devaient rencontrer le pape.
Il ne semble pas qu’il y ait eu quelque interrogation du côté du Vatican. « Le Saint Père ne va pas changer quoi que ce soit à Cuba, a d’ailleurs souligné, avec une certaine lucidité teintée d’amertume, Berta Soler. Nous n’attendons pas grand chose de François parce qu’il vient ici pour discuter de sujets politiques entre Cuba et les Etats-Unis, pas pour résoudre quoi que soit. »
Est-ce cela que, effectivement, l’histoire devra retenir de ce voyage ?