Ambiance tendue, agitée même à La Courneuve, mardi, pour François Hollande, qui venait annoncer la création d’une l’Agence France entrepreneurs, destinée à coordonner l’aide aux entreprises dans les territoires dits fragiles. Autrement dit, en banlieue.
Théâtre habituel de l’abandon politique et de la violence, la banlieue était mardi l’objet de la préoccupation présidentielle. François Hollande est ainsi venu déclarer à La Courneuve que, à ses yeux, il n’y avait pas de distinction au sein de la République, et que tous les territoires, tous les quartiers, se valaient. « Il n’y a pas de quartiers perdus dans la République, pas une France périphérique à côté de la France des villes, a déclaré le chef de l’Etat. (…) Non, il y a une France dans laquelle l’égalité doit être assurée. »
A La Courneuve, François Hollande lance une Agence pour la banlieue
Très beau discours assurément, pour des gens qui, quoi qu’il dise, sont souvent des déshérités. Mais François Hollande était loin de se douter qu’il n’était pas attendu avec enthousiasme. Un cortège de personnes venues spécialement l’attendre (et non l’entendre) l’a effectivement copieusement hué. « Le changement, c’est quand ? On vit dans la misère à La Courneuve », a ainsi crié l’un d’entre eux. Tandis qu’une pancarte arborant l’emblème de la CGT accusait le gouvernement d’avoir abandonné les salariés, les ouvriers et les retraités.
« Je viens dix ans après ce qui s’était produit, ce drame terrible de Clichy, les émeutes qui avaient eu lieu », a déclaré François Hollande devant la presse. « On doit mettre de l’apaisement. On doit mettre aussi de la cohérence et de la solidarité. »
De fait, de dix ans à maintenant, il y a un énorme décalage. Un décalage d’au moins trois ans, correspondant à son arrivée à l’Elysée. Et même si, selon les services de la présidence, le chef de l’Etat a effectué une vingtaine de déplacements dans des banlieues populaires depuis le début de l’année.
Pour quel changement concret ? Pour l’heure, lancer l’Agence France entrepreneurs dotée de soixante millions.
Du concret, pas des discours
Bien. Et concrètement ?
« D’ici 2017, 10.000 entrepreneurs qui ont le potentiel pour créer des emplois et qui pour l’instant sont réticents à le faire (…) seront identifiés et appuyés pour leur premier recrutement », a répondu François Hollande.
Ah ! Et comment motivera-t-on ces entrepreneurs dont on nous dit qu’ils sont « réticents » ? En leur rappelant que 2017, c’est l’année de la prochaine élection présidentielle ? Mais cela, c’est effectivement l’effet d’annonce de François Hollande : je viens vous aider, pensez à moi en 2017. On doute pourtant que des patrons qui parviennent à faire encore vivre une entreprise aient très envie, eux, de voter socialiste dans dix-huit mois…
Alors ? Evidemment, l’expression présidentielle, cette identification qu’il évoque, peut aussi laisser supposer qu’on ne demandera pas leur avis aux dits entrepreneurs.
« Hollande on ne veut pas de toi ici ! »
Hollande peut pérorer ; multiplier les formules qui, contrairement à ce qu’il prétend, n’engagent à rien – sauf, sans doute, les électeurs.
« Mon devoir est d’assurer l’égalité de tous, dans tous les territoires. Il n’y a pas de quartiers perdus dans la République », lance-t-il encore.
A quoi les gens de La Courneuve répondent : « Hollande on ne veut pas de toi ici ! »
Le tort serait de croire qu’il s’agit d’un dialogue de sourds. Il n’y a pas de dialogue. François Hollande est déjà en campagne électorale. Et ses interlocuteurs (?) l’ont manifestement très bien compris.