Les ministres des finances de la zone euro ont déclaré lundi que la Grèce ne pourrait obtenir quelque versement d’argent destiné à la recapitalisation de ses banques que lorsque Athènes aurait mis en œuvre toutes les réformes requises. Aux abois, le gouvernement d’Alexis Tsipras s’est donc engagé à respecter toutes les conditions requises d’ici la fin de la semaine.
Le calcul est assez simple à faire ; la réalisation, c’est effectivement une autre paire de manches. Fin octobre, la Banque centrale européenne a établi, sans que l’on nous donne les détails précis de la démarche, que les quatre principales banques grecques avaient besoin d’un montant total de 14,4 milliards d’euros pour renforcer leur bilan, et pouvoir ainsi faire face à une éventuelle dégradation de la situation économique et financière.
Première remarque : tiens ! lorsqu’il s’agit de sortir des capitaux pour des sociétés bancaires grecques en détresse, on agite le spectre d’une crise qui, non seulement ne serait pas finie, mais au contraire risquerait de s’aggraver. Pourquoi alors nous vanter par ailleurs l’équilibre retrouvé (ou presque) grâce à l’Union européenne ; ou nous affirmer, au moins, que, sans elle, c’eût été pire ?
L’argent après les réformes
Quoi qu’il en soit, ces capitaux, s’ils sont finalement débloqués, auront deux origines. D’une part, certains investisseurs privés ; de l’autre, l’enveloppe que la zone euro tient en réserve pour ce type d’urgence. Mais celle-ci n’étant, pour l’heure, que de dix milliards, autant dire qu’elle est, en soi, insuffisante, et que, par ailleurs, elle va être sérieusement entamée…
Gênée aux entournures, Bruxelles n’entend pas lâcher un kopeck sans que ses exigences aient été préalablement honorées !
A l’heure actuelle, le principal point d’achoppement des discussions concerne le dispositif qu’Athènes doit mettre en œuvre afin de protéger les familles les plus exposées au risque d’être expulsées de leur domicile dans la mesure où elles sont incapables de rembourser leurs emprunts.
La motivation est évidemment honorable : personne n’envisage de gaieté de cœur de mettre une famille à la rue. Mais le discours est vicié à la base. On contraint un pays – en l’occurrence la Grèce, mais ce pourrait être n’importe lequel des autres Etats-membres – a mettre en œuvre des mesures d’austérité qui, sous le prétexte de redresser son économie, ruinent ses habitants ; et lorsque la situation devient irrespirable, on leur demande d’accélérer encore ces mesures, en prenant bien garde, bien sûr, de ne pas faire peser ces mesures sur les plus fragiles. A quoi correspond cette compassion pour les familles ? A faire démentir les rumeurs, désagréablement persistantes, selon lesquelles Bruxelles ruine les Européens ? A accélérer la socialisation du pays avec la complicité de la finance internationale ?
D’autant que cette considération nécessite d’envisager toutes ses ramifications. Alexis Tsipras a ainsi fait observer que les saisies, en ce domaine, sont un sujet politiquement sensible alors que la Grèce s’efforce de faire face à l’afflux de réfugiés étrangers sur son sol.
En Grèce, les difficultés s’ajoutent aux difficultés
Nous ne sommes donc plus dans la simple considération des familles ayant du mal à s’en sortir. Nous sommes de plein pied entrés dans les conséquences de la crise migratoire. Et là, tout devient plus logique. Bruxelles ne peut pas demander à ce que les mesures d’austérité économique aillent à l’encontre des migrants dont elle favorise l’entrée chez nous…
A Athènes, on glisse un risque d’extrême droite pour saupoudrer le tout, et on obtient un cocktail avec ce rien d’explosif qui devrait suffire à clamer les discussions de part et d’autre.
Mais ce qui inquiète bien plus Alexis Tsipras, c’est d’arriver à contenir les exigences de ses créanciers sur un certain nombre d’autres points : traitement des contribuables qui remboursent avec retard des arriérés d’impôts, taxe sur les écoles privées, tarifs minima des médicaments, etc.
Le choix est toujours le même : Bruxelles ou les Grecs ?
Car, malgré son retour aux affaires, son problème est toujours le même : contenter tout à la fois Bruxelles et ses électeurs.
Une formule que, malgré toutes ses tentatives, il n’a visiblement pas encore trouvée. Promettre que ce sera fait dans la semaine ressemble dès lors à un fameux coup de dés. Ou à la certitude de sortir tous les numéros gagnants du loto.
La réalité est qu’Alexis Tsipras essaye de gagner du temps. Il lui faut donner un peu plus à Bruxelles pour escompter recevoir l’argent dont il a besoin, tout en ne donnant pas davantage aux Grecs au bord du désespoir le sentiment d’être davantage lésés.
Sa seule petite chance d’y parvenir est que, dans l’état de délabrement généralisé actuel (politique, social, économique), une nouvelle secousse peut très bien passer inaperçue – au moins un temps.
Et, après tout, « crise » et « chaos » sont des mots grecs…