L’agence Reuters publie une longue analyse des parcours de plusieurs djihadistes qui ont semé la mort à Paris, le 13 novembre, avant de se faire exploser. Il y a eu des « possibilités multiples » de les arrêter, affirme l’agence, autant d’occasions manquées qui auraient pu éviter les attentats. Ou du moins, empêcher qu’ils ne soient commis par ceux-là ?
Brahim Abdesalam – celui qui s’est fait sauter au Comptoir Voltaire, a été arrêté en Turquie au mois de janvier et renvoyé en Belgique, la police turque ayant pris la peine de prévenir les autorités belges de son projet de se rendre en Syrie, selon une source turque. Interrogé à son retour, il a nié en bloc. Il a été remis en liberté tout comme son frère Salah, soupçonné d’avoir joué un rôle clef dans les attentats et qui reste aujourd’hui introuvable.
Ismaïl Omar Mostefai, fiché « S » en France, l’un des tueurs du Bataclan, a également fait l’objet d’un signalement de la police turque à Paris en décembre 2014 et en juin de cette année. Un responsable du gouvernement turc affirme n’avoir reçu de réponse qu’après les attentats.
Les kamikazes passés par la Syrie : on n’a pas su les arrêter malgré les alertes
Un quatrième attaquant, Sami Amimour ne s’est pas présenté aux contrôles hebdomadaires auquel il était soumis en France en 2013 quatre fois de suite avant qu’un mandat d’arrêt ne soit émis : entre-temps, il avait pu quitter le pays. Comme les autres membres du groupe, il a pu se mouvoir librement en Europe en raison de l’absence de contrôle aux frontières au sein de l’espace Schengen. On n’a retrouvé sa trace qu’un an plus tard, alors que son père a indiqué dans un entretien au Monde que le jeune homme était en Syrie et qu’il n’avait pas réussi à le convaincre de revenir.
Même s’il est difficile de pister les musulmans radicalisés et que les moyens sont insuffisants, concède l’article de Reuters, les « drapeaux rouges » ignorés dans cette affaire remettent en question la capacité européenne à répondre à la menace terroriste, perçue comme omniprésente. Avec un maillon particulièrement faible : la Belgique. Et un regret, exprimé par Europol : l’insuffisance du partage d’informations.
Les attentats de Paris auraient pu être prévenus en arrêtant les djihadistes
Reuters souligne que la menace va croissant du côté d’hommes et de femmes qui ont grandi en Europe, qui disposent de passeports européens et partent s’entraîner en Syrie : le ministère de l’Intérieur français estime leur nombre actuel à 500, parmi lesquels près de 300 sont revenus. En France, on parle de 1.400 personnes qui devraient être surveillées jour et nuit : c’est le nombre total d’officiers de sécurité qui peuvent se charger de telles opérations. Il en faudrait dix fois plus…
En Belgique, on compte presque autant de départs en Syrie pour s’y battre – quelque 350. Nombre sont revenus, qui s’ajoutent au « 400 à 500 » personnes « radicalisées » vivant en Belgique, selon les autorités. Pour nettement moins d’officiers de sécurité.
Abdelhamid Abaaoud, tué lors de l’assaut de Saint-Denis, est soupçonné d’être le « cerveau » de l’affaire. Bien connu des services de police, selon l’expression consacrée, il avait été pris lors d’un raid policier à Verviers, en Belgique, en janvier dernier, soupçonné d’avoir comploté en vue de kidnapper puis de tuer un officier de police. Un mois plus tard, il était interviewé par l’Etat islamique et annonçait son retour en Syrie. Il est revenu en Europe par la suite – et les autorités marocaines ont prévenu Paris… après les attentats.
Les occasions manquées malgré les informations reçues
Bilal Hadfi, l’un des kamikazes du Stade de France, s’était rendu en Syrie en février. De nationalité française, il est revenu en Belgique où il a réussi à échapper aux autorités alors même que sa maison présumée était truffée de micros.
On sait aussi que Mohamed Amri, 27 ans, et Hamza Attou, 21 ans, ont assuré la fuite de Salah Abdeslam vers la Belgique. Leur voiture a été arrêtée trois fois par la police… Aujourd’hui, Abdesalam est soupçonné d’avoir pu gagner l’Allemagne en BMW après avoir mobilisé pour ainsi dire toute l’armée belge à sa recherche et mis Bruxelles au point mort.
Reuters pointe enfin la facilité avec laquelle des djihadistes ont pu regagner leurs bases à la faveur des flux de migrants vers les pays européens, profitant de la ruée pour passer les points de contrôle aux frontières sans être inquiétés.
Impéritie, manque de moyens, circonstances dont les politiques sont responsables : les djihadistes sont comme des aiguilles autour desquelles on aurait placé des bottes de foin.