L’affaire Verdier a son pendant outre-Manche, en la personne de Quentin Letts dont un documentaire qui ose quelques piques sur le changement climatique diffusé sur BBC Radio 4 a été censuré, effacé de l’« i-Player » de la radio, inaccessible, introuvable sur Internet. Le documentaire s’interrogeait sur l’utilité de l’Office météorologique britannique public. Sous le titre What’s the point of the Met Office, il donnait notamment – sur un ton léger – la parole à des personnes qui mettaient en doute la capacité de cet organisme public à faire des prédictions autrement qu’à très court terme. Cela a valu à Letts une verte réprimande de la part des « huiles » de la BBC, sous la pression du lobby de la lutte contre le réchauffement climatique.
Le programme de Quentin Letts a donc été supprimé du serveur de téléchargement à la demande, aussi certainement que Nikolai Yezhov a été effacé des photos prises aux côtés de Staline en 1940 pour être tombé en disgrâce, constate le réalisateur, amusé. Mais est-ce si drôle ?
Quentin Letts soumis à la censure pour avoir laissé railler le changement climatique à la BBC
Quentin Letts ne pensait pas à mal. Son programme relevait du « divertissement estival »… Mais la BBC Trust, qui supervise tous les programmes, a tout pris au tragique. Il est reproché au réalisateur de ne pas avoir montré « suffisamment de respect pour le changement climatique ». Une des personnes interrogées avait plaisanté par exemple en disant que le « Met Office » allait certainement réclamer davantage d’argent pour acheter de plus gros ordinateurs qui leur permettent de se tromper avec plus de précision ». Letts n’avait pas « rendu compte de l’opinion scientifique dominante » : lèse-majesté ! Il aurait dû expliquer davantage le « changement climatique »…
Pire : le réalisateur a fait l’objet d’un volumineux rapport l’accusant d’« avoir enfreint les règles d’impartialité de la BBC ». Curieuse impartialité.
Quentin Letts se défend, lui, d’avoir jamais contrevenu à la règle supposément imposée par la BBC lors de la définition du contenu du documentaire de « ne jamais aborder le sujet du dérèglement climatique », pour la simple raison que personne ne lui en avait parlé à ce moment-là. « Pourquoi donc un journaliste indépendant devrait-il accepter une telle restriction ? Pourquoi le changement climatique devrait-il faire l’objet d’une telle protection particulière ? », demande Letts, qui ne se définit même pas comme un climatosceptique.
Philippe Verdier, Quentin Letts : « l’impartialité », c’est d’interdire de parole les climatosceptiques
A la suite de cette affaire, les productions radio « Religion and ethics », qui a vendu l’émission à BBC Radio 4, ont dû faire suivre à ceux de leurs producteurs qui ne l’avaient pas encore fait un module de formation en ligne de la BBC Academy sur le reportage impartial. Où l’on apprend que ce module comprend une séquence importante sur les reportages sur le dérèglement climatique. Où l’on apprend aussi que toutes les émissions comportant des mises en cause des « points de vue scientifiques dominants » sur changement climatique doivent être placées sur une « liste à risque » dès l’instant où la BBC en passe commande. Dans le cas de Letts, personne ne s’était méfié.
Avant toute diffusion d’une émission, enfin, les producteurs vont désormais devoir remplir une fiche de conformité où ils répondront à la question de savoir s’il contient un point de vue personnel qui ne soit pas contredit par l’expression d’une opinion contraire, et devront expliquer comment, dans le cas d’une émission exprimant un point de vue personnel, ils y sauvegardent concrètement le principe de l’impartialité.
La BBC, le « ministère de la Vérité »
Cette affaire, tout comme l’affaire Verdier en France, pose la question de l’indépendance dans le traitement des sujets et celle de son corollaire, la censure. Ce n’est pas un hasard si George Orwell donnait dans son roman 1984 le nom de « ministère de la Vérité » à la BBC.