La vidéo diffusée par l’État Islamique est intitulée « See You in Dabiq », « A bientôt à Dabiq ». Un point de départ géographique à connotation historique et religieuse pour la grande offensive finale, à destination de… Rome, emblème des Occidentaux, des Croisés, des Chrétiens. Longue d’une quinzaine de minutes, avec des scènes redondantes et un nombre limité de combattants, elle n’en dégage pas moins un ton outrageusement guerrier et un message que devrait bien méditer un camp occidental devenu ou rendu sourd.
Nouvelle vidéo : « Brûler les armées croisées à Dabiq »
« Dabiq », c’est le nom de cette petite ville syrienne, près d’Alep, au nord-est de la Syrie, où la prophétie eschatologique islamique situe la bataille finale entre les forces du bien et celles du mal, l’ultime combat contre les Infidèles avant la conquête musulmane totale, la dernière confrontation avec les forces occidentales réunies.
L’État islamique a remis en lumière ce vieux hadith qui justifie, dès lors, l’advenance de toute la guerre de Syrie et de l’intervention internationale sur son sol. Selon ce dernier, un tiers des fiers guerriers d’Allah remportera la victoire. Il parle des 80 drapeaux de la coalition adverse, l’Etat islamique en montre à l’écran une soixantaine, parmi lesquels la Grande-Bretagne, la France, l’Australie, les États-Unis…
« Dabiq », c’est aussi le nom de la revue de l’État islamique qui divulgue tous les mois, en anglais, sa propagande accrue – un choix qui éclaire les objectifs réels et proclamés du Califat.
St Pierre de Rome en ligne de mire
Si le film, tourné a priori en Irak, fait assez amateur, avec des scènes resservies, peu de personnages, et une sauce grandiloquente – paradoxalement à l’américaine –, les cibles à atteindre sont visuellement déterminées et font froid dans le dos : Rome, le Colisée, St Pierre. Les monuments ont été numériquement découpés pour être replacés en plein désert, figurant le cataclysme final.
« Détruire les crucifix et asservir les femmes chrétiennes », tels sont les mots du narrateur, sur fond de chants islamiques. « Ceci est votre dernière croisade, la prochaine fois, c’est nous qui remporterons la bataille sur vos propres terres ». Il parle d’ailleurs de « vengeance ». Quoi d’étonnant, quand on avise tout le baratin médiatique occidental sur les Croisades… La fausse coulpe sert toujours à d’autres.
« Nous viendrons à vous » : la chute de l’Occident
Le drapeau noir et blanc de l’État Islamique est partout. Les images s’attardent presque exclusivement sur les troupes de choc (aux visages majoritairement cachés), les chars blindés, les djihadistes s’embrassant avant de partir se faire exploser, les exercices de formation comme celle de l’égorgement ou l’utilisation de fusils d’assaut…
On peut d’ailleurs se reposer cette question des armes. Bien sûr, il y a le pétrole qui génère pour l’Etat islamique des millions de dollars. Mais qui lui achète ?! Et qui lui vend ce matériel ?! Quand on entend Adam Szubin, le jeune sous-secrétaire américain du terrorisme et des crimes financiers, déclarer à la BBC que c’est Bachar al-Assad son principal client, on peut se permettre d’être dubitatif.
L’État islamique à la pointe du choc des civilisations prophétisé par Huntington ?
Une autre vidéo publiée la semaine dernière assurait que : « La France a été le début. Demain, ce sera Washington. Et New York et Moscou ». La supériorité morale et spirituelle de l’islam primera sur tout, surtout sur la civilisation occidentale dépravée…
On repense surtout à la théorie de Samuel Huntington, sur le caractère inévitable du « choc des civilisations », destiné – ça, il ne l’écrit pas – à voir se déchirer et se dissoudre les dernières identités culturelles, traditionnelles et surtout religieuses mondiales. Reste à savoir si cette confrontation a été favorisée, soutenue, exacerbée dans certaines régions du monde…. et par qui. Mais le résultat est là.
Dans ce monde multi-civilisationnel, Huntington écrivait qu’il faudrait, pour éviter toute guerre, s’abstenir d’intervenir chez le voisin et ne pas chercher à lui imposer ses idées, sa conception idéologique : l’Occident a clamé l’universalité des droits de l’homme, sa démocratie, et a fait le choix de l’intervention militaire… tout en appliquant chez lui un cosmopolitisme affaiblissant ses propres racines. La suite ?