Alors que l’ONU et de nombreuses ONG font pression sur les pays d’Amérique latine pour libéraliser l’avortement en raison d’un possible lien entre la prévalence de la microcéphalie et de l’épidémie du virus Zika, un biologiste vient de remettre en question les annonces alarmistes qui ont provoqué cet état de fait. Les « 4.000 » cas de microcéphalie annoncés (dont 709 ont d’ores et déjà été écartés) sont-ils vraiment exceptionnels ? Fernando Reinach a fait les comptes.
Le biologiste rappelle d’emblée qu’aux Etats-Unis, on compte chaque année 25.000 cas de microcéphalie. Sur une population de 320 millions de personnes, avec 3,9 millions de naissances par an, cela représente environ 0,6 % du total, soit 6 naissances sur mille. En transposant ces rapports aux chiffres de la population brésilienne – 204 millions d’âmes et 3 millions de naissances par an – on devrait, avec une prévalence similaire, enregistrer 19.250 naissances d’enfants microcéphales chaque année. En 2014, selon les statistiques du ministère de la Santé, il y en eut… 147.
« Mais où sont donc les 19.100 restants ? », interroge Fernando Reinach.
Il manque 19.100 cas de microcéphalie au Brésil
D’abord, tout dépend de la définition que l’on donne à cette affection, répond-il. En collationnant les mesures des périmètres crâniens et en les comparant, on peut établir une courbe de Gauss obtenue à partir des nombres de naissances avec tel périmètre, où le « microcéphale » sera celui dont les mesures du crâne se situent à une certaine distance de la moyenne observée : aux Etats-Unis, on retient les valeurs au-delà de deux écarts-types de la moyenne. Cette manière de calculer aboutit à ce qu’il y ait toujours un pourcentage équivalent de « microcéphales » puisque statistiquement il y aura toujours des enfants avec un crâne plus petit qui se retrouveront à l’extrémité du graphique, observe le biologiste.
Aux Etats-Unis, la valeur retenue pour la microcéphalie est de 33 cm, comme au Brésil : la proportion de 0,6 % des naissances est donc a priori transposable. Encore cela ne donne-t-il pas de renseignement sur la naissance à terme ou non, et les variations qui peuvent en résulter.
Les chiffres de la microcéphalie au Brésil ne sont pas exceptionnels
Si près de 20.000 « microcéphales » manquent à l’appel au Brésil, c’est qu’ils n’ont pas fait l’objet de données statistiques nationales : leur signalement n’était pas obligatoire. « Ils ont sûrement toujours existé – mais sans exister pour autant dans les statistiques du Système unique de santé. Aujourd’hui, la notification étant obligatoire, et avec la panique créée par le virus Zika, ils sont en train d’“apparaître”. Cette apparition peut correspondre à une réalité, elle peut avoir pour cause le virus Zika, mais elle peut relever d’une anomalie causée par un signalement insuffisant au Brésil », souligne le biologiste.
« Le très petit nombre de cas signalés les années précédentes fait qu’il est très difficile de savoir si le nombre de microcéphalies augmente vraiment à cause du zika », ajoute-t-il. Même les épidémiologistes de l’OMS se montrent méfiants à l’égard de la certitude affichée par le ministre de la Santé du Brésil, rappelle Reinach. C’est possible, mais l’absence de données fiables ces dernières années « va rendre difficile la solution du mystère ».
Le non signalement plutôt que le virus Zika responsable de l’« épidémie » ?
Le problème serait donc ailleurs. Le non signalement des microcéphales a sans doute fait que certains enfants qui auraient dû bénéficier de soins particuliers ne les ont pas reçus, observe Fernando Reinach. Comme lors toute mesure qui s’écarte beaucoup de la moyenne – poids, taille, périmètre crânien – il y a lieu à la naissance de rechercher la cause de l’écart.
L’examen des enfants qui ont un périmètre crânien de moins de 33 cm – le seuil retenu au Brésil – révèle que la plupart d’entre eux sont normaux et en bonne santé, que ce soit au Brésil ou aux Etats-Unis. « C’est exactement ce qui se produit en ce moment. Des plus de 4.000 cas identifiés ces derniers mois, près de 800 ont déjà subi les examens nécessaires et près de 75 % d’entre eux sont des enfants normaux », souligne-t-il. Les autres ont besoin d’une attention spécifique – mais faut-il rappeler que leur affection est de gravité très diverse ?
Bref, on semble très loin d’une « urgence de santé publique » comme l’a qualifiée l’Organisation mondiale de la santé. Le message est repris et amplifié par les médias. La solution qu’ils proposent est l’avortement libre de ces enfants vers la 32e semaine de grossesse. Tuer trois enfants sains pour être sûr de ne pas rater celui qui est effectivement atteint de microcéphalie ?