En choisissant de rencontrer Cyrille, patriarche de toutes les Russies, à Cuba, devant Raul Castro, le pape François a posé un acte révolutionnaire. La déclaration commune des deux pontifes montre que, derrière la volonté de réconciliation affichée entre catholiques et orthodoxes, au bénéfice de fort bonnes choses comme la défense de la vie ou des chrétiens d’Orient, se glisse une avancée nette vers le syncrétisme et la révolution mondiale.
Apparemment, on ne saurait dire que du bien de la rencontre à Cuba entre le pape François et Cyrille, patriarche de toutes les Russies. Si ce n’est pas la première entrevue entre un pape et un patriarche orthodoxe depuis le schisme de 1054 (Paul VI avait rencontré Athénagoras premier, patriarche de Constantinople dès 1964 à Jérusalem, et François a vu son successeur Bartholomée cinquante ans plus tard en Terre Sainte), c’est la première fois que le chef de l’Eglise universelle et le chef de l’église russe se parlent. Et ils disent des choses propres à rassurer tous les fidèles du monde. Notamment un appel commun en faveur des chrétiens d’Orient (paragraphes 8, 9 et 10 de la déclaration commune), des martyrs, de la tradition chrétienne de l’Europe, de la famille et de la vie (19, 20, 21). Comment ne pas souscrire à leurs paroles et ne pas les en remercier ?
Patriarche Cyrille : questions pour un champion du KGB
Mais si l’on prend garde que leur entrevue a eu lieu à Cuba en présence de Raul Castro, athée notoire, frère d’un dictateur communiste sanglant, et que le pape a récemment béni la Chine communiste sans la moindre réserve sur l’église chinoise officielle ni le plus petit mot sur les martyrs de l’église clandestine, on ne peut s’empêcher de se poser certaines questions. Pour commencer, sur la véritable personnalité du patriarche Cyrille de toutes les Russies. Le lieutenant général Ion Pacepa, chef des services secrets roumains et conseiller du président Ceausescu, a révélé qu’il s’agit d’un agent d’influence du KGB, comme d’ailleurs les deux autres métropolites sélectionnés pour participer à l’élection de 2009 au siège de patriarche de toutes les Russies. Il ne fait pas mystère de ses liens très étroits avec Vladimir Poutine. Il fut un membre influent du World Council of Churches, organisme regroupant la plupart des orthodoxes et de nombreux protestants fondé en 1948, qui fut pendant la guerre froide froidement manipulé par le KGB, selon l’historien Christopher Andrew, et qui depuis son neuvième congrès tenu à Porto Allegre en 2006 travaille main dans la main avec les altermondialistes.
Le christianisme exploité par le processus révolutionnaire
On ne peut donc pas s’empêcher de se demander s’il ne participe pas à son poste à une vaste entreprise d’exploitation de la religion par l’entreprise révolutionnaire, ce qui fut déjà le cas sous Staline au début de la grande guerre patriotique, et sous Gorbatchev à l’occasion de la célébration du millième anniversaire du baptême de la Russie. Le philosophe et sociologue russe Youri Levada a analysé dans une œuvre peu traduite l’utilisation systématique des religions pour inoculer la morale révolutionnaire à des milieux qui la refuseraient spontanément. On ne peut s’empêcher de se demander si le pape François et Cyrille, patriarche de toutes les Russies, ne sont pas entrés à Cuba dans un tel processus. D’autant que Sa Sainteté le pape François a été formé à la complexité par son appartenance à l’ordre des Jésuites, qu’il vient d’Amérique du Sud, terre où fut formulée la théologie de la libération, théorie marxiste se proposant de mettre les images et les mots du christianisme au service de l’idéologie révolutionnaire.
A Cuba, le pape François fait de la politique mondiale
Chacun aura noté le ton très politique de l’entrevue de Cuba. Les deux pontifes ont tenu à noter qu’ils se serraient la main « à la croisée des chemins entre le Nord et le Sud, entre l’Est et l’Ouest », dans une île « symbole des espoirs du Nouveau Monde », et « loin des vieilles querelle de l’Ancien Monde ». C’est une véritable déclaration de progressisme mondialiste. Il est frappant que le pape François ait préféré pour interlocuteur Cyrille, patriarche de toutes les Russies, qui représente de fait plus de la moitié des 250 millions d’orthodoxe, à Bartholomée, qui occupe le siège plus prestigieux de Constantinople mais n’a juridiction que sur 3,5 millions de fidèles. Cela étant, on posera sa loupe sur le paragraphe 17 de la déclaration commune des deux pontifes. Il établit clairement, en les plaçant sous les auspices de la charité et de la miséricorde, les trois points principaux de la doctrine révolutionnaire d’aujourd’hui. En quelques lignes, comme en passant, comme si le reste n’était qu’un excipient destiné à édulcorer ce principe actif.
Il justifie l’invasion en cours (« Nous ne pouvons rester indifférents au sorts de migrants et de réfugiés qui frappent à la porte des pays riches ») : c’est une obligation faite à l’Europe chrétienne de se laisser submerger par la vague musulmane. Il célèbre l’écologisme déjà professé dans l’encyclique Laudato Si (« La consommation sans limite que l’on constate dans certains pays plus développés épuise progressivement les ressources de la planète »). Il appelle à un socialisme mondial (« L’inégalité croissante dans la répartition des biens terrestres fait croître le sentiment d’injustice à l’égard du système des relations internationales qui s’est institué ») : c’est inviter le Nord à transférer ses richesses et ses savoirs vers le Sud.
De l’œcuménisme au syncrétisme révolutionnaire
La haute et sympathique figure du pape François, sa communication surprenante, son langage à la fois imagé et complexe, ses paroles qui peuvent tomber parfois comme une eau fraîche, rendent le processus extrêmement déroutant, et, il faut bien l’avouer, dangereux. Le fidèle, habitué aux enseignements clairs du bon pasteur, se perd dans tant de méandres, et son inquiétude croît encore plus quand on passe du temporel au spirituel. On se réjouit sans réserve de lire que le pape François et Cyrille, patriarche de toutes les Russies, exhortent les croyants à prier pour une « paix solide et durable », et les « gens de fois diverses de vivre en paix » au Proche Orient, mais on se gratte la tête devant le « dialogue interreligieux » qu’ils promeuvent : il semble bien, à lire le paragraphe 13, que les deux pontifes ne voient entre l’islam, le judaïsme et le christianisme que des « différences dans compréhension des vérités religieuses ». Si la rédaction n’a pas été trop rapide, ou la traduction fausse, on tomberait là en plein syncrétisme. Et ne peut-on craindre alors que la spiritualité propre au mondialisme révolutionnaire servi par la rencontre de Cuba ne soit le panthéisme écologiste ?