La Commission de Bruxelles veut la centralisation des demandes d’asile au sein de l’UE

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Les demandes d’asile en 2015 dans l’UE ont augmenté de 123% par rapport à l’année précédente.

 
C’est une nouvelle mise en cause de ce qu’il reste de souveraineté nationale des Etats membres de l’Union européenne. Au cours d’une réunion, fin février, du Conseil de la justice et des affaires intérieures, à Bruxelles, les ministres concernés ont abordé la question d’une réponse européenne commune face aux demandes d’asile – réponse qui passerait par une remise à plat totale des procédures et des lois existantes. La pression migratoire inédite justifie cette nouvelle initiative dont le Financial Times, qui en a révélé la teneur dimanche, souligne qu’elle sera prise par les partisans du Brexit comme un nouveau coup de force de la part des fédéralistes européens. Mais il n’est pas besoin d’être critique à l’égard de l’UE pour constater qu’il s’agit d’un projet de centralisation – encore un.
 
Dans le cadre actuel des demandes d’asile, fixé par le Règlement de Dublin, le réfugié dépose son dossier dans le premier pays de l’UE où il fait son entrée. Ce sont évidemment les « pays frontières » – et notamment ceux aux frontières maritimes de l’Union européenne, comme la Grèce et l’Italie – qui portent l’essentiel du poids de ces premières demandes.
 

La Commission de Bruxelles veut augmenter son pouvoir

 
Le système est déjà en train de céder, d’une part parce que ces pays frontaliers ont du mal à faire face, et d’autre part parce qu’Angela Merkel, en invitant les migrants à venir jusqu’en Allemagne au mépris des règles européennes en vigueur, a créé un appel d’air qui a également semé le chaos dans les pays traversés par le flot de « réfugiés ». De toute façon, le système actuel ne fait pas le poids face aux 1,3 million de demandes déposées en 2015. Un rythme qui semble devoir s’accélérer cette année…
 
Le Financial Times affirme avoir eu accès à des projets de réforme : il semblerait que l’une des principales options retenues soit celle de la centralisation de toutes les demandes vers le Bureau européen d’appui en matière d’asile : en clair, ce serait une officine de l’Union européenne, et non plus les pays membres, qui accueillerait et traiterait les demandes.
 
Pour l’heure, ce Bureau d’appui a un simple rôle de conseil : il se transformerait, si Bruxelles réussit à imposer son projet, en « agence fédérale » (le mot est du Financial Times) portant l’entière responsabilité des demandes d’asile et de leur traitement. Cela exigerait, au bout du compte, une modification du Traité de l’Union européenne, note le quotidien. L’urgence actuelle pourrait aboutir à une procédure à marches forcées…
 

Vers une nouvelle « agence fédérale » pour traiter les demandes d’asile dans l’UE ?

 
Le moment choisi par la Commission de Bruxelles pour proposer cette nouvelle captation de pouvoir tombe très mal pour David Cameron et tranche avec une certaine discrétion adoptée par l’exécutif de l’UE en vue du référendum britannique qui se tiendra avant l’été. Mais entre deux opportunismes, il faut savoir choisir ; la peur engendrée par le déferlement migratoire est un moment rêvé pour imposer des solutions impopulaires.
 
De la part de la Commission, c’est de toute façon une prise de risque très calculée puisque le Royaume-Uni bénéficie déjà d’un régime d’exemption pour les questions de justice et d’affaires intérieures qui lui éviterait de devoir s’intégrer dans un nouveau régime de la demande d’asile.
 
Cela dit, la remise à plat du système pourrait lui être défavorable puisque le Royaume-Uni bénéficie aujourd’hui d’aménagements qui disparaîtraient avec lui : aux termes du Règlement de Dublin, elle a pu transférer 12.000 demandeurs d’asile présents sur son sol vers d’autres pays de l’UE depuis 2003. Cette faculté lui serait interdite.
 

Centralisation des demandes d’asile, seule manière d’imposer des quotas de migrants

 
L’objectif réel d’un système européen centralisé est et demeure ce qui n’a pas pu être mis en place pour le moment en raison de la résistance des pays membres : la répartition des migrants selon un système de quotas.
 
Les propositions de Bruxelles vont actuellement dans deux directions. La première vise la redistribution d’autorité et selon des quotas des migrants à travers les pays de l’UE, quel que soit leur lieu d’entrée. Cela allégerait la pression sur les pays frontaliers mais leur donnerait aussi moins de raisons de surveiller leurs frontières et d’empêcher l’arrivée de clandestins. La deuxième option maintiendrait le statu quo, assorti d’une redistribution d’autorité selon un système de quotas en cas d’afflux lourd et subit.
 
Ce qui est sûr, c’est que le système actuel se heurte à l’opposition résolue de la plupart des pays de l’Union : alors que l’UE a mis en place un programme pilote visant à déplacer quelque 160.000 migrants ayant demandé l’asile en Italie et en Grèce, seules 700 personnes ont été « relocalisées » à ce jour.
 
Autrement dit : ce dont les pays de l’Union ne veulent pas, la Commission tente de le leur imposer par sa propre force centralisée.
 

Anne Dolhein