Sous un prétexte fumeux, Mathew Lee, journaliste de gauche et professionnel reconnu, vient d’être viré par l’ONU. La vraie raison : il a enquêté sur la corruption interne à l’organisation ; le scandale toucherait même Ban Ki Moon et son épouse. Une part de la presse américaine dénonce les contradictions et l’impunité de l’ONU.
A l’ONU, les droits de l’homme sont une revendication essentielle : pour les autres. Un médicament à usage externe. A New York, ses dirigeants ont un surnom : « le club des dictateurs ». Le scandale qui menace le temple mondial du droit a débuté d’une manière plus qu’anodine, ridicule. Le 19 février, Mathew Lee, reporter d’Inner City Press (ICP), journaliste chevronné accrédité depuis dix ans auprès de l’ONU au point d’y avoir son bureau et d’avoir été membre de la direction de l’UNCA, l’association des correspondants à l’ONU, reçoit une lettre signée Christina Gallach. Christina Gallach n’est pas n’importe qui, c’est la secrétaire générale adjointe chargée de la communication et de l’information du public. La dame informe le journaliste par ce courrier qu’en raison des « violations qu’il a commises contre les recommandations de l’ONU en matière de médias » il est viré. Et sans transition deux officiels peu amènes lui retirent son badge et le prient de déguerpir. D’après lui, ils auraient même pris son téléphone personnel, fouillé son bureau et jeté son ordinateur portable au sol.
Lee viré parce que la corruption touche le sommet de l’ONU
Les « violations » invoquées par Christiana Gallach ? Lee a essayé de couvrir sans permission officielle une réunion de l’UNCA dans la salle de presse de l’ONU. La réponse de Lee : « Il n’y avait marqué nulle part fermé, et la salle de presse de l’ONU doit être ouverte à tous les journalistes accrédités, pas à quelques privilégiés ». Derrière ce prétexte ridicule, les « whistleblowers », les lanceurs d’alerte dont l’Amérique sourcilleuse s’enorgueillit, et les fonctionnaires de l’ONU qui acceptent de parler sous couvert d’anonymat, estiment qu’on a viré Lee parce qu’il avait mis son nez dans un scandale de corruption interne à l’ONU. Le journaliste a en effet publié un article sur la corruption de l’UNCA par le milliardaire communiste chinois Ng Lap Seng. Ledit milliardaire a été accusé l’an dernier par le département de la justice américain de corruption sur la personne de hauts responsables de l’ONU, y compris un président de l’Assemblée générale.
L’ONU au-dessus des lois ?
Là où ça se complique, c’est que l’UNCA a organisé une séance de photo officielle pour le gentil milliardaire avec… le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki Moon. Et pour corser le tout, l’épouse de ce dernier s’est affichée au lancement de la Fondation pour un développement durable global, qui se trouve prise dans un énorme scandale de corruption que la justice américaine est en train de débrouiller. Cela fait beaucoup de corruption, et, pour Lee et ses amis, cela explique que Christiana Gallach n’ait pas eu envie qu’il mette son nez dans la salle de presse de l’ONU le jour où s’y réunissait l’UNCA.
Cette affaire met en jeu des principes sensibles aux Etats-Unis. D’abord la liberté du journaliste. Pour l’avocat Edward Flaherty, qui représente les « lanceurs d’alerte » observateurs de l’ONU et d’autres organisations internationales, « Lee est l’un des rares journalistes qui posent des questions dérangeantes, il l’a montré lors du scandale sexuel provoqué par le patron du HCR Ruud Lubbers voilà dix ans (…) Je suis dégoûté que l’ONU bafoue l’amendement Numéro Un. Que fait le State Department ? »
Tu es journaliste ? Pas de scandale !
L’inaction, ou l’aboulie, du ministère des affaires étrangères, c’est le deuxième point sensible : la souveraineté US face aux organisations internationales est menacée. Flaherty tempête dans la foulée contre les « abus d’immunité » dont se rendraient coupables les « officiels de l’ONU, spécialement à New York, Genève et Vienne ».
Mais le plus grave, pour les fonctionnaires anonymes qui dénoncent l’ONU, c’est que celle-ci suit une pente « dictatoriale » en éliminant tout journaliste qui fait son travail et secrétant une caste d’accrédités aux ordres que Lee surnomme les « lapdogs » (jeu de mot que l’on peut rendre par : les petits chiens d’appartement qui écrivent sur leurs portables ce qu’on leur demande). Lesquels racontent les belles histoires de bisounours, de développement durable et de droits de l’homme, sans jamais parler de la corruption, ni des viols en Afrique, ni du choléra en Haïti où l’ONU peut être concernée. Bref, une seule consigne en salle de presse : pas de scandale, sinon t’es viré !