Plusieurs faits récents viennent de conforter la thèse d’analystes de la vie politique chinoise qui voient Xi Jinping s’engager de plus en plus sur le chemin d’un culte de la personnalité à la manière de Mao. Le site catholique Asianews.it prend au sérieux cette volonté du président chinois de « devenir le Mao Zedong du XXIe siècle » – lui qui refuse toute réforme du Parti communiste chinois et qui n’envisage pas une seconde de se faire remplacer, ni même de songer à sa succession. En tout cas, pas avant 2027.
Xi Jinping cumule déjà les titres de président de la Chine, de secrétaire du Parti communiste et de président de la Commission militaire centrale. En décembre dernier, il s’est décerné un nouveau titre : « Cœur du leadership chinois ». C’est en tout cas ainsi que les médias d’Etat chinois le désignent depuis plusieurs mois. Dans la vie politique chinoise, le choix de ces mots est caractéristique des visées centralisatrice des dirigeants : à l’évidence, Xi Jinping veut concentrer le pouvoir entre ses mains.
Xi-Jinping cherche à asseoir son pouvoir sur le culte de sa personnalité
A 62 ans, Xi Jinping, à qui les rênes du pouvoir ont été confiées en mars 2013, ne perd pas de temps pour préparer son avenir avec la pleine complicité des organes centraux du Parti communiste chinois qu’il a manifestement cherché à mettre au pas. Les cadres du PCC ont été invités – par instructions officielles – à faire allégeance en promettant une « absolue loyauté » à l’égard de sa personne.
Les médias d’Etat ne sont pas en reste : Xi Jinping a appelé les journalistes « rester à l’unisson, au plus haut degré, avec les autorités centrales du parti en pensée, dans la politique et dans l’action ».
D’aucuns ont vu dans ces initiatives la marque d’une politique à la Mao, cinquante ans après le lancement de la Révolution culturelles (et son cortège de destruction et de massacres) ; d’autres pensent que ce nouveau culte de la personnalité vise avant tout à préserver la place de Xi à la tête de la Chine au-delà de la norme habituelle de dix à quinze ans.
La semaine dernière, les bureaux de la propagande ont largement diffusé des instructions de Xi Jinping à tous les cadres du Parti : ils doivent étudier un article de Mao Zedong de 1949 sur « Les méthodes de travail des comités du Parti ». Le Grand Timonier y encourageait les cadres à adhérer pleinement à la personne du chef « sans faire de commentaires derrière son dos ».
Comme Mao Zedong, le président de la Chine veut l’allégeance absolue
Voilà qui s’inscrit parfaitement dans la continuité des actes posés l’année dernière par Xi qui a fait détenir des responsables régionaux du Parti pour « critiques sans fondement » ou « déloyauté » à l’égard des instances dirigeantes centrales. Des accusations évidemment sujettes à l’arbitraire : mais face à un président qui est le « cœur du leadership », n’est-il pas normal de sanctionner ceux qui osent mettre en doute sa parole vivifiante ?
En Chine, il n’est pas inhabituel de voir le président encourager les cadres des médias à « aimer le Parti » et à « protéger le Parti », comme il l’a fait lors de son tour d’inspection des agences de presse et des médis nationaux en février dernier. Asianews observe cependant que cette classique glorification du Parti se double aujourd’hui d’une mise en avant personnelle : « C’est moi le boss et vous devez me servir. » Illustration : une jeune journaliste de CCTV raconte sa rencontre avec Xi à qui elle a serré la main – « Elle était charnue et particulièrement chaude… » On raconte que la jeune femme ne s’est pas lavé les mains jusqu’au soir.
La Chine du XXIe siècle est bien communiste, Xi Jinping respecte le modèle
Asianews penche pour l’idée selon laquelle Xi cherche à préparer une longue présidence. Par le culte de la personnalité qu’il encourage, il pourrait assurer le contournement de la tradition du Parti qui limite à 10 ans l’exercice du pouvoir suprême – c’était là l’une des réformes emblématiques introduites par Deng Xiaoping au début des années 1980 pour la présidence, mais le poste de Secrétaire général du Parti et celui de président de la Commission militaire centrale ne sont pas constitutionnellement sujets à pareilles limitations.
Les observateurs pensent en savoir un peu plus dans les mois qui viennent : Xi Jinping va-t-il favoriser la montée de cadres influents de « Sixième Génération », nés au cours des années 1960 et favorisés par ses prédécesseurs, pour s’inscrire dans la continuité, ou va-t-il rompre avec cette tradition pour choisir ses propres poulains ? Connus pour lui être dévoués, ces derniers ont la caractéristique commune de manquer de dimension et d’expérience – excellente manière d’assurer qu’ils ne prendront pas les places des actuels cadres de « Cinquième Génération » lors du 19e Congrès du Parti l’année prochaine. Ce qui permet de retarder le renouveau du pouvoir de cinq ans jusqu’au suivant, voire à celui de 1927, le temps de faire former les « Sixièmes » par les « Cinquièmes ».
La « clique » de Xi Jinping demeure à l’état embryonnaire aujourd’hui, assure Asianews – bien en deçà de ceux dont s’étaient entourés Jiang Zemin et Hu Jintao. C’est ce qui pourrait expliquer ses efforts pour préparer un long exercice du pouvoir, propice au rejet des réformes institutionnelles introduites par Deng Xiaoping afin d’éviter le retour aux normes maoïstes. Xi Jinping semble avoir au contraire l’ambition de devenir un nouveau Mao.