Marine Le Pen tempête, Cameron explique, l’argentin Macri réfute, mais les Panama papers les rendent tous suspects aux yeux de l’opinion : la peur de révélations sur leur argent est systématiquement utilisée comme un instrument de soumission des politiques, dans le cadre d’une mise au pas mondiale.
Mauricio Macri a réagi en homme d’affaire, comme le richissime entrepreneur qu’il était avant d’être élu président de l’Argentine en décembre dernier. Sa réponse est claire, formelle et technique : il n’a rien omis dans sa déclaration fiscale. Tout est en ordre du point de vue comptable et juridique. Pour lui, les révélations des Panama Papers le concernant tombent simplement à plat.
Cameron et Le Pen plus effusifs que Macri
Marine Le Pen, elle, a profité de l’accusation portée contre elle et le Front national par le Monde pour occuper la scène, et la jouer très affective, furieuse, même. Elle espère tirer avantage de rejeter ainsi toute apparence de soumission au système qui l’accable. Mais au bout du compte sa défense est semblable : le montage offshore qu’on lui reproche regarde un prestataire de service, et rien d’illégal n’a d’ailleurs été allégué.
Quant à David Cameron, il a été plus effusif, presque sentimental. Oui, a-t-il fini par reconnaître, il a détenu un moment quelques parts (5.000) dans le fonds que détenait son père aux Bahamas, Blairmore investment Trust, mais il les a vendues en 2010 avant d’être élu premier ministre. Ce n’était pas grand-chose, d’ailleurs, il les avait acquises pour un peu plus de douze mille livres et revendues pour trente, soit une plus-value un peu inférieure au seuil de taxation britannique – mais quant aux dividendes annuels, il en payait ponctuellement l’impôt. Il n’y a en cela rien d’illégal à son opinion, aucune volonté d’évasion fiscale, le Blairmore investment trust était juste le bon instrument financier pour investir en dollars avec son père. Et d’ajouter :
« Je n’ai honnêtement rien à cacher. Je suis fier de mon père et de ce qu’il a accompli, de l’entreprise qu’il a montée et tout le reste. Je ne peux supporter que son nom soit traîné dans la boue ».
Tous les politiques se sentent suspects et se justifient
Un peu d’exagération dans la rhétorique affective indique sa peur, sa volonté de se dédouaner et de sortir de la position de suspect, comme aussi la liste de ses biens, qu’il s’est cru obligé de détailler devant les journalistes :
« Je possède deux maisons, dont une que je loue, et j’ai mon salaire de Premier ministre. Je n’ai pas d’actions, pas d’investissements, j’ai quelques économies ».
Dans l’état actuel des révélations des Panama Papers, il est impossible de conclure à la culpabilité ou à l’innocence des politiques accusés, mais il est clair que tous se sentent obligés de se justifier. Le système des fuites organisées par le consortium international des journalistes d’investigation installe un véritable terrorisme fiscal, qui ne repose pas sur des dossiers solides et complets, mais sur l’effet d’annonce de révélations parcellaires : c’est vraiment la loi des suspects. Le politique pris dans ce piège ressemble à un lapin dans les phares d’une voiture, il se débat, mais pas à armes égales. Parce que la question est avant tout morale : l’inquisition lui demande s’il est en état de grâce, et il s’épuise à prouver que oui. Quelle que soit la posture adoptée, et l’argumentation développée, il y a là une soumission de départ à un système de police mondiale dont l’objectif est la mise au pas des politiques par la peur du qu’en dira-t-on que leur inspire leur propre patrimoine.
Les Panama papers, instrument de soumission par la peur
Le cas du premier ministre islandais qui vient de démissionner, Sigmundur David Gunlaugsson, est caractéristique. Sa femme Anna a utilisé une société offshore domiciliée aux Îles vierges britanniques, Wintris pour placer sa fortune, venant de la vente de son entreprise. Le très à gauche Guardian, qui a dépouillé cette partie des Panama Papers, reconnaît n’avoir « observé aucune preuve qui, suggérerait une évasion ou une fraude fiscales ou aucun bénéfices malhonnête de la part » des deux époux ou de la société Wintris. Mais Gunlaugsson a dû démissionner sous la pression de manifestations de rue parce que les Islandais restent échaudés par la crise financière de 2008 et les scandales bancaires. Or les gouvernements islandais se sont précisément distingués dans la gestion de cette crise par leur indépendance par rapport aux banques ! Et par leur refus de s’en remettre aux instances internationales. D’ailleurs, ce qui est politiquement reproché à Gunlaugsson est d’avoir rompu les négociations d’entrée de l’Islande dans l’Union européenne. Du point de vue de la police mondiale des politiques non conformes, il fallait le faire tomber : en faire un suspect de mauvaise action financière, même si ses accusateurs eux-mêmes reconnaissent le dossier vide, a été le moyen idoine.