Angela Merkel et Barack Obama ont mis dimanche tout leur poids et leur capacité de persuasion dans la balance pour défendre le projet d’accord de libre-échange entre les Etats-Unis et l’Union européenne (TTIP), à l’heure où ce projet suscite une opposition croissante de part et d’autre de l’Atlantique. Mais c’est pour eux une importante question de temps. En effet, le président américain quittera son poste à l’orée de l’année 2017, année qui verra par ailleurs d’importantes élections en Europe bouleverser peut-être encore davantage les perspectives, à commencer par la présidentielle française.
Au premier jour de sa visite en Allemagne, le président américain a donc souhaité que les négociations sur ce traité sortent de l’impasse, afin de parvenir à une conclusion positive avant qu’il ne quitte la Maison Blanche.
En Allemagne, Barack Obama veut précipiter la signature du TTIP
« Je ne m’attends pas à ce que nous soyons en mesure de finir la ratification d’un accord d’ici à la fin de l’année, mais je prévois que nous ayons terminé les négociations [en vue] de l’accord. (…) Alors les gens seront en mesure de voir pourquoi cela serait positif pour nos deux pays », a-t-il déclaré au cours d’une conférence de presse à Hanovre, après un premier entretien avec Angela Merkel.
On reconnaît bien là la pratique constante de nos élites, affirmée ici sans scrupule aucun, et qui consiste à nous dire froidement que, une fois que les négociations seront en bonnes voies, les gens – c’est-à-dire nous tous – n’auront pas d’autre possibilité que de voir que cela est positif. Si d’ailleurs ces gens s’évertuaient à dire l’inverse, cela ne changeraient alors plus grand chose, sauf à provoquer un cataclysme politique…
C’est sans doute pour cela que Barack Obama a tenu à caresser les opinions publiques dans le sens du poil, en reconnaissant qu’elles étaient inquiètes à propos de cette question d’un accord commercial transatlantique (TTIP, ou TAFTA en anglais), car, a-t-il expliqué, elles associent le projet de libre-échange aux effets néfastes de la mondialisation.
Angela Merkel appelle à la conclusion de l’accord de libre-échange entre les Etats-Unis et l’Union européenne
Discours habile d’un politicien passé maître en cet art. Il voit bien que l’inquiétude croit, notamment après son séjour britannique où il a été confronté au Brexit, et il affirme qu’elle est justifiée pour mieux pouvoir nous vendre ce dont justement nous ne voulons pas. « Les gens voient une usine qui s’en va, des emplois perdus », a ainsi poursuivi le président Obama. Mais il a souligné qu’il ne fallait pas perdre de vue que l’ouverture des échanges commerciaux mondiaux était au final « bénéfique » pour l’économie et les emplois américains.
« Au moment où d’autres marchés comme la Chine commencent à se développer, (…) nous devons nous assurer que notre économie continue à être compétitive », a-t-il répété.
Est-ce un argument ? Angela Merkel a semblé le croire en déclarant à sa suite que le TTIP « contribuerait beaucoup à faire croître » l’économie européenne.
Le tour de passe-passe est admirable, et digne des plus grands magiciens, où les effets néfastes de la mondialisation, évoqués pour donner au propos un caractère d’objectivité, se retrouvent disparaître au nom d’un principe que les gens sérieux ne sauraient se permettre de contester.
Interrogations
Heureusement, peut-on dire, tout le monde ne s’y laisse pas prendre. Au sein même du gouvernement allemand, des oppositions récurrentes se manifestent. Ainsi, ce même dimanche, le vice-chancelier et ministre de l’Economie Sigmar Gabriel, qui a sans doute des visées nationales, a souligné que l’accord ne saurait aboutir sans concessions de Washington. Le dirigeant social-démocrate dénonce le fait que, en l’état, le TTIP peut se résumer en une formule : « Achetez américain ! »
François le Luc