C’est presque officiel, Donald Trump a choisi son colistier, celui qui fera ticket avec lui pour la présidentielle US en novembre. Il s’agit du gouverneur de l’Indiana, Michael Pence. Déjà, toute la presse, y compris du côté conservateur du parti républicain, flingue cet homme engagé à fond dans la défense de la vie et de la famille.
Donald Trump en a repoussé l’annonce à cause de l’attentat de Nice, mais cela devrait être officiel dimanche pour l’émission 60 Minutes sur CBS où il apparaîtra avec Mike Pence. Il a préféré celui-ci à Newt Gringrich, Jeff Sessions et Chris Christie, auxquels il avait aussi pensé, pour être son colistier lors de l’élection présidentielle US qui aura lieu en novembre 2016. Pence n’est pas encore nommé qu’il est présenté par la presse comme maladroit, étroit d’esprit et catastrophique, y compris du côté conservateur auquel il appartient pourtant. La polémiste Ann Coulter, qui fait autorité dans l’aile droite du parti républicain par ses éditoriaux et ses best-sellers engagés, a qualifié le choix de Pence de « première faute de Donald Trump » et parle dans un tweet de « ticket du désastre ».
Pence, conservateur US atypique
Mike Pence, qui fut membre de la chambre des représentants avant d’être gouverneur de l’Indiana, a la réputation dans la presse d’avoir été à ces deux postes l’un des républicains les plus réactionnaires des Etats-Unis. Conservateur en matière de société, il l’est aussi en matière économique. Il a combattu vivement l’Obamacare, et voté en faveur d’une réduction des dépenses fédérales. Mais c’est surtout pour son style que la presse US n’aime pas cet avocat évangéliste issu d’une famille très simple d’origine irlandaise, qui n’hésite pas à employer des moyens inhabituels pour manifester ses convictions. Ainsi a-t-il lancé en janvier dernier un service d’information sur l’actualité intitulé JustIN, pour réagir au conformisme des médias mainstream, qu’ils soient locaux ou nationaux. Le hic, c’est qu’il était financé par les contribuables de l’Indiana, ce qui n’est pas bien vu aux Etats-Unis. Le directeur de la Portland Commercial Review ne l’a pas manqué : « Je pense que c’est une idée ridicule. L’idée de contenus présenté par un élu, qui auront forcément un point de vue favorable, est antithétique à celle de presse indépendante ».
Pourquoi la presse le flingue
Cependant Mike Pence est présenté comme un méchant pour deux choses principales : son opposition à l’entrée de réfugiés syriens en Indiana et une politique familiale dictée par ses convictions religieuses. L’ONG Exodus Refugee, à laquelle il avait tenté de couper les vivres, le poursuit en justice, et il est accusé d’avoir violé la constitution US. Un juge fédéral d’Indianapolis estime que la directive du gouverneur Pence contre les agences qui s’occupent d’insérer les migrants dans l’Etat « est clairement discriminatoire contre les réfugiés syriens, en fonction de leur origine nationale ».
En matière de lutte pour la vie et contre la destruction de la famille, Pence a pris des positions et des décisions dont certaines ne passent pas même du côté conservateur. Pence, qui se définit comme « chrétien, conservateur et républicain, dans cet ordre » a poussé l’Indiana à rejoindre le Nord Dakota dans l’interdiction de l’avortement, y compris pour malformation du fœtus, ce qui a rencontré l’opposition de certains parlementaires républicains. En outre, pour illustrer « la valeur de toute vie humaine », Pence a signé une loi établissant un service funèbre pour les fœtus morts, y compris résultant de fausses couches naturelles. Un juge a bloqué l’application de la loi pour « atteinte au droit de choisir des femmes ».
Tel Trump, tel colistier : les ambiguïtés de Pence
L’une des deux choses que lui reproche Ann Coulter, grande prêtresse du courant conservateur des républicains dans la presse US, est une loi sur la liberté dans la restauration : elle permet l’objection de conscience aux restaurateurs qui ne veulent pas servir de repas pour les mariages homosexuels. Pence l’a d’abord soutenue, puis, devant le scandale universel, a entrepris de se justifier par un petit couplet contre la « discrimination », ajoutant qu’il ne prétendait pas « embringuer le gouvernement de l’Etat dans des disputes entre personnes privées ». A la suite de cela, pour restaurer l’image de l’Indiana malmenée par les campagnes des activistes LGBTI, il a payé une campagne de publicité supplémentaire pour le tourisme dans l’Etat, pour un montant d’un million de dollars. D’une façon si peu cachée que tout le monde a bien vu qu’il s’agissait de limiter les dégâts occasionnés par sa loi sur la restauration.
D’où le coup de flingue d’Ann Coulter : « Dans l’affaire du mariage gay il s’est arrangé pour déplaire aux deux côtés. (…) Après sa loi protégeant les chrétiens contre l’obligation de servir les mariés gais, il molli. (…) Il s’est laissé tirer le portrait en vieil imbécile homophobe d’ultra droite, puis il a cédé devant les activistes d’extrême gauche. » Et de lui reprocher en outre une loi sur les travailleurs immigrés qui, sous couleur de fermeté, leur permet en réalité de remplacer les travailleurs américains.
Après tout, il est naturel que Trump, candidat ambigu, choisisse un colistier ambigu.