La condamnation politique de Donald Trump

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C’est une particularité de la justice américaine que de fonctionner avec des juges élus ou politiquement nommés. On dira qu’au moins la chose se fait au grand jour, mais en attendant la nomination et la promotion des magistrats ne se fait nullement dans un contexte d’indépendance, et c’est assurément l’une des raisons pour lesquels le procès de l’ex-président Donald Trump, a quelques mois seulement de la prochaine présidentielle aux Etats-Unis, s’est achevé sur une condamnation qu’il faut bien qualifier de politique.

Le tribunal de New York l’a condamné pour une histoire de mauvaise déclaration comptable de fonds utilisés de manière dissimulée pour obtenir le silence d’une actrice de films X, Stormy Daniels, qui affirme avoir eu des relations sexuelles avec lui en 2006 – chose que Trump nie – et s’être fait payer pour ne pas en parler. L’affaire est sordide, et il est évident que si elle a fait surface aujourd’hui, c’est pour nuire à la campagne présidentielle alors que Trump est quasiment assuré d’être le candidat officiel du Parti républicain en novembre prochain.

 

La condamnation de Donald Trump était courue d’avance

Les peines restent à définir ; selon le professeur de droit émérite de Harvard Alan Dershowitz, il est probable que le juge Juan Merchan prononcera une peine de 2 ou 3 ans de prison, mais en l’assortissant du sursis, en guise de « message ». Cette décision sera rendue publique d’ici à un mois et demi – pour Dershowitz, cela n’a pas de sens car tout le monde savait que Trump serait jugé coupable : Merchan « savait quel serait le verdict en fonction des instructions données ; le jury n’avait pas d’autre choix que de condamner ».

Le choix du district de Manhattan a assuré à la fois la désignation d’un juge hostile et d’un jury acquis à ses adversaires : comme l’a dit Trump à l’issue de son procès, le parti républicain n’y dépasse pas les 5 à 6 %.

« Dès que ce juge a été choisi, dès que ce procureur a été autorisé à changer l’avis de tous les procureurs précédents, puis à choisir le lieu où le procès se déroulerait à New York, à Manhattan, où près de 90 % des jurés [choix] détesteraient Donald Trump. Ce n’était pas un procès », a déclaré Dershowitz à Newsmax. Pire, « personne n’aurait pu gagner » l’affaire, car les faits ou les avocats n’avaient « aucune importance », a ajouté le juriste : « Tout ce qui comptait, c’est que la personne jugée était Donald Trump. Il y a des dizaines de points susceptibles de faire l’objet d’un appel. Je suis probablement l’avocat privé le plus expérimenté en matière d’appel dans les affaires pénales du pays, et je peux vous dire que pour un procès qui a duré aussi longtemps que celui-ci, je n’ai jamais vu autant d’erreurs réversibles. »

 

Donald Trump fera appel de cette condamnation politique

En particulier, le juge Merchan a limité ou interdit certains témoignages favorables à Donald Trump. Ce dernier fait également l’objet d’un « gag order », une obligation de se taire au sujet du juge, des témoins et d’autres personnes liées à la procédure, et il n’est pas clair pour l’instant si cette disposition s’est éteinte avec le rendu du verdict ou s’il faut attendre le 11 juillet, date à laquelle Merchan prononcera la peine.

Mais pour que l’appel puisse prospérer, il faut qu’il se déroule hors de l’Etat de New York où tous les juges sont élus par les mêmes électeurs. Selon Dershowitz, l’équipe de juristes de Trump devrait s’adresser à un échelon supérieur où les juges ne sont pas élus, et réclamer un passage direct devant la Cour Suprême des Etats-Unis, qui a « l’obligation d’examiner cette affaire avant l’élection afin que le public américain sache si Donald Trump est coupable ou non de ces crimes inventés », a-t-il déclaré.

L’ancien président des Etats-Unis, anti-mondialiste et donc en butte à une hostilité généralisée dans le monde de l’establishment politico-juridique, a qualifié l’affaire de « procès truqué par un juge en conflit d’intérêts et corrompu… une honte ». Un procès piloté par l’administration Biden « pour nuire à un opposant politique »…

Les médias favorables appellent cela du « lawfare », jeu de mots qui fait détourne le terme « warfare », le fait de mener la guerre : ici c’est la loi qui est instrumentalisée jusqu’à devenir une arme politique.

 

La condamnation politique de Donald Trump et le principe d’hétérotélie

La question principale qui se pose est dès lors de savoir si Trump va pouvoir maintenir sa candidature à la Maison-Blanche. Sur le terrain, sa condamnation a eu pour effet de galvaniser les troupes : de nombreux Républicains ont exprimé leur soutien, y compris des personnalités plutôt hostiles comme Mitch McConnell ou Susan Collins qui au Sénat sont dans l’aile gauche du parti. Et dans la foulée du verdict, la page de dons pour la campagne présidentielle a crashé en raison du nombre faramineux de connexions.

Au fond, le spectacle d’une affaire menée de manière aussi biaisée pourrait même profiter à Trump, même si chez les Démocrates, on s’en donne à cœur joie pour dénigrer le candidat.

Dans un entretien avec des spécialistes du droit des Etats-Unis publié par The New American, l’un des moyens les plus évidemment malhonnêtes utilisés lors de ce procés a été mis en évidence : il s’agit des instructions données par le juge Merchan qui a affirmé aux jurés qu’ils n’étaient pas obligés d’être d’accord sur l’infraction reprochée à Trump. Il suffisait selon Merchan qu’ils le trouvent coupable d’une chose ou d’une autre, sans avoir à préciser laquelle, pour qu’une décision puisse être prise. Du jamais vu.

 

Jeanne Smits