Le sommet du G20 qui vient de se terminer à Hangzhou n’a pas débouché sur des décisions immédiates fracassantes, mais le président Xi Jinping a montré sa volonté de changer les règles du commerce et des institutions internationaux pour préparer un modèle chinois du mondialisme.
Malgré son exotisme, Hangzhou en prévision du sommet du G20 qui vient de s’y tenir, avait importé une forte provision de langue de bois économico-politique à l’intention des participants. Xi Jinping en a usé sans modération : « Les vieilles mentalités de la guerre froide doivent être mises à la poubelle. Nous avons un besoin urgent de construire ensemble un nouveau concept de sécurité, inclusif, total, coopératif et soutenable à long terme ». Pour faire bon poids, il a martelé ses « quatre prescriptions » indispensables « innovant, revigorant, interconnecté et inclusif ». Un vrai vocabulaire de patron de multinationale en conférence de presse.
Un sommet du G20 pour contester le leadership US
Mais, derrière ces éléments de langage nécessaires à tout chef d’Etat paraissant à un sommet du G20, la puissance invitante a tenu à se présenter en Primus inter pares des grands de ce monde, pour contester à terme aux Etats-Unis leur rang de première économie et premier Empire mondial. Sa stratégie consiste à infléchir la philosophie et les règles du mondialisme pour les rendre plus favorables aux intérêts chinois. Ce qu’un analyste de l’institut chinois pour l’étude de l’OMC, He Weiven, justifie avec un rien de causticité : « Les Etats-Unis ont dit qu’on ne pouvait laisser la Chine fixer les règles mais il semble que leur propre maîtrise des règles ne leur gagne pas les cœurs parce qu’elle traduit leur seuls intérêts ».
Les Chinois exploitent la critique du mondialisme US pour promouvoir le leur
Chacun pourra confirmer cette constatation, et le président chinois entend s’en servir. Ses provocations militaires en mer Jaune et en mer de Chine exploitent ce sentiment général de ras-le-bol, et son impérialisme économique aussi. L’impopularité du traité transatlantique et du traité transpacifique, dont l’avenir est aujourd’hui plus qu’incertain, lui permet de proposer une approche multipolaire autour de l’OMC. De là, par exemple, ses propositions de réformes de la Banque mondiale et du FMI pour donner plus la parole aux pays émergents. Cette approche vise à explorer un mondialisme un peu perfectionné, où les Etats-Unis occuperont moins de place. L’ennemi reste le protectionnisme, mais la solution devient le multilatéralisme, dans un esprit socialiste, puisqu’il s’agit de définir « les premières règles encadrantes pour l’investissement transfrontalier ». Les BRICS contribuent à la chose. Selon le groupe de réflexion des BRICS à l’université Tsinghua à Pékin, il est impératif pour les Chinois d’améliorer leurs relations internationales pour « avoir voix au chapitre et forcer l’Ouest à partager la production des règles internationales ».
Préparer un mondialisme à visage humain – et chinois
Les Chinois en effet, s’ils sont acquis au mondialisme libre-échangiste d’esprit socialiste, n’en sont pas moins égoïstes que les Américains, et Xi Jinping entend bien prendre la direction des opérations une fois qu’il l’aura ôtée à Washington. En marge du sommet du G20 s’est tenu à Hangzhou un B20, sommet des affaires, consacré spécialement aux PME. Le Chinois Jack Ma, patron d’Alibaba, géant du commerce en ligne a entrepris de récupérer le monde des PME au profit du mondialisme. Sa déclaration fut un petit chef d’œuvre de démagogie : « Nous vivons un moment crucial où les gens n’aiment pas la mondialisation ni le libre échange ». Il propose donc un programme mondial de commerce en ligne qui serait « un mécanisme de dialogue entre public et privé pour le développement de commerce électronique international (pour) aider les PME, les pays en voie de développement, les femmes et les jeunes générations à participer à l’économie mondialisée ».
Hangzhou : la route de la soie roule pour soi
Des fleurs de rhétorique remarquablement citoyennes pour orner le projet de « nouvelle route de la soie » porté par Xi Jinping, un projet informatique, financier et commercial connu sous l’acronyme anglo-saxon de OBOR (One belt, one road, une ceinture – un bassin d’activité – une route). Un projet pharaonique que les analystes chinois, poètes à leurs heures, définissent comme « une symphonie de connectivité moderne ». C’est une autoroute électronique qui traversera l’Asie et la reliera à l’Europe, un projet dans lequel le gouvernement chinois s’est lancé à fond et qui devrait coûter la bagatelle de 3.260 milliards de dollars. Sans doute, quand on regarde le PIB par habitant, le géant chinois reste-t-il un nain devant les grandes économies occidentales. Mais il est devenu la locomotive de la croissance (et de la crise) mondiale, sa capacité d’investissement croît sans cesse, et il a décidé de traduire cette position dans des projets, et des modifications de règles, qui vont préparer le mondialisme de demain, un peu plus multilatéral en apparence, toujours plus socialiste, et surtout plus chinois.